C'est une révolution, un véritable exploit dans le domaine de la science et de la lutte contre le sida. Aux États-Unis, une équipe de chercheurs de la Temple University de Philadelphie est parvenue à éliminer le virus du sida de l'organisme de souris de laboratoire ! Ce résultat, publié ce mercredi 3 mai dans la revue spécialisée Molecular Therapy, fait suite à plusieurs années de travaux et de recherches intensives.
Même s'il faudra sans doute encore quelques années avant que cela puisse s'appliquer à l'être humain, ce premier succès porte des résultats très encourageants et constitue un vif espoir pour tous ceux qui vivent avec le HIV.
Comment les chercheurs ont-ils réussi à supprimer le virus du sida de l'organisme d'une souris ? Et bien c'est simple : ils ont utilisé un « outil d'édition du génome » pour modifier l'ADN.
Il s'agit de CRISPR, une méthode récemment développée qui permet de changer des fractions défectueuses de l'ADN. Elle agit concrètement comme des mini-ciseaux moléculaires, qui permettent de couper exactement l'ADN à un point précis et de remplacer une partie définie par une autre.
C'est un peu comme une chirurgie, sauf que ce n'est pas un médecin qui s'en occupe directement, mais une protéine spécifique, la CAS9, que l'on peut « programmer » pour repérer automatiquement une séquence d'ADN bien spécifique et la couper.
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Pour manipuler le génome, les scientifiques peuvent donc couper un brin d'ADN et le remplacer par un autre.
« Cette hypothèse de travail est très intéressante, en ce qu'elle cherche à utiliser cette technique d'édition génomique pour parvenir à ôter le VIH de l'ADN de la cellule vivante infectée », commente le Pr Olivier Schwartz, directeur de l'unité de recherche Virus et immunité à l'Institut Pasteur et membre d'un groupe de travail à l'Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS).
Lorsque le VIH infecte une cellule, il corrompt le génome pour reprogrammer la cellule. Cela a pour effet d'exploiter les mécanismes réplicatifs de la cellule, qui est « prise en otage » pour multiplier le génome du virus, ce qui permet ensuite à ce dernier de se propager. C'est ce qu'on appelle la réplication virale, et c'est un mode parasitaire propre aux virus, qui remplace le système de la reproduction pour se multiplier.
Or, lorsque les scientifiques coupent le brin d'ADN modifié par le virus pour le remplacer par un nouveau brin sain, cela stoppe la réplication virale.
En agissant directement dans le code génétique, à la façon d'un programmeur informatique qui supprimerait d'un système le code d'un virus ou autre programme malfaisant, on met directement fin à l'invasion et le virus, privé de moyen de se dupliquer, finit par disparaître.
« Je n'aurais jamais pu imaginer que le CRISPR fonctionnerait aussi bien, et avec autant d'efficacité et de précision », s'est réjoui le Kamil Khalili, co-auteur de l'étude, dans les colonnes de CBS News.
Aujourd'hui, toutes les recherches portant sur l'élaboration d'un vaccin se sont avérées être pour l'instant infructueuses, et il n'existe encore aucun remède à la maladie. Pour l'instant, seule la trithérapie, un traitement à prendre à vie, permet aux patients d'améliorer leur qualité de vie et de s'accomoder tant bien que mal pour vivre avec la maladie.
Mais même si le vaccin pour empêcher l'infection du virus du Sida n'est pas pour l'instant à l'ordre du jour, les résultats des derniers travaux laissent entrevoir la possibilité d'un traitement curatif, qui permettrait à terme de stopper l'infection lorsqu'un sujet est infecté par le virus.
Pour l'heure cependant, il s'agit de rester prudents : l'hypothèse d'un traitement curatif du sida pour l'homme reste encore très lointaine, et les chercheurs doivent encore faire face à de nombreux défis techniques, sans même parler du débat éthique pour savoir s'il est moral ou non de modifier le génome humain. En effet, si cet outil offre l'espoir de permettre d'ici quelques années l'élaboration de traitements pour soigner plusieurs maladies génétiques aujourd'hui considérées comme incurables, cette technologie pourrait aussi être employé pour réaliser des objectifs beaucoup plus critiquables.
Par exemple, on pourrait imaginer qu'une telle technique soit utilisée pour « améliorer » l'ADN et créer ainsi de « super-bébés » dotés de capacités physiques améliorées, ou encore de choisir le sexe et la couleur des yeux du futur enfant...
Bref, si on autorise un jour la modification de l'ADN humain à des fins médicales, il faudra sans doute légiférer et poser des limites à ne pas franchir. Mais nous n'en sommes pas encore là.
En effet, parvenir à éliminer le VIH de l'organisme d'un être humain infecté est un tout autre exercice que de le faire dans les cellules d'une souris où le virus a volontairement été injecté. De plus, pour travailler sur l'extraction de la partie defectueuse dans l'ADN des souris, les chercheurs avaient volontairement modifié au préalable les cellules de cette dernière pour qu'elle ne présente qu'une seule copie à la fois du gène du VIH. Or, dans la vraie vie, le virus peut s'intégrer à plusieurs endroits de la cellule, et il faut trouver le moyen de repérer ces différentes sections.
Enfin, comme dans toute stratégie antivirale, on court aussi le risque que le virus ne mute et ne s'adapte pour survivre à cette nouvelle technique. En résumé, rien ne permet aujourd'hui d'assurer avec certitude que si cette technique était opérationnelle, les virus ne trouveraient pas le moyen de la contourner.
Cependant, les recherches vont continuer et une application sur l'homme pourrait bien être menée à terme.