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Dieudonné et la censure


Je me suis décidé à écrire sur Dieudonné lorsque j'ai commencé à entendre, de la part de personnes que je considérais comme tout à fait « normales » et peu extrêmes dans leurs opinions, souvent plutôt cultivées, lancer mine de rien des « il dit pas que des conneries ce Dieudonné ! ».

Ca fait pour ma part un bon moment que je suis les interventions, spectacles, vidéos de ce monsieur, d'abord parce qu'il me faisait beaucoup rire, puis petit à petit parce que j'ai assisté, médusé, à une transformation de ses propos, à une radicalisation adossée à un petit « quelque chose » qui, à chaque fois, faisait glisser un peu plus son humour corrosif vers un premier degré sordide.

Faut-il parler de Dieudonné ?

Il est évident qu'une bonne partie de son audience et de son succès actuels le sont grâce aux multiples interventions dans la presse relatant le dernier scandale à la mode. La responsable de son avant-dernière tournée l'a d'ailleurs expliqué clairement dans un doc TV récent : aucune affiche, aucun budget publicitaire ; elle avait pour directive de ne rien dépenser en communication, « Les associations pro-sionistes vont s'en charger ». Et preuve en est que cela marche, et de mieux en mieux, puisqu'il est devenu un des très rares en France à pouvoir lancer sans crainte une tournée des Zéniths.

Ne pas en parler, c'est aussi ne pas donner d'éléments de décryptage, face à un discours bien rodé, où des horreurs absolues sont présentées comme des vérités rassurantes. Pour moi, Dieudonné est définitivement sorti du bois en invitant sur scène Robert Faurisson, le plus radical des négationnistes, maintes fois condamné, et qui connait aujourd'hui une seconde jeunesse médiatique grâce à la mise en lumière de Dieudonné.

Puisque je suis persuadé que la censure n'amène à rien, et qu'il faut écouter pour comprendre, je me suis donc infligé plusieurs longues interviews de Faurisson (on en trouve en abondance sur Youtube, je ne vais quand même pas être maso au point d'en diffuser des liens). Et j'ai été troublé. Pas par le discours, sans surprise, mais par ma réaction à chaud : si on écoute ce monsieur en dehors de tout élément de contexte, et sans aucune connaissance complète des dossiers évoqués, on peut facilement se laisser prendre au jeu. On n'a pas affaire là à un hystérique néo-nazi, mais à un paisible grand-père, visiblement cultivé et réfléchi, à la diction parfaite, et qui est très tranquille et serein dans l'absurdité de ce qu'il affirme, soit la non-existence des chambres à gaz pendant la seconde guerre mondiale.

Un peu comme écouter Thierry Meyssan parler du 11 septembre chez Ardisson avait pu troubler beaucoup de personnes, ces gens là peuvent semer le doute dans des esprits parfaitement honnêtes, en quête de vérité, mais qui ne font pas l'effort de prendre un minimum de recul ou de se contre-documenter, et qui donc avalent les discours de ces conspirationnistes comme on dévorerait un bon polar. J'imagine que les psys se sont penchés sur la fascination qu'on peut avoir sur les « théories du complot », c'est en tout cas à la fois étonnant, effrayant... et navrant.

On peut donc, en 2013, glisser tranquillement, sereinement, vers un négationnisme abject, simplement en se laissant porter par des vidéos bien foutues et convaincantes dans leur forme. Doit-on mettre un mouchoir là-dessus ? Les jeunes sont les premiers visés par le « canal-Dieudonné », et ils sont, malheureusement, souvent très réceptifs. Il faut répondre, parler, expliquer ; n'appliquer qu'une censure brutale ne fait que valider ce raisonnement terrifiant du complot, d'une vérité cachée qu'on chercherait à étouffer.

La théorie du complot

N'importe quel scénariste ou stratège vous le dirait : pour mobiliser les foules, il faut leur présenter un ennemi clairement identifié. Tout le jeu politique gauche/droite fonctionne comme cela. Tous les technophiles qui me lisent ont glissé dans des conflits très stériles de type « Atari vs Amiga », « Apple vs IBM », ou maintenant « iPhone vs Android ».

