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Au Japon, la peine de mort se pratique encore. Si les condamnations sont médiatisées, le système judiciaire qui entoure l'exécution du condamné s'applique en secret. Retour sur une méthode toujours en vigueur, au pays du Soleil Levant.
Mardi 7 novembre, Chisako Kakehi, une Japonaise de 70 ans, a été condamnée à mort pour le meurtre de trois de ses ex-conjoints. Un procès de 135 jours, véritable feuilleton télévisé qui a captivé le Japon. Chisako Kaheki s'était retrouvée à la tête d'une fortune d'un milliard de yens, dont elle héritait à la mort de ses amants. Un patrimoine néanmoins englouti dans de mauvais placements financiers.
Celle que l'on surnomme ''la veuve noire'' ou encore ''l'empoisonneuse'' faisait usage de cyanure pour tuer ses victimes. Diagnostiquée en état de démence précoce, elle aurait agi, selon la juge Ayako Nakagawa, ''par amour de l'argent''. L'affaire Kakehi nous le rappelle : le Japon, est la seule démocratie industrialisée, avec les Etats-Unis, à pratiquer encore la peine de mort, alors qu'ils ont tous deux le statut d'observateur au Conseil de l'Europe. Au pays du Soleil Levant, deux exécutions ont eu lieu cette année, portant à 19 le nombre de détenus mis à mort depuis 2012.
Amnesty International rapporte que 124 personnes étaient, en juillet 2017, en attente d'une exécution dans le pays. L'opinion publique japonaise demeure largement favorable à la peine capitale, selon un sondage national effectué en 2014, et rapporté par Courrier International. 80,3% l'estimeraient ''inévitable''.
Une pratique inamovible.
Pour être validée, la peine de mort doit être approuvée par le ministre de la Justice en personne. Durant les dernières décennies, quelques ministres ont refusé de signer les décrets, comme Seiken Sugiura qui imposa un moratoire en 2005.
En 2009, l'arrivée au pouvoir du Parti démocrate du Japon avait donné bon espoir aux parlementaires favorables à la suppression de la peine de mort. Néanmoins Keiko Chiba, nommée par le premier ministre démocrate, avait été contrainte d'ordonner deux exécutions en juillet 2010. Cette avocate abolitionniste avait agi sous la pression des hauts fonctionnaires du Bureau des affaires criminelles, connus pour être partisans de la peine de mort.
Malgré la création d'une commission et l'ouverture d'une chambre d'exécution aux médias, le débat public sur la question n'a jamais véritablement eu lieu. Les militants abolitionnistes ne réussissaient, pour l'instant, qu'à retarder les mises à mort.
A l'issue d'un vote en 2007, l'ONU a demandé un moratoire universel contre la peine de mort. Ce vote n'avait pas valeur contraignante, mais témoignait d'une tendance manifeste en faveur de l'affaiblissement de la pratique dans le monde.
Le gouvernement japonais, quant lui, a affirmé ses positions, dans un rapport présenté au comité des droits de l'homme, en octobre 2012 :
''Le gouvernement estime que la question de savoir s'il faut maintenir ou supprimer la peine de mort devrait être laissée à l'appréciation de chaque pays, en tenant compte de l'opinion publique, des tendances de la criminalité, des politiques menées dans ce domaine et d'autres facteurs.''
Dans les couloirs de l'angoisse.
Une fois la condamnation déclarée, le délai de mise à mort prescrit par la loi est de six mois. Théoriquement. Les prisonniers attendent généralement plusieurs années avant leur exécution.
Tenus dans l'ignorance de la date d'exécution, les détenus subissent une pression permanente. Le syndrome du couloir de la mort entraîne, souvent, des démences et des déséquilibres mentaux. En 2014, l'ONG chrétienne ACAT relatait le cas d'Hakamada Iwao, condamné à mort en 1968, et remis en liberté en 2014, après 46 ans de détention. On lui aurait diagnostiqué une maladie mentale en 2008. Le droit japonais interdit l'exécution des condamnés souffrant de troubles psychiatriques. Cependant, aucun soin ne lui aurait été délivré jusqu'à sa sortie de prison, et son admission à l'hôpital, à 78 ans.
Au Japon, la mise à mort se fait par pendaison. Et ses conditions d'application sont glaçantes. Avant de conduire le prisonnier sur le lieu d'exécution, on lui bande les yeux et on lui passe des menottes. Rapporté par la Fidlh, un ancien responsable de la prison de Tokyo décrit l'exécution : ''Des leviers sont fixés au mur pour permettre aux bourreaux de tirer la corde vers le haut et vers le bas. Quand arrive l'heure de l'exécution et que le coup d'envoi est donné, trois ou cinq bourreaux actionnent les leviers en même temps, de sorte que personne ne sait lequel d'entre eux a vraiment exécuté le détenu.''
Un châtiment secret.
La Fédération internationale de la ligue des droits de l'homme (Fidlh) parle d'une ''procédure du secret'' entourant les condamnés à mort, de leur détention jusqu'à leur exécution. Les prisonniers ne sont informés du moment de leur exécution que quelques heures avant celle-ci. Les familles ne l'apprennent généralement qu'après, lors de la déclaration officielle faite par le ministère de la Justice pendant une conférence de presse. Pour Amnesty International, ces exécutions confidentielles ''bafouent les normes internationales relatives au recours à la peine capitale.''