Padoue (Italie), jeudi. Le père Andrea Contin, qui officiait dans l'église San Lazzaro, entretenait des liaisons avec au moins sept paroissiennes.LP/JEAN-NICHOLAS GUILLO
De nos envoyés spéciaux Caroline Politi à Padoue (Italie)
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ENQUÊTE. A Padoue, en Italie, la petite communauté catholique de l'église San Lazzaro refuse de croire aux accusations de proxénétisme et d'échangisme visant leur prêtre, qui s'est réfugié depuis en Croatie.
En ce vendredi matin glacial, une foule de fidèles se presse devant l'église San Lazzaro, en périphérie de Padoue (Italie). On échange ses vœux, quelques mots sur les vacances ou la rentrée. On parle de tout sauf de l'« Affaire ».
Celle qui défraie la chronique depuis deux semaines. Chaque jour ou presque, des révélations sur la vie sexuelle débridée du prêtre de la paroisse, Andrea Contin, 48 ans, qui a démissionné depuis, noircissent les pages des journaux.
Difficile d'imaginer que dans le presbytère accolé à cet édifice sans charme, coincé entre une voie rapide et des terrains de football, étaient organisées des orgies sexuelles à faire rougir le marquis de Sade. Une enquête pour « violence privée » et « proxénétisme » a été ouverte.
Le père Andrea Contin (DR.)
Tout commence le 6 décembre lorsqu'une fidèle de la paroisse se présente chez les carabiniers pour porter plainte contre le prêtre. Huit pages d'une déposition presque invraisemblable.
Cette mère de famille de 49 ans confie avoir entamé en 2010, après un divorce tumultueux, une liaison avec l'ecclésiastique. Peu à peu, leur relation devient de plus en plus extrême. Le père Andrea, raconte-t-elle, l'initie à l'échangisme et au sadomasochisme. Mais les mœurs sexuelles, même d'un prêtre en exercice, ne relèvent en rien de la loi.
C'est la seconde partie de son témoignage qui interpelle. Elle assure que le prêtre l'a livrée à d'autres hommes contre de l'argent. Selon le quotidien « Il Mattino di Padova », elle aurait aussi subi des pressions lorsqu'elle a voulu mettre un terme à leur histoire : il l'aurait menacé avec un couteau puis assuré de diffuser ses vidéos sur Internet.
Des dvd pornos cachés par des jaquettes avec les noms des papes
Le 21 décembre, le procureur ordonne une perquisition au presbytère. Au premier étage, dans une pièce fermée à clé, les enquêteurs découvrent des sex-toys, des chaînes, des déguisements sexuels, mais aussi des films pornos dans lesquels figuraient des orgies, dont certains tournés sur place.
Les DVD étaient rangés dans des jaquettes au nom de différents papes. L'enquête connaît alors un tournant. Sept paroissiennes, toutes maîtresses du père Andrea, ont été entendues depuis les fêtes. Selon la presse italienne, le prêtre, qui a trouvé refuge dans sa famille en Croatie, n'a pas été auditionné.
Le si « charismatique, si sympathique, si cultivé » père Andrea, dont les homélies étaient toujours justes, un pervers sexuel ? Avec un harem composé de paroissiennes ? Impossible ! répètent un à un les dizaines de fidèles présents ce matin. « C'est quelqu'un de bon et généreux, ce qu'on lit n'a rien à voir avec l'homme que l'on connaît », assure Lucia, engoncée dans un long manteau sombre. Son amie Chiara acquiesce. « Je ne crois pas à ces rumeurs, c'est lui la victime. Quelqu'un veut lui nuire, c'est sûr. » Qui ? Pourquoi ?
La thèse du complot est régulièrement avancée, mais sans arguments. Il faut dire qu'ici l'histoire a un petit air de déjà-vu. Son prédécesseur, Paolo Spoladore, a été exclu du Vatican après la découverte de sa paternité. Comme le père Andrea, il était très apprécié. Comme dans cette affaire, les habitants du quartier sont tombés des nues.
« Vous, les médias, vous exagérez tout, s'emporte Luigi, un élégant retraité. S'il avait une relation avec une femme, vous allez parler d'orgie. Si cela avait été le cas, ça se serait su. » Sa femme est plus tempérée. Elle ne sait plus quoi penser du père Andrea, qui officiait à San Lazzaro depuis dix ans. « Je me dis que c'est impossible de se tromper à ce point-là sur quelqu'un. Il était là dans les moments importants de la communauté, on lui a confié nos enfants et on découvre que c'est un monstre. » Il a pendant longtemps été en charge du catéchisme. « Il faisait des blagues, les cours étaient sympas », se souvient David, 16 ans. Jamais il n'a vu de gestes déplacés ou entendu des rumeurs à son égard.
Même ceux qui ont parfois eu des doutes refusent de croire le père Andrea coupable. A l'instar de Lydia, la soixantaine fringante, avec son pantalon léopard rouge et sa doudoune cintrée. Voilà douze ans qu'elle fréquente la paroisse. Depuis quelques années, elle ne saurait précisément dire quand, elle a remarqué que plusieurs femmes allaient lui parler à la fin de la messe. « Elles se pavanaient comme des paons, elles s'habillaient sexy avec des minijupes. » Pour elle, pas de doute, elles cherchaient à le séduire. « Il était si intelligent, si brillant. Au bout d'un moment, il a peut-être succombé », avance-t-elle. Les explications sont parfois aussi invraisemblables que l'affaire elle-même.
Et que dire de ce voisin, dont l'appartement donne sur l'entrée du presbytère. Il assure avoir « régulièrement » vu des femmes entrer et sortir. « Des paroissiennes venaient souvent le voir, mais cela ne veut pas dire qu'ils faisaient des orgies. Il y a beaucoup de bénévolat ici, ils préparaient peut-être des actions. » Tout dépend de la nature de ces actions.