Pour Dieudonné et sa troupe, l'ennemi, c'est clairement le juif (il dit « sioniste », mais il a lui-même concédé dans une vidéo qu'il avait adapté son vocabulaire pour éviter les procès). Pourquoi les juifs se retrouvent-ils ainsi aussi souvent dans la ligne de mire, et ce de génération en génération ? Les arguments touchent parce qu'ils s'accrochent à des éléments qui peuvent apparaitre crédibles :

    les juifs se recentrent en lobbies, et profiteraient de cette puissante union pour monopoliser tous les secteurs clés : finances, médias, politique (le fameux complot judéo-maçonnique...).
    les juifs se positionnent systématiquement en victimes
    les juifs utilisent toujours le « bouclier » que représente l'argument ultime qu'est la Shoah.

Quel crédit doit-on apporter à ces assertions ? Bien évidemment, comme toujours, faire des généralités sur un grand groupe de personnes est terriblement caricatural. Mais si ces arguments portent, c'est qu'à chaque fois, on peut se raccrocher à des cas où l'on peut se dire : « ah oui, c'est vrai ! ».

On connait tous des juifs influents, ou entendu des discours victimisants, ou faisant ressortir (en général complètement hors-propos) l'argument du génocide des juifs pour couper court à toute discussion. Bref : même si en faire un « cas général » est horrible, broder un argumentaire est super simple, en s'appuyant sur des exemples concrets et du « bon sens populaire ». Et, malheureusement, les formes de protection contre ces attaques ont très souvent l'effet inverse de celui escompté : on donne de l'eau au moulin de ces discours basés sur la méfiance de l'autre.

Desproges, qu'on cite ces temps-ci souvent à tort et à travers, disait : « C'est terrible, on ne peut plus dire que Jean-Jacques Goldman est un con sans passer pour antisémite ». Et on ne peut pas le nier : toucher à l'image d'un juif, est depuis longtemps un terrain miné (je m'en rends compte moi-même avec la difficulté que j'ai à écrire ce paragraphe). Parce que le passé est immensément lourd, parce que les exemples de dérives sont nombreux, parce que les associations contre l'anti-sémitisme sont effectivement puissantes et sans nuance quant à leur façon d'agir.

Dire qu'un peuple ou qu'une religion est 100% victime est (presque) aussi crétin que de l'accuser de tous les maux. Mais la stigmatisation, la généralisation, la caricature pour donner un ennemi désigné dans un discours politique est quelque chose de particulièrement terrifiant.

Mais autant je trouve très désagréable l'idée même de devoir se censurer par peur de se faire accuser d'anti-sémitisme, autant je trouve effarant d'utiliser tout cet argumentaire pour le retourner dans un discours de haine où l'ennemi désigné l'est par sa simple appartenance à une origine, ou à une religion.

Malheureusement, bien des prises de positions ont radicalisé le débat, ne faisant qu'envenimer les choses : les lois interdisant les propos antisémites, et spécifiquement ceux-là, donnent l'impression aux ‘complotistes' qu'on valide leur propos en les censurant. Les attaques systématiques d'associations telles que la LICRA rendent toute discussion pénible, et en rajoutent des tonnes dans la caricature de la « victime se camouflant derrière la Shoah ». Et aujourd'hui, les projets d'interdiction de spectacle de Dieudonné vont bien sûr, s'ils aboutissent, agir comme un catalyseur supplémentaire.

Un plan de comm' aiguisé

Dieudonné s'engouffre bien évidemment dans cet argumentaire, en l'accolant à un autre vecteur puissant : il le présente d'une manière très drôle et galvanisante, et parfaitement adaptée au mode de consommation d'un jeune d'aujourd'hui : on regarde aujourd'hui une vidéo de Dieudo comme on en verrait une de Cyprien ou de Norman. C'est drôle, rapide, et avec une transgression sans limite qui laisse rapidement le sentiment d'avoir affaire à quelqu'un qui « enfin, a un discours de vérité, sans langue de bois ». C'est terriblement dangereux. Dieudo, outre son talent comique incontesté, a tout compris à la puissance que pouvait avoir Internet dès lors qu'on l'utilise avec les bonnes clés : un format court, des phrases-choc, et une connivence qu'amène un dialogue direct avec la caméra.

Dans ses premiers essais de communication via Youtube, Dieudo utilisait un pupitre, comme un politique. Mais il a vite compris que son discours ne pourrait passer qu'avec une mise en scène beaucoup plus conviviale, intimiste. Là, on a l'impression d'avoir une discussion avec un bon pote à son bureau. Et ça marche au delà de toute espérance : plus de 2 millions de vues pour les dernières vidéos.

