
La Chine s'est muée en puissance ferroviaire. Elle possède notamment 60% du réseau à grande vitesse dans le monde. Et elle a commencé à exporter son expertise.
Début 2017, la Chine posait la première pierre d'une ligne de chemin de fer à grande vitesse au Laos. Longue de 414 kilomètres, elle reliera Vientiane à la frontière chinoise. Un autre projet, un tronçon de 250 kilomètres entre Bangkok et le nord-est de la Thaïlande, va démarrer en novembre. Et Pékin est en pole position pour obtenir un contrat qui fera passer le trajet entre Kuala Lumpur et Singapour à 90 minutes. «A terme, l'objectif est de relier ces projets afin de créer une ligne de train qui ira du Yunnan, en Chine, jusqu'à Singapour, en passant par le Laos, la Thaïlande et la Malaisie», indique Agatha Kratz, une chercheuse spécialiste de la Chine auprès de l'European Council of Foreign Relations.
Ce n'est pas tout. La Chine a remporté un contrat d'une valeur de 5,5 milliards de dollars pour construire une ligne de chemin de fer à grande vitesse entre Djakarta et Bandung en Indonésie. En 2014 a aussi été achevé un tronçon entre Istanbul et Ankara. Et ce printemps, un train qui relie Mombasa à Nairobi, au Kenya a été inauguré. La plupart de ces contrats sont honorés par China Railway Group, une entreprise d'Etat.
Technologie absorbée.
Si l'Empire du Milieu écoule ses trains avec autant de dynamisme, c'est qu'il souffre d'un grave problème de surcapacité. Tout a démarré en 2004, lorsque le Ministère chinois des chemins de fer a lancé un appel d'offres pour construire 200 trains à grande vitesse destinés au marché domestique. Le japonais Kawasaki, le canadien Bombardier, l'allemand Siemens et le français Alstom se sont précipités pour y répondre. Mais le gouvernement les a obligés à conclure une joint-venture avec des entreprises locales, qui ont absorbé leurs technologies. Bientôt, la Chine savait fabriquer ses propres trains à grande vitesse.
Il s'en est suivi une rapide expansion. En une décennie, le pays a posé 22 000 kilomètres de rails à grande vitesse. «Il possède aujourd'hui 60% du réseau mondial», fait remarquer Agatha Kratz. Le récent ralentissement de l'économie chinoise a toutefois donné un coup de frein à cette stratégie. «Le pays a désormais de nombreuses usines et ingénieurs en trop, note la chercheuse. Les exporter lui permet de rentabiliser la chaîne de valeur bâtie dans le domaine ferroviaire.» Construire des lignes de train à l'étranger ouvre aussi de nouvelles portes à la Chine sur le plan économique. «Ce sont autant de voies de transport pour acheminer ses biens vers d'autres pays», souligne-t-elle.
Course de vitesse.
Il y a également des motifs politiques. Cette expansion ferroviaire s'inscrit dans le cadre du projet «One Belt One Road», qui a pour but de créer un corridor économique entre la Chine, l'Asie du Sud-Est et l'Asie centrale. La ligne qui reliera le Yunnan à Singapour fournira ainsi un accès à la mer aux provinces enclavées de l'ouest de la Chine.
Pékin est aussi très fier de ses trains et y voit un outil de soft power pour démontrer au reste du monde que la Chine sait innover. Un nouveau modèle appelé Fuxing peut circuler à 350 km/h. A titre de comparaison, le Shinkansen japonais est limité à 320 km/h. Des chercheurs de l'Université Jiaotong, à Shanghai, travaillent sur un train capable de faire du 600 km/h.
Prix extrêmement avantageux.
Si la Chine est parvenue à s'imposer sur le marché des lignes à grande vitesse, c'est grâce à ses prix, qui sont jusqu'à un tiers moins chers que ceux de la concurrence, selon une étude de la Banque mondiale. Elle propose aussi aux pays acquéreurs des prêts à taux d'intérêt bas, appuyés par une garantie souveraine de l'Etat.
Mais Pékin a aussi essuyé des échecs. En novembre dernier, le président mexicain Enrique Peña Nieto a annulé un contrat ferroviaire à 3,75 milliards de dollars en raison d'une affaire de corruption. Aux Etats-Unis, l'Empire du Milieu s'est fait retirer un mandat pour construire une ligne entre Las Vegas et Los Angeles, car la loi exigeait que le matériel roulant soit produit sur sol américain. Les principaux compétiteurs de la Chine ont en outre commencé à se réveiller. Mi-septembre, le premier ministre nippon Shinzo Abe posait ainsi la première pierre d'une ligne à grande vitesse qui reliera Bombay à Ahmedabad, en Inde.