Alpine A110.
Elle figure au panthéon de l'automobile française. L'agilité de la Berlinette offrit à Alpine le titre de champion du monde des rallyes.
VOITURES DES ANNÉES 1970 - Même si près d'un demi-siècle les séparent du temps présent, les objets et modes des années 1970 demeurent profondément enracinés dans notre culture. On peut notamment citer Clo-Clo, Bee Gees, Led Zepplin. En matière d'automobile, ce pourrait être Citroën SM, Renault 5 et Lamborghini Countach. Dans le domaine, l'époque est aux expérimentations radicales et aux remises en causes profondes. D'un côté Giugiaro impose les formes angulaires. De l'autre, la crise pétrolière pousse les constructeurs à construire des véhicules plus rationnels.
A l'aube de la décennie, les designers expérimentent les lignes « en coin » (Lancia Stratos) et travaillent l'aérodynamisme (future Citroën CX). On croit encore à une possible généralisation de la turbine à gaz ou du moteur rotatif (Citroën GS). Aux Etats-Unis, les muscle-cars, comme la Plymouth Cuda vrombissent sur les highways. Les records de vitesse moyenne ne cessent de tomber aux 24 heures du Mans avec la terrible Porsche 917. A Clermont-Ferrand, Michelin expérimente le pneu radial, qui s'imposera partout. L'heure est au progrès...
Mais déjà, le changement point à l'horizon. 16 612 personnes ont été tuées sur les routes françaises en 1972, soit cinq fois plus qu'aujourd'hui : la sécurité routière devient une préoccupation nationale. Surtout, le 16 octobre 1973, les pays de l'OPEP décident unilatéralement une augmentation de 70 % du prix du baril de pétrole, conséquence de la Guerre de Kippour. En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées. Le gouvernement de Pierre Messmer interdit (provisoirement) les courses automobiles et établit (pour de bon) des limitations de vitesse. Le décret du 14 mars 1974 précise qu'il est désormais interdit de circuler à plus de 140 km/h sur les autoroutes.
Amateur de Porche et instigateur des voies sur berges à Paris, le président de la République Georges Pompidou meurt le 2 avril 1974. A l'élection qui suit, René Dumont est le premier candidat écologiste à se présenter : il fustige le « tout voiture ». Et si le nouveau chef de l'Etat, Valéry Giscard d'Estaing défile sur les Champs-Elysées debout dans une version cabriolet de la Citroën SM, on sait déjà que ce modèle prestigieux est un gouffre financier pour la marque de Javel, qui peine déjà à payer ses factures. A l'instigation du nouveau président, les chevrons se rapprochent du lion de Peugeot pour former le groupe PSA.
Les voitures doivent désormais être moins gourmandes, plus petites, plus fonctionnelles. La régie nationale Renault, à l'instigation de l'agence de publicité Havas, tente une comparaison hasardeuse entre sa R14 et une poire. Car la pub, autorisée sur l'ORTF depuis 1969 (précédées par le « castor »), devient déterminante dans les habitudes d'achats. Le nombre de véhicules neufs vendus en France atteint 2 millions par an au milieu de la décennie : il n'augmentera plus significativement jusqu'à nos jours (chiffres Insee). La concurrence devient plus rude. Avec le marché commun et l'abolition progressive des droits de douane, les voitures étrangères - Fiat, BMW, Mercedes... - grignotent petit à petit la part de marché de Peugeot, Renault, Citroën ou Simca (les françaises représentent 80% des ventes dans l'Hexagone en 1974, contre 55 % aujourd'hui). Les premières japonaises font discrètement leur apparition, entrées en Europe par les petits pays (Suisse, Belgique, Danemark, Norvège).
Le soir, sur le plateau multicolore de TF1, Roger Gicquel informe les Français. La violence politique est alors omniprésente en Europe. Le corps du patron des patrons allemands, Hanns Martin Schleyer, est retrouvé dans le coffre d'une Audi 100 en 1977, dans une rue de Mulhouse. Il a été tué par la bande à Baader. L'ancien premier ministre italien, Aldo Moro, est lui aussi assassiné, l'année suivante. La police italienne le découvre à l'arrière d'une Renault 4. Les faits-divers alimentent les conversations. La Peugeot 304 coupé (et la Simca 1100), elle, joue un rôle clef dans l'affaire Ranucci : il est l'un des derniers condamnés à mort en France. La lame de la guillotine tombe le 28 juillet 1976 à 4h13. L'ennemi public numéro 1, Jacques Mesrine, est criblé de balles alors qu'il se trouve au volant de sa BMW 528i, le 2 novembre 1979.
Le climat de violence sert de toile de fond à la culture. Au cinéma, Henri Verneuil envoie les flics Letellier et Moissac - Jean-Paul Belmondo et Charles Denner - poursuivre l'effrayant Minos dans une Renault 16 (Peur sur la ville, 1975). Le haut de gamme Renault, dans sa version TX, est d'ailleurs la première voiture du commissaire Moulin, qui apparaît pour la première fois à la télévision.
Dans un registre plus réjouissant, la Porsche 917 est la star du film Le Mans, de Steve McQueen. Et côté burlesque, une Citroën DS conduite par le placide Salomon finit sa course dans un étang (Les aventures de Rabbi Jacob, 1973). Un baroud d'honneur pour la plus prestigieuse des berlines françaises, dont la production cessera en 1975.
L'heure est à la rationalisation, à la baisse de consommation, et à un peu d'évasion. Les années 1970 : est-ce la fin de l'innocence pour l'automobile ?