C'est d'autant plus facile pour lui qu'il n'a même plus à construire un discours : ses dernières vidéos s'intitulent « Dieudonné répond à ... », puisque chaque attaque dans les médias est un support inespéré pour répondre avec de nouvelles assertions, souvent fausses, très souvent drôles, et servies avec talent par le maître du second degré. Et toujours orientée avec le même paradigme : alimenter la thèse du complot juif, avec moulte exemples le présentant en victime d'un système.

Face à lui, on n'a affaire qu'à des gens maitrisant clairement beaucoup moins ces outils : lorsque le CRIF se plaint d'un Youtube qui mettrait en avant les vidéos de Dieudonné sur sa page d'accueil, c'est particulièrement affligeant d'ignorance : Youtube adaptant son portail en fonction des vidéos précédemment vues, cette page n'est que le reflet d'une veille que j'imagine assidue que cette association fait des vidéos de Dieudonné sur ses propres ordinateurs...

La quenelle, c'est antisémite ?

Même si son discours se radicalise chaque jour un peu plus, Dieudonné a très souvent utilisé un artifice bien à lui : l'ambiguité. Si telle ou telle action scandalise, l'argument de défense mis en avant est souvent celui d'une mauvaise compréhension. Vous ne comprenez pas le second degré, vous déformez tout, etc...

Est-ce que la quenelle est, comme l'accusent aujourd'hui diverses associations, un « salut nazi inversé » ? Si l'on se réfère aux spectacles un peu anciens de Dieudonné, on peut facilement trouver la trace de ce « gimmick » avec une signification claire de sodomie. Affirmer aujourd'hui une symbolique nazie, est sans doute, dans l'intention de départ, faux. Mais surtout, c'est du pain béni pour la communication de Dieudonné, qui trouve en ces accusations le parfait support à son argumentaire du « délire complet de l'ennemi » : j'imagine très bien Dieudonné découvrant la réaction de la LICRA : « rhaaaa putain ils sont trop cons, génial, on va pouvoir se gaver ! ». Puis, se ruant devant la première webcam venue : « Regardez, ils utilisent encore une fois l'argument de la shoah, comme bouclier pour camoufler la vérité ».

C'est bien là tout le problème, et le paradoxe d'un tel agitateur : plus on cherche à le freiner, plus ça marche. Quand il va au tribunal, c'est le torse bombé et une foule derrière lui. Un acquittement serait un échec. Une amende, une semi-victoire, en tout cas en aucun cas une charge puisqu'il ne paiera pas, ou fera payer par ses fans. Une condamnation à la prison serait un vrai triomphe, avec un message de victimisation qui serait largement relayé par ses sbires, voire probablement par lui-même via des vidéos enregistrées à l'avance « au cas où ».

Le lobbying juif est donc une cible particulièrement efficace pour lui, car il réagit au quart de tour en abondant dans sa logique. Il ne dit d'ailleurs pas autre chose dans sa « magnifique » chanson : « Tu me tiens par la Shoah, je te tiens par l'ananas ».

Néanmoins, et sans rentrer dans le piège de « quenelle=nazi », je dois rajouter qu'à titre personnel, voir ces vidéos où tous les spectateurs se dressent fièrement avec le bras tendu, ça me fait frémir. Parce que ça rappelle bien sûr les images de périodes sombres, pas par la signification du geste, mais par le symbole d'un formatage des foules qui fait très, très peur.

Au final, croit-il à ce qu'il raconte ?

C'est LA question, celle à laquelle il est impossible de répondre. Dieudonné était sur une pente clairement descendante, du point de vue de la réussite de sa carrière, depuis la fin de son duo avec Elie Semoun. Les premières provocations étaient sans doute des dérapages incontrôlés, suivis immédiatement d'excuses maladroites dans la presse. Mais quand il s'est rendu compte qu'il attirait ainsi un public nombreux, il a rapidement appuyé sur l'accélérateur pour arriver aujourd'hui à une situation inédite : sans aucune communication, sans aucune présence directe dans les médias c'est clairement aujourd'hui un des humoristes les plus populaire en France. Le nier comme ont tenté de le faire certain serait particulièrement stupide ; qui d'autre aujourd'hui peut remplir une telle tournée des Zénith ? Qui a une telle audience sur Internet ?

