Langue de Victor Hugo et de Molière, de Michel Audiard et de Louis de Funès, de Georges Brassens et de Léo Ferré, de Franquin et de Goscinny, le français est admiré par tout le monde. Toutefois, beaucoup trouvent qu'elle est une des langues les plus difficiles à apprendre. Et les étrangers ne sont pas les seuls à le penser ; des personnes, dont c'est la langue maternelle, sont du même avis. La faute à des bizarreries et des subtilités vraiment très particulières.
1/ Un alphabet qui n'a aucun sens.
Cela peut paraître un peu étrange présenté comme cela, compte tenu du fait que nous employons notre alphabet tous les jours de notre vie. Toutefois, il faut se faire à l'idée... notre alphabet n'a aucun sens, et pour une raison très simple. Il corrompt l'idée même d'alphabet. Explication. Le principe d'un alphabet pourrait être résumé de la façon suivante : un signe (une lettre) = un son. Pourtant, en français, l'équation suivante est valable : un son = deux signes (un digramme), trois signes (un trigramme), quand ce n'est pas quatre ou cinq signes.
Une caractéristique qui étonne énormément les étrangers, chez qui bien souvent, un signe = un son, comme en espagnol, dans les langues turcophones, le japonais, le coréen, le portugais, etc. Si cette bizarrerie n'est pas exclusive au français (l'anglais est aussi concerné, dans une moindre mesure), elle peut poser d'énormes difficultés. Mais d'où vient cette bizarrerie ? Tout simplement parce que nous utilisons un alphabet (l'alphabet latin) créé pour une autre langue que la nôtre : la langue latine.
2/ Des mots masculins qui deviennent féminins au pluriel.
Qui a déjà donné un cours de Français Langue Étrangère sait combien certains locuteurs étrangers ont du mal avec les masculins et les féminins. Mais cette dimension devient plus difficile encore quand on prend en compte que certains mots masculins deviennent féminins quand ils sont employés au pluriel. Ces mots sont au nombres de trois : amours, délices et orgues. Ainsi, quand Serge Gainsbourg chante "Jour après jour les amours mortes / N'en finissent pas de mourir" dans La Chanson de Prévert, il ne fait pas une faute de grammaire. On pourrait aussi évoquer ces mots qui n'ont, bizarrement, aucun genre défini, comme "après-midi", "H.L.M." ou "enzyme".
3/ Des mots qui veulent dire une chose et son contraire.
Il existe des mots en français qui veulent dire une chose et son contraire. Ainsi, louer un appartement est l'action à la fois du locataire et du propriétaire ; un hôte est à la fois celui qui reçoit et celui qui est invité ; apprendre signifie "acquérir du savoir, des compétences", mais peut également être le synonyme du verbe enseigner.
4/ Conduire ou piloter ?
On conduit une voiture, on conduit un bus, on conduit un camion, on conduit un train et on pilote un avion. Très bien. Alors pourquoi dit-on "pilote de Formule 1" ? Quelle est la différence entre conduire et piloter ? La vitesse ? La taille du véhicule ?
5/ Une lettre utilisée que dans un seul mot.
Et oui, vous avez bien lu : il est existe une lettre qui est utilisée dans un seul de mot. Il s'agit du ù, utilisé uniquement dans le pronom relatif (et adverbe de lieu) où. Et pourtant, malgré le fait qu'elle soit utilisée que dans un seul mot, elle a sa propre touche sur notre clavier d'ordinateur, alors que le â, ê ou le ë n'en ont pas de dédiées, alors qu'elles sont utilisées dans plus de mots.
6/ Les nombres après 60.
Notre système de nombre donne des sueurs froides aux personnes étrangères apprenant le français. Il faut dire que le français de France ne leur facilite pas la tâche, contrairement au français belge, et leurs célèbres septante (pour 70) et nonante (pour 90). Et oui, le français de France commence par système décimal (10, 20, 30, 40, 50), puis passe subitement à un système vicésimal (60-70, 80-90), en allant de 20 en 20.
D'où vient ce changement de système ? Et bien il faut savoir qu'au Moyen-Âge, sous l'influence des langues pré-indo-européennes parlées tout le long de la Route de la Soie, nous utilisions un système uniquement vicésimal. Ainsi, pour dire 30, on disait "vingt et dix", pour 40 "deux vingt", pour 50 "deux vingt et dix", pour 60 "trois vingt", pour 70 "trois vingt et dix", et ainsi deux suite. Nous avons commencé à utiliser le système décimal qu'à partir de la fin du Moyen-Âge. Ainsi, nous utilisons aujourd'hui, sans nous en rendre compte, un système hybride.
7/ Les règles d'orthographe des nombres.
Parce que notre système hybride mélangeant le décimal et le vicésimal ne suffisait pas, nos nombres ont un tas de règles un peu compliquées. Par exemple, on écrit :
Cent
Deux cents
Deux cent trois
Deux cent quatre-vingts
Deux cent quatre-vingt-deux.
De même, alors que cent prend un s au pluriel (sauf s'il est suivi d'un nombre, vous suivez), mille se paye le luxe d'être invariable, et ne prend donc jamais de s.
8/ L'accord du participe passé.
On se souvient tous de la règle que l'on nous a répétée tout au long de notre scolarité : le participe passé s'accorde toujours en genre et en nombre avec le sujet en présence de l'auxiliaire être. Exemple : Il est tombé. Elle est tombée. Ils sont tombés. Elles sont tombées.
