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La suppression du menu sans porc dans les cantines relance le débat sur la laïcité


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Refus de "prestations différenciées" en fonction de la religion du côté de la mairie, "droit au respect de la liberté de culte" pour les plaignants: le débat a été vif mardi autour de la disparition programmée du menu sans porc dans les cantines de Châlon-sur-Saône.

"Un enfant serait extrêmement traumatisé si une côte de porc lui était servie et qu'il était obligé de la manger alors qu'il lui est répété dès le plus jeune âge que c'est un interdit alimentaire", a plaidé devant le tribunal administratif de Dijon Me Karim Achoui, avocat et président de la Ligue de défense judiciaire des musulmans.

L'association a engagé un recours en référé afin d'obtenir la suppression de la décision du maire (Les Républicains) de Chalon, Gilles Platret, de mettre fin dès la rentrée de septembre au menu de substitution au porc dans les restaurants scolaires de la ville.

Selon Me Jean-Baptiste Jacquenet-Poillot, autre avocat de l'association, cette décision du maire "viole la laïcité", conçue en France comme "une laïcité d'intégration et non d'assimilation". Pour l'avocat, les élèves ont "droit au respect de la liberté de culte et de conscience".

Me Jacquenet-Poillot a également estimé que le maire était "incompétent pour prendre cette décision de son propre chef".

Outre cette procédure d'urgence, dont la décision doit être rendue "avant la fin de la semaine", la Ligue de défense judiciaire des musulmans a également déposé un recours en "excès de pouvoir" pour que ce dossier soit jugé ultérieurement sur le fond, espérant "faire jurisprudence".

De l'autre côté de la barre, Me Philippe Petit a assuré que le maire appliquait "la jurisprudence constante du Conseil d'État".

"La laïcité est une abstention et non l'obligation positive de fournir à chacun ce qu'il attend pour l'exercice de son culte en exigeant des prestations différenciées", a-t-il poursuivi.

Me Petit a par ailleurs émis un "doute sur la recevabilité" du recours en raison notamment du dépassement du délai légal de deux mois.

Depuis 1984

Mi-mars, l'annonce de M. Platret de supprimer le menu de substitution au porc dans les cantines de la ville, où la pratique était en vigueur depuis 1984, avait déclenché une vive polémique y compris dans son propre camp.

Plusieurs ténors de droite comme Bruno Le Maire, Christian Estrosi mais aussi le chef de file des députés LR Christian Jacob avaient pris leurs distances avec cette idée, ce dernier affirmant que la ville de Provins dont il est l'édile continuerait à proposer "un menu alternatif".

En revanche, le président du parti Les Républicains Nicolas Sarkozy avait soutenu M. Platret.

La ministre de l'Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, avait quant à elle dénoncé une décision qui prend "en otage les enfants".

L'Observatoire de la laïcité avait relevé que, "si aucune obligation ne contraint la commune dans le cadre d'un service facultatif, (...) la laïcité ne saurait être invoquée pour refuser la diversité de menus".

"Ce n'est pas un combat contre la religion musulmane", s'est défendu M. Platret. "Je veux éviter ce système où les enfants sont regroupés à une même table en fonction de leur religion. Ce n'est pas ça le vivre ensemble", a-t-il ajouté, en affirmant qu'"en aucun cas on obligerait les enfants à manger de la viande".

Il s'agit d'un "vrai débat de société", selon le maire, qui a rappelé que "d'autres collectivités avaient pris les mêmes décisions pour d'autres motifs, en tournant autour du pot".

Outre Sargé-lès-Le-Mans (Sarthe) en décembre 2014 et à Arveyres (Gironde) en mars 2013, Perpignan et Toulouse ont récemment indiqué qu'elles proposeraient désormais un menu végétarien dans les cantines.

Surnommé l'"avocat du milieu", Me Achoui s'est fait connaître dans les années 2000 en défendant notamment les frères Hornec et Antonio Ferrara. Il a été radié du barreau de Paris en raison de ses "nombreux manquements déontologiques", mais il a prêté serment en début d'année au barreau d'Alger, ce qui lui permet de plaider devant les juridictions françaises.

La Ligue de défense judiciaire des musulmans (LDJM) qu'il a créé en septembre 2013 a débuté sa croisade en portant plainte contre Charlie Hebdo, pour sa Une "Le Coran, c'est de la m..., ça n'arrête pas les balles". L'action en justice avait été déclarée nulle pour des raisons de procédure.