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10 expressions vraiment insupportables


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Il suffit de passer un peu de temps dans le métro ou dans un café pour entendre une flopée de « tu vois », de « j'imagine! », de « LOL », de « ça le fait ».

Publié il y a quelques jours, Je dis ça, je dis rien (Leduc ed.), recense 200 de ces expressions insupportables identifiées par la blogueuse Adèle Bréau.

1. « Faire le buzz »
Véritable phénomène de la génération internet, l'expression « faire le buzz » ou « buzzer » signifie littéralement « faire sensation » ou « avoir du succès ». En général le « buzz » se fait sur le net, se propage comme une traînée de poudre et se perd dans les profondeurs d'un oubli intersidéral aussi rapidement qu'il est né.

Contexte: « Ouah, 10.000 vues sur Youtube! Cette vidéo de mon chat en train de manger les hortensias du voisin fait vraiment trop le buzz! »

Pourquoi on n'en peut plus de l'entendre: parce qu'au lieu de mettre des vidéos en ligne, les jeunes devraient se souvenir qu'ils ont un bac à réviser. Sinon, Julie Neveux le voit comme ça: « Aujourd'hui il faut faire de l'effet par tous les moyens, c'est l'héritage de la culture américaine. C'est pourquoi ce mot est parfait pour désigner le phénomène: rapide et issu d'une onomatopée, il met de côté la richesse de la langue pour faire primer sa fonctionnalité. »

2. « En même temps »
L'expression « en même temps » a complètement changé de sens en quelques années. Dans le langage moderne, elle signifie « mais », « cependant » ou « pourtant », donc l'opposition, alors qu'à l'origine elle désignait plutôt la simultanéité : « au même moment », « dans le même intervalle »,etc.

Contexte: « J'aime beaucoup cette petite robe fuchsia; en même temps, mettre du fuchsia à un enterrement, c'est peut-être un peu mauvais genre ».

Pourquoi on n'en peut plus de l'entendre: Julie Neveux résume très bien la situation, »Mes élèves à l'université ne savent plus du tout utiliser les connexions logiques. Quelle est la conséquence? Quelle est la cause? Ils n'en savent rien. L'expression « en même temps » est symptomatique: ici on a complètement perdu le sens originel et on exprime une opposition avec une expression censée exprimée la similitude. »

3. « Je dis ça je dis rien »
Utilisée en général à la suite d'une bonne grosse vacherie, « je dis ça, je dis rien » semble servir, justement, à ne rien dire. Voici la tautologie dans toute sa splendeur: un élément de langage qui s'annule aussitôt qu'il est prononcé.

Contexte: « Il est pas en train de se dégarnir, Ghislain? Enfin, je dis ça , je dis rien. »

Pourquoi on n'en peut plus de l'entendre: parce que quitte à dire quelque chose, autant que ça ne soit pas rien. Et vice-versa. « Cette expression a une fonction phatique, explique Julie Neveux. Elle sert simplement à établir un lien social. La parole est de plus en plus vide de sens, elle n'a pour faculté que le plaisir de prendre la parole. »

4. « Les gens »
Voilà encore une belle façon de se démarquer de la masse: on parle des « gens » en opposition à soi-même, l'être suprême et ô combien différent. C'est marrant d'ailleurs, parce que tout le monde l'utilise tout le temps.

Contexte: « Qu'est-ce qu'ils conduisent mal, les gens. Ils ont pas encore compris que les radars te flashent pas si tu roules en zig-zag. »

Pourquoi on n'en peut plus de l'entendre: peut-être parce qu'on voit toujours la paille dans l'oeil du voisin, mais pas la poutre dans le sien. Julie Neveux, elle, a une autre explication: « Ce genre de propos affirmatif exprime le besoin de généraliser. C'est encore une façon d'avoir un discours qui englobe la situation immédiatement dans une vérité universelle: tel type conduit comme un fou, alors tous les gens sont dangereux (tout le genre humain!) C'est le cerveau qui catégorise immédiatement dans ensemble très large, parce qu'on a toujours besoin de se raccrocher à des repères (ce que je vis se rattache à une situation générale); c'est une nouvelle fois une sorte de réflexe linguistique où l'on ne réfléchit pas au caractère spécifique de la situation(ce qui s'est passé dans ce cas exactement), ni à ses causes logiques, mais où l'on porte un jugement souvent manichéen sur une situation. »

5. « En mode... »
« Être en mode... » signifie « adopter une attitude particulière: « être en mode beau gosse », « être en mode dragueur », « être en mode flemmard ». Attention, ceux qui sont « en mode » ne sont pas forcément « à la mode ».

