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Sept élus français et européens interdits d'entrée sur le territoire israélien


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Des élus de gauche, membres d'une délégation de soutien aux prisonniers palestiniens, se sont vu notifier, avant même leur arrivée en Israël, une interdiction d'entrée dans le pays. Une décision sans précédent, crânement assumée côté Etat hébreu. Les parlementaires insoumis en appellent à l'exécutif français.

«Inutile de monter dans l'avion, vous ne passerez pas la douane à l'aéroport.» C'est quasiment mot pour mot ce qu'ont indiqué les autorités israéliennes à sept responsables de la gauche française, membres d'une délégation d'une vingtaine d'élus et artistes attendue à la fin de la semaine en Israël pour une visite de soutien aux prisonniers palestiniens. Ce déplacement, organisé par les maires membres de l'Association pour le jumelage entre les camps de réfugiés palestiniens et les villes françaises (AJPF), a aussi pour but de s'enquérir du sort du Franco-Palestinien Salah Hamouri, retenu en «détention administrative» depuis la fin de l'été. Diverses rencontres avec des associations et ONG locales sont également au menu du voyage.

Ennemi public numéro 1.

Interdites d'entrée sur le territoire israélien, les personnalités concernées - dont la députée de La France Insoumise (LFI) Clémentine Autain, le leader du Parti communiste, Pierre Laurent, et les eurodéputés Pascal Durand et Patrick Le Hyaric - se voient reprocher officiellement leur proximité, aux yeux des autorités israéliennes, avec le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS). Cette campagne internationale, appelant au boycott économique, culturel et économique d'Israël pour protester contre l'occupation des Territoires palestiniens, a été érigée ces dernières années au rang d'ennemi public numéro 1 de l'Etat hébreu par le gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Une croisade qui fait l'objet d'un large consensus national, malgré l'impact relativement limité du mouvement. Depuis mars, une loi permet ainsi au ministère de l'Intérieur de refuser l'entrée du territoire aux partisans du boycott d'Israël. Selon plusieurs sources, il s'agirait de la première fois que cette nouvelle disposition est appliquée contre des élus nationaux étrangers. «Nous n'autorisons pas l'accès au territoire à ceux qui appellent activement à s'en prendre à Israël», se sont justifiées les autorités israéliennes dans un communiqué.

Les élus paient avant tout leur intention revendiquée de rencontrer Marouane Barghouti en prison, même si les chances paraissaient infinitésimales tant ses visites sont restreintes, y compris pour sa famille. Héros national aux yeux des Palestiniens, Barghouti est qualifié de «fieffé meurtrier» par le ministre israélien de la Sécurité publique, Gilad Erdan, dans le communiqué soutenant cette décision, comparant la démarche des élus à une «incitation à soutenir le terrorisme».

Geôles désertiques du Néguev.

Considéré comme le commanditaire et l'architecte d'une série d'attentats durant la Seconde Intifada, Barghouti a été condamné plusieurs fois à la perpétuité. Il a initié au printemps dernier un vaste mouvement de grève de la faim des prisonniers palestiniens pour protester contre leurs conditions de détention et le régime de détention administrative. Celui-ci, unanimement décrié par les défenseurs des droits de l'homme, permet à Israël d'incarcérer pour une durée indéterminée et sans avoir à en notifier les raisons toute personne suspectée de porter atteinte à la sécurité nationale.

C'est le cas de l'avocat franco-palestinien Salah Hamouri, dans les geôles désertiques du Néguev depuis le 23 août, et dont l'ordre de détention de six mois a été confirmé le 22 octobre à la Cour suprême de Jérusalem. Ce dernier a déjà purgé sept ans de prison, accusé par les autorités israéliennes d'avoir participé à un projet d'assassinat d'un influent rabbin d'extrême droite, avant d'être libéré en 2011 dans le cadre de l'échange de prisonniers palestiniens contre le soldat Gilad Shalit, enlevé par le Hamas. Depuis sa libération, Hamouri avait passé son droit pour défendre à son tour les militants incarcérés. Les autorités israéliennes, de leur côté, lui reprochent ses liens avec le Front populaire de libération de la Palestine. Ce dont il n'a pu se défendre, faute de procès. Fin octobre, le Quai d'Orsay s'est dit «préoccupé» par sa situation, «espérant» sa libération prochaine mais reconnaissant n'avoir pas été informé des charges retenues contre lui.

