Dans le déluge de fantasmes historiques qui s'abattent sur la France, on rappellera utilement ce texte écrit en août 1932 par Léon Blum, et cité par le professeur Bariéty, en 1986, dans la revue Politique Étrangère:
« Von Papen et von Schleicher, ne nous lassons pas de le répéter, incarnent la vieille Allemagne d'avant 1914, dont la Révolution victorieuse a, par un irréparable malheur, laissé subsister les fondations et les cadres, l'Allemagne impériale, féodale, patronale, piétiste, avec son sens massif de la discipline, son orgueil collectif, sa conception à la fois scientifique et religieuse de la civilisation. Hitler, au contraire..., ici les définitions sont plus difficiles, mais nous pouvons bien dire cependant qu'il symbolise un esprit de changement, de rénovation, de révolution. Dans le creuset du racisme hitlérien bouillonnent confusément, à côté de certaines traditions nationales de la vieille Allemagne, tous les instincts contradictoires, toutes les angoisses, toutes les misères, toutes les révoltes de l'Allemagne nouvelle. Qu'en sortirait-il, le moment venu, dans quel moule viendrait se fixer le jet de métal en fusion ? Nul ne peut le dire exactement, mais c'est contre cette virtualité mystérieuse et formidable que les hommes de l'Allemagne impériale, appuyés sur la Reichswehr, opposent aujourd'hui leur barricade. En ferai-je l'aveu ? Si je me plaçais sur le plan du « devenir », la victoire de von Schleicher me paraîtrait encore plus décevante, encore plus désolante que celle de Hitler »
Rappelons que von Schleicher a tenté de monter un gouvernement d'union nationale pour éviter Hitler, en 1932. Ce gouvernement fut mis en échec par les sociaux-démocrates allemands, qui rendirent ainsi l'accession de Hitler au pouvoir inévitable.