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Vingt ans du massacre de Louxor : l'enquête bâclée ravive l'amertume


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La mort de 36 Suisses aux mains des islamistes n'a fait l'objet que d'investigations sommaires en Egypte, révèlent des documents déclassifiés.

C'était le début de l'horreur djihadiste, et le plus grave attentat de ce type à avoir frappé directement la Suisse. Le 17 novembre 1997, 58 personnes dont 36 touristes helvétiques étaient massacrés au pistolet et à la Kalachnikov dans le temple d'Hatchepsout à Louxor, en Haute-Egypte.

Aujourd'hui, vingt ans après, des documents déclassifiés jettent une lumière cruelle sur les limites des autorités égyptiennes et la mollesse de la Suisse à identifier et poursuivre les commanditaires de l'attentat.

Retrouvez ici un article d'archive du «Journal de Genève et Gazette de Lausanne», le 28 février 1998: Après Louxor, comment écrire l'éditorial ?

Note succincte.

Le principal document sera révélé dimanche dans l'émission Mise au point de la RTS. Il s'agit d'un rapport d'enquête égyptien transmis à Berne le 22 juin 1998, via l'ambassade de Suisse au Caire. Très succincte, cette note émanant du «Haut parquet de la sécurité d'Etat» égyptien se borne à rappeler le déroulement du massacre, sans donner beaucoup de détails. Il livre aussi l'identité de 5 des 6 assaillants, qui ont tous été tués peu après le carnage. Il ne dit en revanche rien des commanditaires possibles de l'attentat et de leurs motivations, promettant simplement de poursuivre les recherches d'éventuels complices.

Mais sur le plan judiciaire, la Suisse n'obtiendra jamais d'explications ou d'enquête plus complètes que ces quelques pages.

«Je ne pense pas que les Egyptiens nous aient caché grand-chose, se souvient un témoin suisse de l'époque. Mais ils ont travaillé à l'égyptienne. Ils ont descendu tous les assaillants et ne savaient pas si ces six gars faisaient partie d'un noyau isolé ou d'une mouvance plus large. Ils étaient complètement débordés», d'autant que de nombreux autres attentats visant des touristes étrangers se sont produits en Egypte à l'époque.

Tourner la page.

La Suisse ne montrera pas d'insistance particulière pour que l'enquête aille plus loin. Dès l'an 2000, après quelques visites de conseillers fédéraux sur place, Berne décide de tourner la page. La police fédérale publie un rapport affirmant qu'il n'y a plus guère d'espoir d'en apprendre davantage, en tout cas à court terme.

Après le 11 septembre 2001, la Suisse n'a pas essayé d'en savoir plus, alors que de nombreux djihadistes égyptiens capturés en Afghanistan étaient détenus à Guantanamo et ailleurs.

«Pour moi, c'est un échec difficile à avaler», explique l'ancien agent fédéral et spécialiste de l'antiterrorisme Jean-Paul Rouiller.

Dans d'autres documents déclassifiés obtenus par la RTS, les services de renseignement américains apparaissent très au fait des ramifications internationales de l'attentat. Peu après l'attaque, ils notent que le groupe Gamaa Islamiya, dont un membre était le cerveau du massacre, a tenté de le justifier comme une prise d'otages qui aurait mal tourné. La CIA estime aussi que son commanditaire présumé, Mustapha Hamza, accusé d'avoir conçu une tentative d'assassinat du président Moubarak en Ethiopie en 1995, opère depuis l'Afghanistan.

Non élucidé.

Mustapha Hamza n'a jamais été jugé pour l'attentat de Louxor en Egypte, où il est actuellement détenu pour des faits différents, selon l'enquête de la RTS.

Vu d'aujourd'hui, après le 11-Septembre et 16 ans de guerre mondiale contre le djihadisme, la relative passivité des autorités suisses semble appartenir à une autre époque. Elle fait qu'aujourd'hui encore, l'attentat de Louxor reste, au fond, non élucidé. «Je suis reparti d'Egypte avec plus de questions que de réponses», soupire Blaise Godet, qui était ambassadeur helvétique au Caire au moment de l'attentat.