«Cran de raidissement.»

En off, un officiel israélien reconnaît que les liens supposés des élus avec BDS sont plus un prétexte que la motivation première de ce refus : «La loi antiboycott est un instrument légal qui nous permet désormais d'empêcher des gens qui cherchent à porter atteinte à notre pays d'entrer sur le territoire. Cette délégation exprime sa solidarité avec un assassin [Barghouti, ndlr]. Par conséquent, nous n'avons aucune obligation envers eux. Qu'ils expriment leur soutien aux prisonniers de loin.»

Pour la députée LFI Clémentine Autain, directement visée, il s'agit là d'un «cran de raidissement négatif». Elle remarque qu'elle s'est déjà rendue en Israël par le passé, dans le même cadre. «La situation n'est pas normale, l'Etat français doit intervenir pour débloquer la situation, ajoute-t-elle. Le fait que nous souhaitions rencontrer Marouane Barghouti a visiblement irrité les autorités israéliennes, alors que notre démarche est pacifique. Je ne me résous pas à croire qu'un pays démocratique puisse empêcher la venue de parlementaires français.»

«Publicité négative.»

«Déprimé» après avoir découvert cette décision «dans la presse israélienne», l'écologiste Pascal Durand défend la démarche de rencontrer Barghouti : «Il s'agit de discuter avec lui car, selon moi, c'est l'une des personnes qui peut aider à résoudre le conflit.» Lui aussi précise s'être rendu en Israël à plusieurs reprises, sans aucune restriction. «C'est fou qu'un pays en relation avec l'Europe interdise l'accès à un parlementaire européen pour des motifs de sécurité, insiste-t-il. Comme si nous pouvions mettre en péril le pays. Je demande que le Parlement européen proteste contre cette décision. Qu'une personne comme moi ne soit pas autorisée à rentrer dans le pays témoigne de la difficulté rencontrée par les associations et les ONG pacifiques pour travailler. Cela doit être insupportable.»

A cet égard, l'Association pour les droits civiques en Israël (Acri) a fait part de son indignation dans un communiqué : «Le ministre de l'Intérieur n'a pas le droit de s'ériger en tant que commissaire politique et de décider au nom des citoyens du pays et des Territoires occupés quelles sont les opinions valables [pour entrer en Israël].»

Ce coup d'éclat des autorités israéliennes est un signe manifeste du durcissement des positions du gouvernement Nétanyahou, qui n'a visiblement pas peur de s'exposer à une nouvelle controverse internationale. Une visite organisée par le même groupe de maires français était ainsi quasi passée inaperçue l'an dernier, en l'absence de protestation côté israélien. Cette fois-ci, la très droitière coalition au pouvoir a préféré aller au clash, au risque de braquer le projecteur sur ce qu'elle considère comme ses adversaires.

«C'est du bruit, mais c'est un prix que l'on est prêts à payer», assure l'officiel israélien cité précédemment. Un document interne cité par le quotidien Haaretz indique que l'ambassade israélienne à Paris s'est déjà préparée en amont à gérer la «publicité négative» entraînée par cette décision, qualifiant les élus de la délégation de «provocateurs». De leur côté, les parlementaires insoumis (en plus d'Autain, trois autres, Michel Larive, Danièle Obono et Muriel Ressiguier, ont annoncé leur participation au voyage) en appellent, dans un communiqué, à l'intervention de l'exécutif et du Parlement français, «afin que cette menace d'interdiction ne soit pas rendue possible. Il en va de la démocratie et de la paix».