Il s'agit d'une première mondiale. Rien ne garantit cependant que le processus soit applicable à l'homme...
De notre correspondant à Los Angeles
Du mythe de la fontaine de Jouvence au pacte réalisé par Dorian Gray, la quête de la jeunesse éternelle -voire de l'immortalité- reste le Graal ultime de la biogénétique. Dans une étude publiée lundi dans Nature, des scientifiques d'Harvard expliquent avoir réalisé une percée importante en inversant pour la première fois le processus de vieillissement chez des souris génétiquement modifiée.
Sur le papier, l'expérience est plutôt simple. L'équipe du professeur Ronald DePinho a mis au point des souris chez qui ils avaient bloqué la production de télomérase, une enzyme impliquée dans le vieillissement cellulaire. Pelage grisonnant, perte de l'odorat et des fonctions reproductrices, dégénérescence du cerveau... «Les rongeurs de six mois (une souris a une durée de vie moyenne de trois ans, ndr) montraient des caractéristiques similaires à celles d'un humain de 80 ans», explique DePinho.
La qualité de vie prolongée, pas la durée
Et puis les scientifiques ont réactivé la production de télomérase. Fertilité retrouvé, régénérescence du foie et de la rate, nouveaux neurones dans le cerveau... Le processus de vieillissement s'est alors quasi totalement inversé jusqu'à un retour «à un stade de jeune adulte».
Détail important: les cobayes n'ont pas vécu plus longtemps que des souris saines. Pour le scientifique, cette découverte est cependant porteuse d'espoirs dans la lutte contre les maladies dégénératives, comme Alzheimer, Parkinson ou la progéria. Ronald DePinho envisage même la possibilité de fabriquer un jour des pilules «anti-vieillissement» qui nous permettraient de vivre en meilleure santé.
Protection de l'information génétique
La télomérase a été découverte en 1985. Des travaux sur l'enzyme ont permis à trois scientifiques américains de décrocher le Nobel de médecine en 2009. Elle intervient dans la création des télomères, une région située à l'extrémité de nos chromosomes, sorte de protection chargée d'éviter un effilochement et une perte d'information génétique lorsque nos bâtonnets sont dupliqués. C'est un peu comme pour des chaussures: si le plastique au bout d'un lacet s'abîme, ce dernier devienne vite inutilisable.
Avant une transposition chez l'homme, il reste cependant du chemin. Les scientifiques devront d'abord déterminer si l'expérience peut avoir un impact chez des souris saines, non génétiquement modifiée pour vieillir plus vite. Ensuite il faudra «des années et des années», selon DePinho, avant de possibles essais chez l'homme.
Réactiver la production de télomérase chez l'adulte pourrait avoir des effets néfastes et déclencher une activité cancéreuse (ce qui n'a cependant pas été le cas chez les souris). Bref, Benjamin Button, ce n'est pas encore pour demain.