Contexte: « Quand j'ai vu cette vidéo du chat qui mange des hortensias, j'étais en mode pété de rire. LOL. »

Pourquoi on n'en peut plus de l'entendre: selon Julie Neveux, la situation est grave. Cette expression révèle à quel point notre époque nous a transformé en machines. Comme une machine à laver peut être en mode « essorage », l'humain se met en mode « dépressif » par exemple. Derrière, cela raconte à quel point notre société technique aboutit à une sorte de machinomorphisme. En mode robot, quoi.

6. « J'ai envie de te dire »
A l'instar de « je dis ça, je dis rien », le « j'ai envie de te dire » est utilisé comme pur apparat. Au lieu de simplement dire non, on dit « j'ai envie de te dire non » comme on enfilerait une bague 24 carats sur la main d'une femme très simple.

Contexte: « Tu veux te marier avec moi et avoir trois enfants, un fox-terrier et une vie très heureuse, Brigitte?
- J'ai envie de te dire non. »

Pourquoi on n'en peut plus de l'entendre: C'est simple, selon Julie Neveux, « on passe beaucoup plus de temps à l'annoncer qu'à le dire. » Faisons le calcul: « J'ai envie de te dire », c'est 5 mots; « non », c'est 1 mot.

7. « J'imagine »
« J'imagine » ne désigne pas du tout un effort d'imagination mais une façon de compatir faussement aux problèmes de son interlocuteur, tout en espérant qu'il va arrêter de raconter sa vie.

Contexte: « Mon divorce m'a miné le moral.
- J'imagine.
- Tu m'écoutes?
- J'imagine. »

Pourquoi on n'en peut plus de l'entendre: parce que c'est l'exemple typique de l'hypocrisie bien sous tout rapport. Julie Neveux nous en dit plus: « Normalement « j'imagine » veut dire « ressentir, voir des choses », alors qu'en fait on n'imagine rien, c'est un juste un mot réflexe, un moyen de compatir faussement. C'est vraiment le degré 0 du langage: parler pour parler. »

8. « T'es grave »
Rien à voir avec le fait d'avoir une grosse voix ou d'être solennel, ici « être grave » signifie en gros « exagérer », ou « aller un peu trop loin ». Mais de manière affective.

Contexte: « Roméo, pourquoi es-tu Roméo?
- T'es grave, Juliette. »

Pourquoi on n'en peut plus de l'entendre: parce qu'on nous le ressort à toutes les sauces et que c'est grave. « Au départ, le mot « grave » a plusieurs sens: solennel, lourd, sérieux,etc... Mais les nouvelles générations ne connaissent plus qu'un seul sens. »

9. « Trop pas »
« Trop pas » est utilisé pour dire « pas du tout » par toute une génération encore en âge de profiter de la carte 12-25.

Contexte: « J'ai trop pas envie d'aller à cet enterrement; ma mère a mis une robe fuchsia. »

Pourquoi on n'en peut plus de l'entendre: « Cette expression est typiquement un élément de langage tel qu'on en trouve aujourd'hui: on met énormément d'emphase dans une expression qui au final ne gagne pas du tout en intensité. »

10. « Bitcher »
« Bitcher » vient du mot anglais « bitch » en anglais, qui signifie « chienne » et une femme à la vertu très limitée. « Bitcher » signifie ici « parler sur le dos des autres, faire des ragots,etc. »

Contexte: « Vivement les vacances que j'aille bitcher au soleil. C'est bon pour le teint. »

Pourquoi on n'en peut plus de l'entendre: parce que bitcher c'est pas gentil. Selon Julie Neveux, « l'expression « bitcher » reflète un certain effort de créativité. On a pris un mot qui a un sens bien défini pour en faire un verbe qui a un tout autre sens. C'est mignon. »