
Comment s'y retrouver dans la jungle d'informations en tous genres dont regorge Internet ? Comment distinguer le vrai du faux, et à qui faire confiance dans un contexte de puissante défiance à l'égard des médias, de la classe politique et plus généralement, des institutions ?
"C'est la faute des médias" : une défiance de longue date
Le débat sur la qualité de l'information et la remise en question du travail des journalistes qui la produisent ne datent pas d'hier. Ils sont nés de plusieurs "ratés" comme "le mauvais traitement médiatique accordé au faux charnier de Timisoara (en 1989), la guerre du Golfe, le mouvement social de 1995, le référendum de 2005 ou encore le crise des banlieues", explique Jean-Marie Charon, sociologue des médias et chercheur au CNRS.
Si la défiance envers les médias "traditionnels" possède des racines historiques, elle s'est renforcée ces dernières années à l'aune de plusieurs facteurs. D'abord, le niveau d'éducation de la société n'a cessé d'augmenter, et "les milieux les plus éduqués sont ceux qui contestent le plus facilement la compétence des journalistes, leur manque d'expertise ou de rigueur. Ils exigent de la profondeur et des références", argue Jean-Marie Charon. Par ailleurs, "les plus jeunes sont ceux qui sont le plus exposés au foisonnement de toutes formes de sources, bénéficiant souvent de la recommandation de pairs, sans que cela soit une garantie de validité plus objective, avec un énorme risque de confusion, de rejet ou de doute généralisé".
L'info à l'épreuve des réseaux sociaux
L'avènement de l'ère numérique a de surcroît profondément changé le rapport des lecteurs à l'information. Ils sont désormais "acteurs" de leur propre quête d'information menée sur les moteurs de recherche, Facebook, Twitter ou d'autres plateformes d'échange. Le problème, c'est que ce système "horizontal" laisse peu de place à la hiérarchie de l'information et au "recoupage" des sources. Pour Jean-Marie Charon, "ces informations sont souvent mises sur le même plan, proviennent de médias de toutes natures, mais aussi de groupes de pression, promoteurs d'objets et d'idées, intoxicateurs et désinformateurs en tous genres".
Le fait que nombre d'hommes politiques n'hésitent pas à faire de la défiance envers les médias un des fers de lance de leur communication politique (Donald Trump et son utilisation des "faits alternatifs" en sont le parfait exemple), contribue à creuser le fossé entre journalistes et citoyens. D'autant que la presse traverse une crise économique importante sans parvenir à constituer de nouveaux modèles pérennes.
Un nouveau site contre les "fake news"
Comment rétablir la confiance dans un tel contexte ? "Le meilleur moyen de lutter contre les fausses informations pour la presse de référence c'est d'être le plus irréprochable possible, quel que soit le support et les circonstances", avance Jean-Marie Charon.
Soucieux de rétablir un "contrat de confiance" avec les lecteurs, plusieurs médias mettent l'accent sur leur mission de "fact-checking" (vérifier les faits). A l'image du Monde, qui possède déjà une équipe de journalistes dédiés au "détricotage" des fausses informations (Les Décodeurs), et qui lancera le 1er février un outil à destination des lecteurs désireux de tester la fiabilité d'un site web. L'idée est née de l'avalanche de rumeurs et "fake news" qui a inondé les réseaux sociaux au lendemain des attentats de Paris en 2015, et qui a parasité le travail des journalistes, tout en semant la confusion dans l'esprit des internautes.
"Tel est le nouvel état du monde et de la société auquel journalistes, rédactions et médias doivent faire face"
"Nous distinguons en gris les sites collectifs, donc non classés, comme Wikipedia, en bleu les sites parodiques, comme Le Gorafi ou NordPresse, en rouge les sites pas du tout fiables, complotistes ou trompeurs, comme le portail IVG.net qui, sous couvert d'informations, veut manipuler les femmes pour les décourager d'avorter, en orange les sites peu fiables ou très orientés, type FdeSouche, ou les attrape-clics qui republient des informations non recoupées, et enfin en vert les sites très fiables", a expliqué Samuel Laurent, responsable du projet. Il suffira d'entrer l'URL d'un site dans le Décodex pour découvrir son degré de fiabilité.
En novembre dernier, Facebook a annoncé une batterie de mesure pour lutter contre la désinformation, que le réseau contribue largement à relayer. L'empire de Mark Zuckerberg a notamment été accusé d'avoir favorisé l'élection de Donald Trump en offrant une formidable caisse de résonance à des articles mensongers, démagogiques et calibrés pour être "viraux" par leurs auteurs. "Tel est le nouvel état du monde et de la société auquel journalistes, rédactions et médias doivent faire face", conclut Jean-Marie Charon.