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Un train à l'hydrogène, est-ce vraiment propre ?


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Pour la première fois, un train régional va être propulsé à l'hydrogène en Allemagne. Un indéniable progrès écologique par rapport au diesel, mais la fabrication de ce nouveau carburant reste très polluante.

Un train à l'hydrogène, est-ce vraiment propre ?

Il affiche fièrement le sigle HO en blanc sur sa peinture bleu ciel. HO, pour «hydrogène zéro émission». Le train régional Coradia iLint d'Alstom, propulsé par des piles à combustible, a effectué une première sortie bluffante de silence (et Libération y était). Le train est déjà un succès, au moins commercial : la région de la Basse-Saxe en a acheté quatorze exemplaires, ce qui représente un contrat de 200 millions d'euros avec trente ans de maintenance. Le jour de cette démonstration, Jörg Nikutta, le patron de la division allemande d'Alstom, a déroulé son argumentaire : «Avec la pile à hydrogène, nous parions sur l'avenir pour relever le défi de la réduction des émissions de CO2 et répondre aux immenses besoins de transports collectifs propres.»

Voilà pour la communication, mais qu'en est-il réellement ? Evacuons tout d'abord le point moins compliqué et le plus évident : oui, c'est la réalité, le train qui fonctionne à l'hydrogène est propre. Il n'est pas exactement «zéro émission», puisqu'il rejette de la vapeur d'eau, créée par la transformation de l'hydrogène en électricité. Seulement de la vapeur d'eau. Et donc, aucune émission de gaz à effet de serre (CO2). Rien à voir, donc, avec les trains circulant au diesel.

A La Rochelle, autre première : un bus maritime assurant la liaison maritime Vieux Port-Minimes est désormais propulsé grâce à une pile à hydrogène. L'embarcation, nommée Galilée, est une avancée de plus dans l'ambition de La Rochelle de devenir le premier «territoire urbain littoral zéro carbone», indique Brigitte Desveaux, vice-présidente de la Communauté d'agglomération de La Rochelle en charge des transports, à nos confrères de Sud-Ouest.

Fracturation hydraulique.

Ces innovations seraient vraiment une bonne nouvelle pour la planète, s'il n'y avait pas un problème de taille : l'hydrogène n'est quasiment pas présent dans la nature, contrairement au pétrole ou au gaz. Pour l'utiliser, il faut donc le fabriquer.

Revenons à notre train allemand : il fonctionne grâce à des piles alimentées elles-mêmes par deux grands réservoirs d'hydrogène présents sur son toit. Ce carburant est fourni par l'entreprise allemande Linde, qui le fabrique à partir du reformage du méthane. Cette méthode est d'ailleurs la plus souvent utilisée dans l'industrie (95% des techniques de production selon un rapport de 2008 de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques). En quoi consiste-t-elle ? Pour schématiser, de la vapeur d'eau est chauffée à très haute température et mélangée avec du méthane, ce qui crée une fracturation hydraulique. «Sous l'action de la vapeur d'eau et de la chaleur, les atomes qui constituent le méthane (CH4) se séparent et se réarrangent en dihydrogène (H2) d'une part et dioxyde de carbone (CO2) d'autre part», explique le site Futura-Sciences.

Cette technique pose donc un problème : elle produit du CO2. Et un autre : elle provoque des émanations de méthane dans l'atmosphère, un gaz encore plus polluant que le CO2. Pour l'industrie automobile, Auto-Moto avait relevé que la production d'hydrogène pour faire rouler une voiture un kilomètre rejette l'équivalent de 100g de CO2... C'est-à-dire à peu près le même score que pour le diesel.

Un hydrogène vert est-il possible ?

Alstom est bien conscient du problème et Jörg Nikutta, le responsable déjà cité, expliquait à Libération que son entreprise allait prochainement utiliser un hydrogène vert «grâce à l'électrolyse de l'eau». Cette méthode, reproduite chaque année dans les salles de chimie des collèges de France et de Navarre, consiste à décomposer l'eau à l'aide d'un courant électrique. Un hydrogène vert, vraiment ? Pas tellement : car la production par électrolyse nécessite une puissance électrique très importante. Ce qui la rend très coûteuse. Et dépendante du nucléaire, une énergie neutre en terme d'émission de CO2, mais pas du tout en terme environnemental.

Avec cette technique, l'une des solutions pour arriver à un hydrogène propre serait d'utiliser de l'électricité verte. «Il existe une méthode alternative qui s'appuie sur l'électrolyse de l'hydrogène, en exploitant des courants d'eau pour produire de l'énergie électrique qui sera ensuite utilisée pour la production d'hydrogène et d'oxygène, relate par exemple Numerama. Malheureusement, ce processus nécessite beaucoup d'énergie.» Dont, en outre, 20% est gaspillée.

Alors, faut-il jeter le H avec l'H2O du bain ? Pas encore, puisque des recherches sont en cours pour dénicher un hydrogène vraiment propre : celui qui serait fabriqué à partir de la fermentation. En décomposant des matières organiques (la biomasse), des bactéries produisent en effet de l'hydrogène. «Les gaz de fermentations sont récupérables et filtrables pour concentrer le méthane qui servira à produire l'hydrogène. Couplé à un mode de capture du CO2, les émissions seraient nulles», pose Natura-Sciences.

A voir quel sera l'avenir de cette solution par biomasse. Celui de la propulsion à hydrogène, lui, passerait plutôt par une amélioration de la méthode par électrolyse : c'est notamment sur ces questions que se penchent les grands groupes. La résolution des problèmes liés à l'hydrogène pourrait en effet passer par une industrialisation. En clair, quand toutes les voitures rouleront à l'hydrogène, il faudra bien faire efficace, économe et pas cher. On semble s'y orienter : en janvier dernier, en marge du forum de Davos, un «conseil de l'hydrogène» a été créé. Il regroupe des constructeurs (Honda, Hyundai, Toyota, BMW, Daimler, Kawasaki, Alstom), un groupe minier (AngloAmerican) et des producteurs de carburant (Shell, Total, Air Liquide, Linde, Engie).