INTERVIEW Me Jérôme Karsenti, l'avocat d'Anticor, explique pourquoi l'association de lutte contre la corruption, demande ce mercredi à la justice d'entendre Nicolas Sarkozy dans l'affaire des sondages de l'Elysée...
Nicolas Sarkozy sera-t-il entendu par la justice dans l'affaire des sondages payés par l'Elysée sous son mandat ? C'est ce que demande ce mercredi l'association Anticor, qui lutte « contre la corruption et pour l'éthique en politique ». 20 Minutes fait le point avec Me Jérôme Karsenti, l'avocat de l'association qui s'est portée partie civile dans cette affaire.
Pourquoi faites-vous cette demande maintenant ?
Parce que les investigations sont pratiquement terminées. Or, si plusieurs membres de l'ancienne équipe élyséenne, comme la directrice de cabinet Emmanuelle Mignon ou le secrétaire général Claude Guéant, ont été mis en examen, il semble pour le moins incongru que le principal intéressé n'ait pas, a minima, été entendu par la justice, au moins en qualité de témoin.
Vous demandez que Nicolas Sarkozy soit entendu parce qu'il ne peut être mis en cause...
Effectivement. Du fait de l'immunité, un président ne peut pas être poursuivi pour les délits et les crimes qu'il a commis pendant son mandat et ce, de manière définitive, mais à une condition : que ces faits relèvent de l'exercice de la fonction présidentielle. Si un président français venait, par exemple, à assassiner son épouse, il ne serait pas couvert par l'immunité, car cet assassinat ne relèverait pas de l'exercice des fonctions d'un chef de l'Etat. Dans le cas présent, j'estimais que Nicolas Sarkozy pouvait être poursuivi puisque certains sondages commandés par l'Elysée n'avaient aucun lien avec l'Etat, notamment ceux questionnant sa relation avec Carla Bruni ou encore la popularité de Dominique Strauss-Kahn. Mais le juge ne m'a pas suivi, j'ai donc perdu sur ce terrain-là.
Mais à quoi cela sert-il d'entendre Nicolas Sarkozy comme témoin ? Qu'est-ce que cette audition peut apporter à l'affaire ?
Nicolas Sarkozy prétend qu'il n'était au courant de rien. Très bien, mais dans ce cas, qu'il vienne le dire clairement à la justice. En tant qu'ancien président de la République et en tant que candidat à la primaire de la droite, il est de son devoir de venir éclairer la justice, mais aussi et surtout l'opinion publique, sur la pratique de la politique. Cette affaire est avant tout politique et les citoyens ont le droit de connaître la vérité, de comprendre comment l'exercice du pouvoir a conduit l'Elysée à dépenser 10 millions d'euros d'argent public entre 2007 et 2012 dans la commande de plus de 300 sondages et études d'opinion.
Demandez-vous à la justice d'entendre Nicolas Sarkozy parce qu'il est candidat à la primaire ?
J'aurais demandé qu'il soit auditionné dans tous les cas, tout simplement parce que nous approchons de la fin de l'enquête et que le juge n'envisage pas spontanément d'entendre le principal intéressé dans cette affaire.
Justement, pourquoi Nicolas Sarkozy n'a-t-il pas déjà été entendu comme témoin ?
Dans les différentes affaires et procédures dans lesquelles Nicolas Sarkozy est mis en cause, il joue toujours la même carte : celle de la victime. Il se dit plus particulièrement victime de l'acharnement du juge Serge Tournaire. Ce dernier exerce son métier avec rigueur, mais il en a peut-être assez d'être épinglé par Nicolas Sarkozy et c'est peut-être pour cette raison qu'il n'a pas demandé à l'entendre dans cette affaire des sondages... Mais pousser la justice à aller jusqu'au bout de ses investigations, même quand elle se montre un peu timorée, c'est aussi pour la partie civile un rôle à jouer.