L'accueil des chefs d'Etats lors de visites à l'étranger est une affaire réglée au millimètre par le protocole et parfaitement huilée... Du moins en principe. A l'arrivée de Barack Obama en Chine samedi pour le sommet du G20, quelques énormes grains de sable sont venus se glisser dans la machine diplomatique, certains observateurs y voyant un sabotage délibéré de l'entrée du dirigeant américain au dernier G20 de sa présidence.
Acte I : Pas de passerelle, ni de tapis rouge
L'atterrissage à Hangzhou de la plupart des invités du sommet du G20 s'est déroulé sans problème : le président russe Vladimir Poutine, le Premier ministre indien Narendra Modi, le nouveau président brésilien Michel Temer ou la Première ministre britannique Theresa May ont descendu solennellement les marches de leurs avions respectifs. Pour Barack Obama en revanche, le protocole s'est pris les pieds dans le tapis rouge... ou plutôt son absence.
Faute de passerelle pour descendre sur le tarmac de l'aéroport, le président américain a dû passer par une porte peu usitée d'Air Force One, réservée généralement aux visites dans des zones à risque, par exemple en Afghanistan. Privé du moelleux tapis diplomatique, il a dû fouler les froides marches métalliques de l'escalier intérieur de l'avion.
« Pourquoi aurions-nous délibérément snobé la délégation américaine ? Pourquoi était-elle la seule à se plaindre ? », s'est emportée ce lundi Hua Chunying, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. « Les Etats-Unis n'ont pas utilisé l'escalier fourni par la Chine. Vous devriez leur en demander la raison », a-t-elle déclaré, pressée par les journalistes.
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Acte II : « Ici, c'est notre pays ! »
Quelques mètres plus bas, une nouvelle épreuve attendait la délégation américaine. Alors que les journalistes qui voyageaient avec le président se rassemblaient comme d'habitude sous l'une des ailes du Boeing 747 pour suivre sa descente d'avion, les services de sécurité chinois se sont vivement interposés. Jugeant que les médias étaient trop proches du parcours prévu pour Barack Obama, un agent chinois s'est approché d'eux et a commencé à crier pour leur demander de quitter les lieux au plus vite.
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« En six ans à couvrir la Maison-Blanche, je n'avais encore jamais vu un hôte étranger empêcher la presse de regarder Obama débarquer », témoigne l'envoyé spécial du New York Times, tout retourné. Le pire restait à venir : alors qu'une responsable de la Maison Blanche signifiait à l'agent qu'il s'agissait d'un avion américain et du président des Etats-Unis, son interlocuteur chinois lui a répliqué en anglais : « Ici, c'est notre pays ! C'est notre aéroport ! D'accord ? ».
« Si la partie américaine avait suivi les arrangements conclus avec la Chine, rien de tout cela ne serait arrivé », a réagi ce lundi Hua Chunying, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, lors d'un point-presse régulier. « Afin d'assurer la sécurité et l'ordre à l'aéroport, nous avons demandé aux délégations de n'autoriser qu'un nombre limité de journalistes à approcher » de l'avion de leurs dirigeants, a-t-elle souligné. « Ces journalistes n'ont pas suivi les règles. »
Entracte : Le tweet qui s'envole
Alors que Barack Obama minimisait l'importance de ces petites incartades au protocole, la réaction américaine est venue de là où l'on ne l'attendait pas : le compte Twitter de l'agence militaire du renseignement. « La grande classe, la Chine, comme toujours », a balancé la Defense Intelligence Agency (DIA), supprimant rapidement son tweet. Mais pas avant qu'il n'ait été dûment capturé :
L'agence a ensuite présenté ses plus plates excuses par le même canal : « Plus tôt dans la journée, un tweet concernant un article a été posté par erreur à partir de ce compte et ne reflète pas les positions de la DIA. Nous nous excusons »
Acte III : « Regardez, on peut faire sortir le président américain par le cul de son avion »
Dimanche, Barack Obama s'est efforcé de relativiser l'incident. S'il a souligné les différences entre son pays et la Chine en matière de liberté de la presse, il a aussi reconnu que l'énorme logistique de la délégation américaine pouvait parfois être source de tensions pour le pays d'accueil.
Une responsable chinoise a donné sa propre version dans le South China Morning Post : selon elle, la délégation américaine aurait refusé la passerelle roulante au motif que son chauffeur ne parlait pas anglais, et ne pouvait donc pas comprendre les instructions de sécurité du staff présidentiel. Pékin aurait proposé qu'un interprète s'installe sur le siège passager, mais Washington aurait décliné la proposition. Cela ne rapporterait rien à la Chine de traiter Obama avec rudesse, conclut-elle.
Mais pour certains, ces incidents ne sont pas le fruit du hasard. Cela pourrait être une volonté délibérée « de montrer les Américains diminués et faibles », estime l'expert de la Chine Bill Bishop, cité par le Guardian. Pour lui, « cela ressemble fort à un affront : « Regardez, on peut faire sortir le président américain par le cul de son avion » ». « Ces choses n'arrivent pas par hasard », confirme Jorge Guajardo, ancien ambassadeur mexicain en Chine. « Cela fait partie de la nouvelle arrogance chinoise, pour exciter le nationalisme : « La Chine s'oppose à une superpuissance ». Ça marche très bien auprès du public local. »