Le Parlement a adopté dimanche soir le projet de loi qui étend le pass sanitaire. En cas de refus, le salarié ne sera finalement pas licencié mais son contrat de travail sera suspendu, tout comme sa rémunération.
En vigueur depuis le 21 juillet dans les « lieux de loisirs et de culture » rassemblant plus de 50 personnes, le pass sanitaire sera étendu début août aux cafés, restaurants, foires, salons professionnels et centres commerciaux - sur décision du préfet pour ces derniers. Même chose pour les avions, trains, cars longs trajets et les établissements médicaux, à l'exception des urgences.
Les salariés de ces entreprises, comme les clients, devront présenter un pass sanitaire valide. C'est-à-dire soit un test Covid négatif, soit une attestation de vaccination ou encore un certificat de rétablissement. Ce pass leur sera exigé à partir du 30 août.
Quelle sanction pour le salarié qui le refuse ?
C'est le gros changement du texte voté dimanche. Alors que l'exécutif souhaitait qu'un salarié qui ne présente pas de pass sanitaire pendant une durée de deux mois puisse être sanctionné par un licenciement, en créant pour cela un motif spécifique de licenciement, députés et sénateurs ont proposé une seconde voie : la suspension du contrat de travail et donc de la rémunération.
Concrètement, face à un salarié réfractaire, l'employeur pourra le suspendre sans le rémunérer. Le texte précise simplement que, trois jours après cette suspension, le chef d'entreprise devra convoquer son employé pour un entretien « afin d'examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d'affectation, le cas échéant temporaire, sur un autre poste non soumis à cette obligation. »
« C'est du grand n'importe quoi, s'agace Thierry Grégoire de l'Umih, le syndicat patronal des bars, hôtels et restaurants. Nous demandions plus de sécurité juridique et, dimanche, les parlementaires ont voté le contraire. Combien de temps peut-on suspendre le contrat de travail ? Et si ça dure des mois ? Nous n'avons pas de réponse. Les parlementaires proposent qu'on puisse reclasser un salarié réfractaire sur d'autres missions sans contact avec la clientèle mais un serveur, ce n'est pas un cuisinier. »
Un flou qui inquiète aussi les syndicats de salariés. « Même si menacer de licenciement un employé réfractaire n'était pas le meilleur argument pour le convaincre de se vacciner, ce qui a été voté est très bancal, décrypte Yves Veyrier, secrétaire général de FO. Cette suspension de contrat crée une situation d'insécurité pour le salarié. D'autant que le risque de licenciement n'est pas écarté. »
Sentiment identique à la CFDT : « Même si le texte apparaît plus équilibré, le manque de formalisme autour de la suspension du contrat de travail nous inquiète », reconnaît Marylise Léon, secrétaire générale adjointe à la CFDT.
D'ailleurs, sur BFM, ce lundi, Élisabeth Borne, ministre du Travail, a reconnu un « recul » pour le salarié. Les décrets d'applications permettront-ils de rectifier le tir ? « Non », indique le ministère du Travail, qui estime cependant que les solutions extrêmes avec des suspensions de contrats devraient être peu nombreuses.
Le pass sanitaire s'appliquera-t-il dans les centres commerciaux ?
Les responsables des centres commerciaux sont soulagés : alors que le pass sanitaire devait initialement s'appliquer dans les 344 centres de plus de 20 000 m2, le texte finalement adopté en commission mixte paritaire prévoit un dispositif au cas par cas. Ce sera aux préfets de décider, localement, s'il est nécessaire ou pas. En revanche, partout, l'accès aux biens et services de première nécessité (pharmacies et magasins d'alimentation notamment, situés au sein de ces centres) sera libre.
La liste des centres concernés par le pass sanitaire ne devrait pas être connue, au mieux, avant le week-end prochain. « Et nous attendons également les décrets d'application, afin qu'on nous confirme que seuls les plus grands centres, ceux de plus de 20 000 m2, sont concernés », souligne Gontran Thüring, le délégué général des centres commerciaux (CNCC).
Pour l'ensemble des lieux concernés par le pass, leurs gestionnaires qui ne réaliseraient pas de contrôle pourront être mis en demeure par l'autorité administrative. Puis l'établissement pourra être fermé pour sept jours maximum. En cas de manquement à plus de trois reprises sur 45 jours, le gestionnaire encourt un an d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende.
Et pour les autres salariés ?
Pas de pass sanitaire, mais les gestes barrière, comme le port du masque, perdure dans les entreprises ne recevant pas du public. Si le télétravail reste d'actualité pour les salariés qui peuvent y prétendre, les employeurs ont en revanche la main pour faire du sur-mesure avec les représentants des salariés afin d'organiser un retour progressif d'ici septembre.