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Vingt-cinq ans de prison en Californie, pas de quartier pour le voleur de pizza


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Un homme de 25 ans, poursuivi pour avoir volé une part de pizza «pepperoni» à un groupe d'adolescents, a été condamné à une peine de prison de vingt-cinq ans minimum.

Jerry Dewayne Williams, après un après-midi noyé à la bière avec un camarade, sous la chaleur assommante de l'été californien, avait trouvé malin d'aller voler une part de pizza à un groupe d'enfants, dans une pizzéria fast-food de Redondo Beach. Il passera donc au moins vingt-cinq ans de sa vie en prison et peut-être davantage, puisque la sentence imposée jeudi par le juge Donald Pitts prévoit textuellement une peine allant «de vingt-cinq ans à la perpétuité».

Son défenseur, commis d'office, a l'intention de faire appel mais l'affaire a de quoi raviver les débats autour de la loi controversée, votée par la Californie l'an dernier, qui rend obligatoire la condamnation à vie des prévenus qui en sont à leur troisième crime ou délit dit «sérieux». «Trois coups, dehors!»: telle est la formule élégante qui résume l'esprit de la loi et qui fait fureur dans le reste du pays, où les élus des deux partis sont lancés dans une course à qui paraîtra le plus «dur» face à la criminalité. Même Bill Clinton, dans son discours sur l'état de l'Union du début de 1994, avait fait de «trois coups, dehors!» un des points clés de sa loi sur le crime ­ appliquant la formule à une série de crimes fédéraux.

L'exemple californien aurait pourtant de quoi provoquer une réflexion plus salubre chez les dirigeants américains, quelle que soit l'évidente popularité de la formule. Dénoncée au moment de son vote par la majorité des membres des professions judiciaires, avocats ou juges, et par la plupart des experts en criminalité, la loi, qui vise avant tout à enlever toute marge de manoeuvre aux acteurs judiciaires en imposant une automaticité des peines, a révélé ses tares, qui vont bien au-delà du cas de Jerry Dewayne Williams. Des gardiens de prison qui craignent une prochaine surpopulation des prisons californiennes aux juges qui se plaignent de l'absence de marge de manoeuvre qui leur est laissée, en passant par les économistes qui s'inquiètent du coût de son application pour les finances locales, la gamme des adversaires de la loi s'enrichit tous les jours.

Le cas du voleur de pizza pourrait néanmoins servir d'exemple. Le terrible forfait aurait pu n'être qu'une simple contravention mais les condamnations antérieures de Williams ­ pour vols ou possession de drogues ­ permettaient aux procureurs de «surclasser» l'acte, en en faisant un délit. Et comme deux des condamnations préalables de Williams sont considérées comme «sérieuses», selon la loi californienne, le vol de pizza le rendait éligible pour la loi «trois coups, dehors». «Il a reçu la même condamnation que s'il avait violé une femme, agressé un enfant ou volé une voiture à la pointe d'une arme», a dénoncé son avocat. Il a «victimisé et brutalisé ces enfants vulnérables», a expliqué le procureur adjoint, qui ne voit pas où est le problème, puisque la loi, selon lui, a été précisément prévue pour punir les récidivistes comme Williams.

Devant les critiques contre la loi, le gouverneur républicain de Californie Pete Wilson ­ triomphalement réélu à son poste en novembre, après avoir réussi à faire passer son adversaire, Kathleen Brown, pour une mollassonne dans la lutte contre le crime ­ n'a pas écarté la possibilité de quelques aménagements. Ceux-ci semblent d'autant plus indispensables que nombre de juges ou même de procureurs de Californie refusent tout bonnement d'appliquer la loi, qu'ils jugent néfaste. Mais il n'est pas question que le texte lui-même soit aboli, en raison de son évidente popularité dans l'opinion. Rien n'a été plus «payant» pour les candidats, au cours des élections au Congrès de l'automne dernier, que de tonner contre le crime en réclamant des châtiments plus sévères pour les criminels. Et la tendance devrait s'intensifier d'ici les prochaines élections ­ législatives et présidentielles ­ de novembre 1996. Nul ne cherche même plus à prétendre que ces lois implacables ont un effet réel sur l'évolution de la criminalité ­ et peu importe, puisque, tout comme la peine de mort dont l'application se répand dans le pays, leur but premier est d'ordre individuel (punir l'individu coupable) plus que social (dissuader par l'exemple). Et, sur les côtes californiennes, il est douteux que l'opinion change d'avis parce qu'un paumé ivre voleur de pizza a trinqué par hasard.