TF1 conteste la taxe sur les SMS
Depuis huit ans, la Une a tout fait pour ne pas payer la taxe sur les SMS et les appels surtaxés, qui lui coûterait 2,2 millions d'euros par an.
Ce samedi 2 février, vous assisterez peut être au retour de The Voice sur TF1. Et peut être voterez-vous par SMS pour tel ou tel candidat, ce qui vous coûtera 0,65 euro. Ou peut être voterez-vous par téléphone, ce qui vous coûtera alors 0,56 euro.
Au total, chaque prime du télé-crochet donne lieu à plusieurs centaines de milliers de votes. Selon une enquête du Parisien, la chaîne touche les deux tiers de la somme, puis en reverse un bout au producteur.
Mais, face à l'essor de la télé-réalité, une taxe de 5,5% a été instaurée fin 2004 sur les SMS et appels surtaxés, taxe qui est reversée au Centre national du cinéma (CNC). Selon un rapport de l'Inspection génarle des finances, cette taxe devrait rapporter environ 4 millions d'euros par an... si elle était bien acquittée par toutes les chaînes.
Or, dès le départ, TF1 l'a contestée, et le groupe est arrivé à ne pas la payer pendant plusieurs années. Ce non paiement "constitue un manque à gagner chiffré par le CNC à 2,2 millions d'euros par an, soit un montant supérieur à celui encaissé", pointe le rapport.
Montage complexe
Pour ne pas payer cette taxe, TF1 a d'abord brandi un argument légal. En effet, dans la filiale de Bouygues, les revenus des SMS et des appels surtaxés atterrissent, non dans les comptes de la chaîne TF1, mais dans ceux d'une autre filiale du groupe : e-TF1. La Une argue donc que, formellement, la chaîne TF1 n'engrange pas les revenus des SMS, "même indirectement", et donc qu'elle n'est pas assujettie à la taxe.
En réalité, l'essentiel du chiffre d'affaires de e-TF1 provient de ces SMS et appels surtaxés. Et e-TF1 reverse bien une partie de ces revenus à TF1 (un peu moins d'un million d'euros par an) via un mécanisme complexe. Précisément, un accord de location gérance a été passé entre TF1 et e-TF1. Cet accord prévoit que e-TF1 reverse à TF1 une "redevance de location gérance", qui est un pourcentage du chiffre d'affaires de e-TF1 (cf. ci-contre).
Guerilla juridique
Face à cette évaporation, les pouvoirs publics ont décidé de faire rentrer TF1 dans le rang. Fin 2007, un amendement est adopté avec le soutien du gouvernement pour préciser que la taxe s'applique aussi à ceux qui "assurent l'encaissement" des revenus des SMS.
Puis en avril 2008, Bercy publie une instruction fiscale pour enfoncer le clou. Mais la filiale du groupe Bouygues ne lâche pas l'affaire. Elle décide de contester cette instruction fiscale, d'abord via un recours gracieux, puis un recours contentieux en Conseil d'Etat. Elle argue notamment que cette instruction viole -rien de moins- la Déclaration des droits de l'homme de 1789, qui affirme que l'impôt "doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés". Autre argument: l'instruction fiscale instaurerait "un nouvel impôt", ce qui outrepasse les pouvoirs de Bercy.
Mais les juges du Palais Royal rejettent ce recours mi-2011. Que les revenus soient touchés directement par la chaîne ou passent par e-TF1 "nous paraît revenir au même", estime le rapporteur public Claire Legras.
Apparemment, la Une payerait la taxe depuis cette décision du Conseil d'Etat. Mais TF1 "continue de contester son assujettissement", écrivait l'Inspection des finances en 2011. En effet, des contentieux seraient toujours en cours. Selon certaines sources, la Une contesterait désormais les paiements après les avoir effectués.
Interrogée, la chaîne s'est refusée à tout commentaire. De son côté, le CNC a répondu: "ces éléments sont couverts par le secret fiscal, que nous n'avons pas le droit de commenter. Mais le CNC confirme que l'assiette de la taxe inclut les SMS et appels surtaxés, et s'applique à toute personne en assurant l'encaissement, comme l'a rappelé le conseil d'Etat".