Reste le plus important, le fond. A jouer sur le fil du rasoir entre premier et second degré, Dieudonné a fini par perdre à peu près tout le monde : est-ce encore de l'humour, ou se prend il aujourd'hui pour un politique visionnaire qui va guider son peuple vers un avenir meilleur ? On est en droit de se poser la question en visionnant ses dernières vidéos, où il semble annoncer une sorte de Grand Soir, sans vraiment de promesses constructives, mais avec en revanche moults détails sur ce qu'il faut éliminer : la démocratie, le lobbying juif. On a également une idée assez précise de sa garde rapprochée, on ne peut plus éclectique mais avec en commun une infréquentabilité incontestée, et une haine partagée de tout ce qui ressemble à du sionisme : Alain Soral, Faurisson, le terroriste Carlos... Ca en ferait, un beau gouvernement !

En fait, pour tenter de comprendre le positionnement de Dieudonné, il est important je pense de connaitre un peu son évolution. Beaucoup de gens mélangent différents « périodes » de Dieudonné, donnant en argument de défense des éléments qui sont aujourd'hui obsolètes.
Caricaturalement, on peut résumer sa carrière ainsi :

    pendant les années 90, c'est la période du duo avec Elie. Les prises de positions sont réelles, mais sont « classiques » : par l'humour, il dénonce diverses stigmatisations. En 97, il se présente à Dreux contre le FN
    Entre 2000 et 2005, il devient beaucoup plus polémique, avec un discours beaucoup plus libéré et critique. Un premier point culminant est son intervention dans l'émission de Marc-Olivier Fogiel, déguisé en terroriste juif. Mais c'est surtout une période où il « dézingue tout azimut ». Le trait est cruel, violent, mais tout le monde en prend pour son grade. En 2005, il joue le spectacle « 1905″ dédié à la laïcité. Une bonne partie des arguments de type « Dieudo s'attaque à tout le monde, il est neutre » reposent sur des interventions de cette période.
    à partir de 2007, son rapprochement du FN, la mise en lumière de Robert Faurisson qu'il présente sur scène en 2008, son association avec Soral, représentent des années où Dieudonné bascule dans une attitude où il perd de sa « neutralité » pour viser clairement certains lobbys.

Difficile d'expliquer cette évolution, sans doute nourrie par divers conflits et frustration (il reprocha en particulier au « lobby juif » d'avoir bloqué le financement d'un projet de film qui lui tenait à coeur sur l'esclavagisme noir).

On peut débattre de « qui a commencé » dans le cercle vicieux de cette lutte entre fermeté des actions contre l'antisémitisme, et lutte de Dieudonné contre ces actions. Mais une chose est sûre : derrière Dieudonné, le CV de ses « associés » ne laisse aucune ambiguité sur ce qu'on peut penser de ce mouvement : qu'il s'agisse du négationnisme de pépé Faurisson, du délire d'un Alain Soral, ou du lourd passé du terroriste Carlos ou de l'assassin tortionnaire Youssouf Fofana, il apparait aujourd'hui très difficile de souscrire à un mouvement impliquant un aglomérat aussi vomitif.

Une quenelle de 170

La conclusion, pour moi, c'est que Dieudonné est en train de glisser une quenelle de 170 à son propre public. En jouant sur l'ambiguité de ses propos, en faisant applaudir un Faurisson par une salle qui ignore qui il est, en présentant de multiples exemples sans contexte ni explications, en surfant sur des propos « de bon sens » pour aller vers les idéologies les plus étouffantes, il crée un mouvement de masse qui le crédibilise, en utilisant largement ces foules pour nourrir un propos qui les dépasse complètement.

Vraisemblablement, une bonne partie des spectateurs dans la salle ou devant leur écran font « la part des choses » individuellement, et beaucoup, comme ils le disent eux-même, ne font que « voir un humoriste », comme d'autres font une quenelle comme ils mettraient un bonnet rouge. Et j'avoue moi-même encore parfois éclater de rire au milieu de vidéos consternantes, parce qu'il reste quelqu'un maitrisant parfaitement son art.

