Le chef de l'Etat a promis la défiscalisation des pourboires versés par carte bancaire dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, avec une mise en œuvre « dans les prochains mois ».
Une serveuse le 12 mai 2021, avant la réouverture des restaurants et des terrasses de café, le 19 mai.
Les pourboires payés par carte bancaire dans les cafés et restaurants seront défiscalisés. Emmanuel Macron a fait cette annonce lundi 27 septembre à Lyon, aux professionnels réunis au Salon international de la restauration, de l'hôtellerie et de l'alimentation (Sirha), qui s'est ouvert à Lyon. « Nous avons décidé que les pourboires payés par carte bleue seraient sans charge pour les employeurs et sans impôts pour les salariés », avec une mise en œuvre « dans les prochains mois », a-t-il affirmé.
Aujourd'hui, contrairement aux pourboires versés en espèces, les transactions par carte sont automatiquement déclarées et imposées. Mais grâce à cette annonce, un employé dans la restauration ou l'hôtellerie qui recevra un pourboire par carte bancaire n'aura plus besoin de le déclarer aux impôts. Ces transactions échapperont donc à l'impôt sur le revenu, ainsi qu'aux cotisations.
« Cela va permettre d'ajouter au pouvoir d'achat » des salariés du secteur, a argumenté le président. Accusé par l'opposition de sortir le carnet de chèque à sept mois de la présidentielle, l'entourage d'Emmanuel Macron se défend de tout électoralisme en disant que la mesure n'a pas de coût supplémentaire pour l'Etat : les pourboires versés en liquide sont actuellement très peu déclarés, et donc imposés. Cette mesure « ne coûte rien, car aujourd'hui ça ne marche pas », a-il ajouté, « parce qu'on l'a vu en sortie de crise, nos compatriotes utilisent de moins en moins de liquide ».
Cette mesure se veut un coup de pouce donné aux employés, mais aussi aux patrons qui ont du mal à recruter. « Cela va vous permettre d'attirer plus de jeunes et de moins jeunes pour leur dire : tu peux gagner plus que le salaire et le bonus que je te verse », a conclu le chef de l'Etat.
Une mesure saluée par le patronat
Le patronat de l'hôtellerie-restauration, qui peine à recruter, voit ainsi exaucée l'une de ses demandes et s'en est félicité. « C'est quelque chose que nous demandions depuis plusieurs années, beaucoup de pays le font. Cela va inciter les jeunes à venir dans nos métiers, tirer le service vers le haut, et inciter les clients à reconnaître la qualité du service », a réagi Roland Héguy, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), principale organisation patronale de l'hôtellerie restauration.
Même satisfaction du côté du GNI, syndicat patronal des indépendants de l'hôtellerie-restauration, dont le président Didier Chenet a salué une « excellente nouvelle ». Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, s'était lui aussi prononcé lundi matin en faveur de cette mesure.
Seul Nabil Azzouz, secrétaire fédéral de la FGTA-FO hôtels, cafés, restaurants, s'est inquiété de cette mesure qui pourrait « réduire [la] marge de négociation salariale dans la branche », et « ne répond pas aux vrais enjeux qui sont les coupures, les week-ends, le treizième mois, les salaires ».
Emmanuel Macron avait souhaité en juin une reprise des embauches, disant que 110 000 emplois sont à pourvoir dans la restauration, un secteur qui a été frappé de plein fouet par la crise sanitaire du Covid-19 et les différents confinements. Le marché de la restauration commerciale a vu son chiffre d'affaires presque divisé par deux sur les sept premiers mois de l'année, comparativement à 2019, selon une étude de NPD Group. De janvier à juillet, par rapport à l'activité d'avant le Covid-19, le chiffre d'affaires a reculé de 45 %, et la fréquentation, de 39 %, explique le spécialiste des études de marché, dans un point sur l'activité d'un secteur qui en 2019 représentait 57 milliards d'euros en France.
La restauration commerciale « hors domicile » inclut la restauration avec service à table (cafés, bars, brasseries, cafétérias), la restauration rapide (fast-foods, ventes à emporter ou livrées, sandwicheries, boulangeries, traiteurs), la restauration dans les transports et les lieux de loisirs (musées), dans les entreprises et par distributeurs automatiques.
C'est la restauration à table qui a le plus souffert : avec « cinq mois de fermeture dus au Covid-19, elle a perdu les deux tiers de son chiffre d'affaires, soit − 68 % » à la fin juillet, contre « − 17 % pour la restauration rapide », estime Maria Bertoch, experte du secteur pour NPD Group, qui table sur un « retour à la normale d'ici deux ans ». En 2022 « le marché global reprendra sa croissance », avec une hausse du chiffre d'affaires de 21 % par rapport à 2021, anticipe le spécialiste des études de marché, tandis que le niveau de 2019 devrait être retrouvé en 2023.