On se souvient aussi (pour la plupart), que le participe passé ne s'accorde jamais en présence de l'auxiliaire avoir, sauf si le C.O.D. est placé avant l'auxiliaire. Exemple : "Tu as lu les livres que je t'ai prêtés ?" (Ici, le premier participe, lu, n'est pas accordé, parce que le C.O.D., les livres que je t'ai prêtés, est placé après l'auxiliaire, et le second participe, prêtés, prend un s, puisque le C.O.D., les livres, est placé avant l'auxiliaire avoir. Vous suivez ?)
Bon. Maintenant, et si on vous disait que le participe passé des verbes pronominaux (donc avec l'auxiliaire être) s'accordent exactement de la même façon que les participes passés avec l'auxiliaire avoir ? Par exemple : "Elle s'est lavée." ; "Elle s'est lavé les mains." Elle s'est lavé quoi ? Les mains. Le C.O.D. est placé après l'auxiliaire, donc je n'accorde pas.
Mais les choses se compliquent quand on prend en compte que certains participes passés de verbes pronominaux sont invariables, et ne s'accordent donc pas : se plaire, se complaire, se sourire, se succéder, se ressembler, se nuire... Tout simplement parce que ce sont des verbes qui n'admettent pas de C.O.D., et uniquement des C.O.I. Qui a dit que le français était une facile ?
9/ Ces expressions qui ne veulent rien dire.
Et oui, si chacun comprendra le sens d'expressions telles que "Donner de la confiture à des cochons" ou "Noyer le poisson", d'autres expressions sont plus difficiles à comprendre, pour qui est attaché à une certaine forme de logique. Par exemple, l'expression "Avoir des yeux de lynx" pour évoquer une "excellente vue". Problème : les lynx ont une mauvaise vue. Nous nous trompons avec cette expression. L'expression originale, c'est "Avoir des yeux de Lyncée", ce dernier étant un personnage de la mythologie grecque connu pour avoir une si bonne vue qu'il pouvait voir les cieux, le brouillard ou même un mur.
À l'inverse, on peine à comprendre des mots-composés et des expressions, qui en vérité ont plus de sens qu'il n'y paraît. Ainsi, le mot chauve-souris pour désigner l'animal totem de Batman. Comment ça c'est une souris chauve ? Et bien non, chauve-souris vient du latin calvas sorices, qui signifie "chouette souris".
10/ Une conjugaison affreusement complexe.
C'est un secret pour personne, mais le français a une conjugaison extrêmement complexe, à l'instar des langues romanes (c'est à dire, les langues héritées du latin). Ainsi, en français, on a 23 temps verbaux : l'infinitif présent (manger), l'infinitif passé (avoir mangé), le présent de l'indicatif (je mange, nous mangeons), le passé composé (j'ai mangé, nous avons mangé), l'imparfait (je mangeais, nous mangions), le plus-que-parfait (j'avais mangé, nous avions mangé), le passé simple (je mangeai, nous mangeâmes), le passé antérieur (j'eus mangé, nous eûmes mangé), le futur simple (je mangerai, nous mangerons), le futur antérieur (j'aurai mangé, nous aurons mangé), le présent du subjonctif (que je mange, que nous mangions), le subjonctif passé (que j'aie mangé, que nous ayons mangé), l'imparfait du subjonctif (que je mangeasse, que nous mangeassions), le plus-que-parfait du subjonctif (que j'eusse mangé, que nous eussions mangé), le conditionnel présent (je mangerais, nous mangerions), le conditionnel passé premier ordre (j'aurais mangé, nous aurions mangé), le conditionnel passé second ordre (j'eusse mangé, nous eussions mangé), l'impératif présent (mange, mangeons), l'impératif passé (aie mangé, ayons mangé), le participe présent (mangeant), le participe passé (mangé), le gérondif présent (en mangeant), le gérondif passé (en ayant mangé).
À cela, alors que les français eux-mêmes ne connaissent pas tous l'intégralité des temps et des modes verbaux, il faut ajouter la concordance des temps, véritable calvaire que la plupart ignore tout simplement. Quand on prend en considération que certaines langues, dont le mandarin, parlé par plus d'un milliard de locuteurs, ne possèdent pas de conjugaison, on se dit que la langue française doit être un véritable chemin de croix pour ceux qui tentent de l'apprendre. Et on comprend pourquoi l'anglais, qui possède une conjugaison bien plus simplifiée, est beaucoup plus appréciée...
11/ Les adjectifs de couleur.
Depuis que nous sommes en primaire, on sait qu'on accorde l'adjectif en genre (féminin, masculin) et en nombre (singulier, pluriel) avec le nom auquel il se rapporte. Par exemple : un petit garçon, une petite fille, les petits oiseaux. Les couleurs existant sous la forme d'adjectifs, on se dit que c'est facile de les accorder : un chat blanc, une oie blanche, une jument noire, une souris grise. Bien, très bien. Sauf que non : certaines couleurs ne s'accordent pas, et sont invariables. Ce sont les adjectifs de couleurs dérivés de noms, tels que marron, orange, argent, indigo ou turquoise. Ainsi, on n'écrit pas : "J'ai mis des chaussettes oranges.", mais "J'ai mis des chaussettes orange." On n'écrit pas : "Il a yeux marrons." mais "Il a les yeux marron."
Mais comme la langue française ADORE les exceptions, il existe des adjectifs de couleurs dérivés de nom qui s'accordent : violet, mauve, rose et pourpre. Par exemple : "Elle a mis des chaussettes roses et violettes." Ah, et il faut également noter que les adjectifs de couleurs composés sont, quant à eux, invariables. Par exemple : bleu-vert, rouge-brun, etc.