Scientifiques, artistes, chefs d'entreprise, ils veulent attirer l'attention sur la nécessité d'accélérer la détection d'astéroïdes et de comètes qui pourraient menacer la Terre.
Qu'est-ce qui peut rassembler le guitariste de Queen Brian May, l'astronome royal britannique Lord Martin Rees, l'astronaute d'Apollo 9 Rusty Schweickhart et l'animateur de télévision et président de la Planetary Society, Bill Nye ? Les astéroïdes, bien sûr.
Ils sont une centaine de personnalités du monde de la science, de la culture et de l'entreprise, originaires de 30 pays, à avoir signé une déclaration "pour multiplier par 100 la détection et le contrôle des astéroïdes", et ce afin de "résoudre les plus gros challenges de l'humanité pour sauvegarder nos familles et la qualité de la vie sur Terre dans l'avenir".
On l'aura compris, ces personnes considèrent les astéroïdes comme une menace bien réelle. "Plus on en apprend sur les impacts d'astéroïdes, plus il devient clair que les jours de la race humaine sont comptés", assure Brian May, qui outre sa carrière musicale est également docteur en astrophysique.
Nous sommes présentement informés de moins d'1% des objets comparables à celui qui a frappé la Toungouska et personne ne sait quand le prochain va nous frapper. Et un suffit."
Les dangers passés ... et à venir.
En 1908, une comète ou un astéroïde explosa au-dessus de la Sibérie, provoquant l'impact le plus gros enregistré dans l'histoire humaine. L'énergie dégagée est comparée à mille fois celle de la bombe d'Hiroshima, et renversa les arbres sur une surface de plus de 2.000 kilomètres carrés. C'est ce que l'on nomme "l'événement de la Toungouska", du nom de la rivière proche. On n'a pas encore totalement expliqué ce qui s'est passé, mais les scientifiques sont convaincus qu'il s'agit d'un impact d'objet géocroiseur (astéroïde ou comète dont la trajectoire croise celle de la Terre).
Le passé nous a donné d'autres exemples de collisions catastrophiques, comme le bolide qui provoqua l'extinction des dinosaures, voici 66 millions d'années. Le phénomène le plus récent est le météore de Tcheliabinsk, en 2013, qui a fait un millier de blessés et de nombreux dégâts.
La NASA a récemment publié une carte montrant tous les impacts d'objets entre 1 et 20 mètres de diamètre qui ont frappé la Terre durant ces 20 dernières années. L'image est impressionnante même si, heureusement, la plupart d'entre eux se sont consumés dans l'atmosphère, ou que leurs restes se sont écrasés dans des zones désertiques.
Il n'y a pour l'instant pas d'alerte pour les années qui viennent, en tout cas concernant les objets géocroiseurs connus. Le vendredi 13 avril 2029 (ce n'est pas une blague), l'astéroïde Apophis devrait passer à 35.000 kilomètres de la Terre, assez près pour que cela provoque des glissements de terrain à sa surface, mais heureusement pas assez pour qu'il présente une menace pour nous... en tout cas pas dans l'état actuel de son orbite. On parle aussi de l'astéroïde Bennu, qui pourrait lui percuter notre planète ... en 2182.
Mais que fait la NASA ?
La NASA prend au sérieux la menace posée par les astéroïdes. Outre le fait qu'elle servirait d'entraînement pour les vols vers Mars, sa "mission astéroïde", prochain grand projet de l'agence spatiale américaine, s'est donné pour objectif ambitieux de capturer un petit astéroïde (ou un morceau d'un plus gros) afin de le ramener en orbite lunaire.
Cela pourrait aussi permettre de tester des stratégies pour dévier des objets potentiellement dangereux... à condition de les détecter à temps. Mais cette mission ne rencontre pas forcément l'approbation de toute la communauté scientifique ou des décideurs, et la NASA a récemment été mise sur la sellette pour ne pas avoir rempli ses objectifs de détection d'objets géocroiseurs.
Des missions sont cependant envoyées dans l'espace pour mieux connaître ces corps célestes qui peuvent se révéler dangereux. La mission européenne Rosetta va nous amener des connaissances énormes sur les comètes. La NASA a prévu d'envoyer en 2016 la mission Osiris-Rex pour rejoindre Bennu et ramener un échantillon de son sol. En attendant, les Japonais viennent de prendre de l'avance en lançant avec succès ce mercredi la sonde Hayabusa 2, qui doit aussi atterrir sur un astéroïde pour en ramener des morceaux. L'agence spatiale japonaise a un peu d'expérience en la matière : elle avait déjà lancé un premier engin en 2003, qui après quelques déboires avait fini par ramener un peu de poussière d'astéroïde sur Terre.
De son côté, l'Europe a initié en 2009 le programme SSA (Space Situational Awareness), dont le but affiché est de doter l'agence spatiale européenne de moyens indépendant pour détecter les dangers venus de l'espace, ce qui inclut la météo spatiale (pour les tempêtes solaires) et la détection d'objets géocroiseurs.
Un appel pour intensifier les recherches.
Reste à intensifier la détection. Les signataires de la déclaration publiée le 3 décembre demandent donc que l'on "emploie toutes les technologies disponibles pour détecter et suivre les objets géocroiseurs qui menacent les populations humaines, afin de rapidement multiplier par 100 ces découvertes".
Ils souhaitent aussi que le 30 juin (anniversaire de l'événement de la Toungouska) devienne le "jour des astéroïdes", pour renforcer la prise de conscience du danger posé par les astéroïdes et des efforts qui peuvent être faits pour prévenir des impacts dans l'avenir. Ils souhaitent une prise de conscience des décideurs, et une coopération internationale en la matière. Pour cela, ils encouragent le public à s'associer à leur démarche, et ont mis en place le site asteroidday.org (et la page Facebook associée), espérant ainsi accumuler les initiatives locales de par le monde.
"Nous avons la technologie pour dévier les astéroïdes dangereux avec des impacteurs cinétiques ou des tracteurs gravitationnels, mais seulement si nous avons des années de préavis sur leurs trajectoires" affirme le Dr. Ed Lu, qui a été trois fois astronaute sur la navette spatiale américaine. "Nous devons avoir la détermination pour aller de l'avant, il s'agit du seul désastre naturel que nous sachions comment prévenir".
"Nous devons nous donner comme mission de trouver les astéroïdes avant qu'ils ne nous trouvent", conclut Lord Martin Rees.