D'autres voient, par un discours bien démagogique, en Dieudonné le parfait porte-parole de leurs souffrances, de leurs frustrations. Mais utiliser ces souffrances au profit d'un discours particulièrement ambigu n'est guère acceptable... Et présenter, avec talent et conviction, à ces mêmes personnes un « ennemi désigné » est un procédé particulièrement malhonnête.

Le problème est que, malgré ces nuances individuelles, une fois pris dans l'ensemble, ce mouvement, avec ces vidéos de Zéniths plein à craquer de gens le bras tendu, avec ces compteurs Youtube explosant les records, avec ces appels aux dons finançant grassement un Dieudonné qui a le culot de demander à ses fans de payer ses propres amendes (il faudrait un chapitre entier sur la relation de Dieudonné avec l'argent...), avec cet appel à la haine qui se glisse petit à petit dans les esprits, rajouté à la bétise de tous ceux qui mettent de l'huile sur le feu en attaquant à tort et à travers, fournissant des arguments par dizaines pour alimenter les propos du monsieur, tout cet ensemble fait qu'on voit se créer, petit à petit, devant nous, une vraie bombe atomique sociale qui risque de nous péter collectivement à la gueule.

Un ami me faisait le parallèle entre le mouvement de la quenelle et celui du film « La Vague« , où le TP grandeur nature d'un prof cherchant à reproduire une société autocratique pour mieux la dénoncer, dériva jusqu'à aboutir à un drame humain. Et c'est très vrai. Il y a ce que dit Dieudonné, mais il y a aussi et surtout maintenant l'interprétation qu'en font ses fans, et les commentaires sous les vidéos sont parfois très effrayants... Jusqu'à quand « maitrisera » t'il la situation ? Si la situation actuelle est très désemparante, c'est que chaque mouvement semble hautement dangereux, qu'il s'agisse de laisser faire Dieudonné, ou laisser faire les divers lobbys.

Censurer me semble aujourd'hui la pire des solutions :

    ça ne censurera rien du tout, vu la solidité de ses canaux de communication sur Internet (ou alors, ça ne fera que placer le média Internet en ligne de mire des politiques - c'est déjà le cas dans les discours récents de Hollande)
    ça donnera un argumentaire en or pour dire que les médias sont dirigés et/ou à la solde du « lobby juif », et placer Dieudonné en victime de ces « puissants »
    une censure brutale, sans volonté de dialogue, d'explication, laisse libre-champ à toute une génération de jeunes qui vont encore plus prendre ces vidéos pleine-face, sans recul, sans perspective de contexte, de décodage, et avec en plus un goût de « subversion » qui a tout pour les séduire

Peut-être que certains arguments de Dieudonné mériteraient d'être entendus, développés. Peut-être serait il temps de pouvoir parler de l'activité de certains lobbys sans que cela tombe systématiquement dans des « points Godwin » ou des crispations incensées. Mais ce n'est certainement pas en valorisant tout ce que les courants antisémites et terroristes trainent de pires raclures qu'on y parviendra. Et ce n'est pas non plus en censurant brutalement que l'on pourra calmer les colères, et amorcer de vraies discussions.

Puisque c'est la prochaine étape annoncée par le gouvernement, autant anticiper : Internet n'est pas non plus coupable. Tuer le messager ne servirait à rien, et serait immensément contre-productif. La démocratie, c'est aussi faire face à des idées stupides, débiles, ou tout simplement contraires aux siennes. La loi dite « Gayssot » était, je pense, une vraie-fausse bonne idée, agir de manière similaire autour du sujet Internet serait terrible. Et c'est pourtant la voie qui semble aujourd'hui privilégiée.

Je n'ai malheureusement pas de solution miracle à apporter en contrepartie de ma demande de ne pas censurer. Mais je crois que ça n'est que par l'élévation du débat, par le dialogue, par la culture, par l'arrêt des stigmatisations et en apprenant à dompter ses peurs qu'on pourra avancer.

On ne combat pas la haine par la haine. Et même si voir un Dieudonné rendre hommage à Mandela et se réclamer de lui, victimisation comprise, peut donner la gerbe, il ne faudrait pas qu'on lui donne raison, en laissant glisser les actions contre lui vers une société de censure, de diktat, et réellement à la solde des lobbies, quelque soient leur périmètre ou leur origine. En plus d'attiser la haine, et d'être validant pour tous ces conspirationnistes tordus, ça serait une sacrée quenelle glissée dans le fondement de l'ensemble des Français.