Hier, le journal Le Monde a publié un article qui a attiré ma curiosité, se basant lui-même sur une étude effectuée par le ministère de la Culture datant du 9 septembre. Je vous explique brièvement cette étude : un panel de 1500 personnes devait répondre à la question "Pour chacune des activités suivantes, dites-moi si, pour vous personnellement, elle fait partie de la culture ?". On retrouvait alors différentes pratiques dont les musées, le cinéma ou, et c'est ce qui nous intéressera, les jeux vidéo, pour lesquels les sondés n'ont répondu "Oui" qu'à 7%. Analysons ensemble ce résultat.
Que veux dire "culture" pour un Français ?
Avant de trancher dans le vif du sujet, revenons sur le sondage pour comprendre ce que les Français entendent par "culture". Dans le top 3, on découvre les musées (84%), la science (77%) et les voyages (73%) ce qui est assez logique. En effet, les musées représentent l'art et le patrimoine, c'est censé être l'allégorie de la culture, et c'est même étonnant qu'ils n'affichent pas un pourcentage de 100%. Plus on descend dans le classement, plus on découvre des thèmes plus "populaires", comme les mangas (30%), la mode (41%) ou le rap (21%).
Alors, qu'est-ce que la culture pour les Français, ou du moins, ce panel ? Pas vraiment de définition se dégage clairement, on peut simplement émettre la théorie d'une activité plus ou moins enrichissante. Prenons les deux extrêmes : les musées et la téléréalité (5%). L'un représente l'art sous toutes ses formes quand l'autre est souvent défini comme une pratique abrutissante ou débile. Pour simplifier, plus notre regard se penche vers le bas du classement, plus on se tourne sur des "distractions pures", et je ne parle pas en mon nom, mais au nom du panel français interrogé. Selon lui, écouter de la musique classique ou jouer d'un instrument de musique a un caractère enrichissant que n'ont pas les parcs d'attraction ou les graffitis.
Le syndrome du stéréotype.
Pour en revenir à notre thème de prédilection, soit les jeux vidéo, où en sommes-nous ? Celui-ci figure à l'avant dernière place du classement et affiche un triste résultat de 7%, à peine 2 points de plus que la téléréalité qui culmine au dernier rang. Sérieusement !? Presque autant de Français considèrent que jouer à des jeux vidéo est aussi abrutissant que regarder Les Marseillais à Miami ? Comment l'expliquer ? Je ne saurais par où commencer.
Alors que l'on pense que le regard contemporain porté sur les jeux vidéo tend à s'améliorer, ce genre de sondage nous prouve que l'évolution est toujours empreinte aux stéréotypes. Quand un Français pense jeu vidéo, il pense à un individu enfermé chez lui du matin au soir avec son paquet de chips et ses yeux scotchés sur son écran. Mon analyse est très raccourcie mais faites le test avec vos parents par exemple et demandez leur de vous définir un gamer, la réponse pourrait vous étonner.
La mode (41%) ou le cirque (36%) sont donc plus considérés comme des pratiques culturelles que les jeux vidéos, et j'aimerai que l'on m'explique pourquoi. Même les mangas pour qui les générations antérieures se sont battues corps et âmes atteignent les 30%, alors pourquoi ? Est-ce que les jeux vidéo témoignent encore la violence et la vulgarité pour les Français ? Est-ce qu'après tout ce temps, et une énorme majorité des moins de 40 ans qui y jouent régulièrement, les jeux vidéo n'ont toujours pas passé un cap dans la culture populaire ?
La théorie de la distraction.
Imaginons que tout le paragraphe précédent n'était qu'une immense hypothèse comme quoi les jeux vidéo sont encore aujourd'hui sous l'entrave des stéréotypes violents et abrutissants. Je reviens à ma théorie initiale : le haut du classement représente les pratiques enrichissantes et le bas les simples distractions. A ce petit jeu là, j'aurai aimé que l'étude intègre les jeux de société pour qu'on puisse constater la différence entre jeux vidéo et jeux de société.
Puis, sans philosopher, à la base tout art n'est qu'une simple distraction, à part peut-être les Sciences, et encore ! Selon mon exemple personnel je suis musicien et gamer, et si je pratique l'un et l'autre c'est purement à but distractif. Et à titre comparatif, je vois pas pourquoi je qualifierais l'un plus que l'autre de "pratique culturelle". Les sciences sociales définissent les pratiques culturelles sous 5 aspects : l'écrit (lire un livre par exemple), le son (écouter de la musique), l'image (télévision), les sorties (musée, cinéma) et enfin les pratiques amateurs. Sauf que, malheureusement, la télévision n'est, en réalité, que très peu considéré comme une pratique culturelle, et les jeux vidéo étant un thème sous-jacent à l'audiovisuel, ils sont encore moins considérés.
Quelles leçons en tirer ?
Pour conclure, pour considérer les jeux vidéo en tant que pratique culturelle, il faut revenir à l'essence même de ce qui constitue la "culture" selon les Français. Comme l'explique très bien Oscar Barda, conseiller artistique à la Gaîté Lyrique, espace parisien dédié aux cultures numériques, pour Le Monde : "On est en plein dans le “paradoxe d'Arte”. C'est la chaîne la plus regardée si l'on en croit les déclarations, alors que c'est loin d'être celle qui fait le plus d'audience. C'est un rapport à la culture très français." On en revient à ce que l'on disait, selon les Français, une pratique culturelle se doit d'être par définition enrichissante.
Pour ceux qui pensent qu'il ne s'agit que d'un problème de génération, les 15-24 ans ayant participé au sondage ne sont que 12% a avoir répondu positivement, soit seulement 5 points en plus. Et pour ceux qui pensent qu'ils ont interviewé des jeunes qui détestent les jeux vidéo, ils ont reconnu pour "79% y avoir jouer lors des 12 derniers mois", toujours selon Le Monde.