En devenant président du Rassemblement national ce samedi, Jordan Bardella a dit sa fierté de travailler "pour" Marine Le Pen et sa volonté de suivre sa ligne politique. "Je dois" à l'ex-présidente du parti "ce que je suis", a-t-il assuré à la tribune lors de son discours d'intronisation. Mais Jordan Bardella et Marine Le Pen, est-ce vraiment la même chose ?
Bien sûr, le jeune président du parti est arrivé là grâce au soutien de la fille de Jean-Marie Le Pen. Et la garde rapprochée et historique de la députée du Pas-de-Calais voit d'un mauvais œil l'ascension de l'eurodéputé de 27 ans, qu'ils pensent avancer masqué, avec des ambitions pour l'élection présidentielle de 2027. Ils craignent également qu'il puisse mettre à mal la stratégie de dédiabolisation mise en place par Marine Le Pen.
La ligne de Marine Le Pen est la seule qui prévaut au sein du parti depuis de nombreuses années. Et si les différences entre les deux existent, elles se révèlent minces. Les détracteurs de Jordan Bardella l'accusent d'être moins social, plus identitaire, d'avoir plus d'amis issus de cette mouvance. En interne, la garde rapprochée de Marine Le Pen dénonce notamment la proximité de Jordan Bardella avec les "identitaires" proches d'Eric Zemmour.
"Les électeurs d'Eric Zemmour sont des patriotes sincères, on partage l'essentiel, on peut se battre sur des questions de court terme, de moyen terme, mais on partage le souci de la disparition de notre pays", déclarait Jordan Bardella il y a quelques mois, confortant ces derniers dans le fait que des passerelles pourraient être trouvées entre les deux partis pour construire la grande droite qu'Eric Zemmour appelle de ses vœux. Toutefois, il ne manque pas d'afficher des désaccords, par exemple récemment sur l'usage du terme "francocide".
Jordan Bardella a écrit :
Le grand remplacement pointe une réalité qui est juste.
Dans son vocabulaire, Jordan Bardella est sûrement moins frileux que Marine Le Pen, même si comme la députée, il met le paquet sur l'immigration. Samedi, il n'a pas manqué d'adresser un clin d'œil à sa frange droite en fustigeant "une France qui voudrait faire de l'identité un gros mot". Il y a quelques mois, contrairement à sa prédécesseuse, il a repris à son compte la théorie complotiste du "grand remplacement". "Je n'aime pas ce mot de grand remplacement parce que je trouve qu'il n'est pas clair, c'est un slogan très intellectuel mais il pointe une réalité qui est juste", déclarait-il sur BFMTV. "Je n'utilise pas l'expression grand remplacement, souvent connotée, mais je reconnais la juste réalité qu'elle décrit. Je l'ai vécue et je la vois chaque jour", estimait-il dans "Valeurs actuelles".
Symbole de ses propriétés, Jordan Bardella avait prévu de nommer le député Grégoire de Fournas, sanctionné par l'Assemblée nationale pour ses propos racistes prononcés mercredi dernier, porte-parole du mouvement. À l'occasion de cet incident, il a été démontré que l'immigration, et plus particulièrement l'immigration africaine, étaient des thèmes qui hantaient le parlementaire.
Très peu de temps après son élection à la tête du parti samedi, Steeve Briois a publiquement mis en garde contre "un rabougrissement" du parti, désormais sensible à "des positions droitardes". Le maire d'Hénin-Beaumont, avec Bruno Bilde, autre proche de Marine Le Pen, a été évincé de la nouvelle instance exécutive du parti. Signal d'une nouvelle ère et d'une prise de pouvoir de Jordan Bardella ? Marine Le Pen devrait continuer d'assurer le leadership du parti depuis la présidence du groupe RN à l'Assemblée nationale.