Capitain Albator
Depuis la création de Blockbusters, pas une semaine ne se passe sans que Frédérick Sigrist ne reçoive des messages d'auditeurs lui demandant : "À quand Albator ?" C'est chose faite ! A cette occasion, il honore la mémoire du capitaine corsaire et de son créateur, récemment disparu, Leiji Matsumoto.
Avec
Julien Pirou Journaliste, rôliste et auteur
Matthieu Pinon Journaliste spécialisé en pop-culture japonaise, rédacteur en chef du magazine Otaku manga et auteur du livre “Manga que d'histoire !” aux éditions Larousse.
Jérôme Alquié auteur, dessinateur et coloriste
Générique. Des planètes, l'univers, des navettes qui explosent puis un énorme vaisseau spatial qui passe dans un écran de télévision trop petit. Apparaît alors un homme, drapé de sa cape noire et cheveux au vent, une cicatrice sur la joue, "le voilà, Albator".
Dessin animé mythique de 1980 de gamins désormais quadra, il marqua la fin des années 70 de son empreinte. Il sera de retour en 1984 pour de nouvelles aventures, avec un générique peut-être moins réussi diront certains fans, mais dont le vaisseau a encore plus de classe, toujours plus sombre avec sa proue en tête de mort.
Même si on ne se rappelle plus très bien du nom de ses compagnons, le petit avec les grandes lunettes à la barre, et sa copine la blonde, (sa copine ou pas d'ailleurs ?), le nom du vaisseau L'Arcadia ? Des noms se sont effacés des mémoires, mais on se souvient toutes et tous du capitaine corsaire et de sa silhouette.
Et de l'ouverture de chaque épisode, la mythique chanson d'Albator 1978 composée et chantée pas non par Stone mais Barbelivien et Charden. On se remémore ses ennemis, des soldats terriens et les Sylvidres, femmes extraterrestres longilignes et filiformes qui se consument dans des flammes bleues quand on les tue.
On se souvient également du vaisseau pirate à qui il faut tout un générique de fin pour voir le pouvoir le découvrir en entier, aéronef majestueux après lequel court une fillette pleine d'espoir.
Albator, incompris sur Terre et dans l'espace
L'historie d'Albator est celle d'un incompris, tel un lanceur d'alertes des années 2000. On peut d'ailleurs trouver plusieurs échos avec nos sociétés contemporaines. Rappelons le pitch des aventures de 1978.
Les mystérieuses Sylvidres qu'il combat sont celles qui ont créé la Terre dans l'idée d'une planète de secours, une résidence secondaire le jour où la maison brûle. Seulement, entre-temps, l'humanité est apparue, et est devenue flemmarde à souhait après avoir conquis l'espace sans grand effort, abreuvé d'un programme télévisuel vidant le cerveau et fidèle à un gouvernement planétaire absent. Entre-temps (bis), la planète des dites Sylvidres a disparu, elles se reportent donc sur la Terre, comme prévu. La grand emajorityé des Terriens se disent que tout ira bien et continue de manger des chips dans le canapé.
Un seul d'entre eux se rebelle, aletret de l'attaque
imminente des Sylvidres et prend les armes contre elles. Cela lui vaut quelques soucis avec le pouvoir en place qui lui ne voit rien d'autre qu'un urluberlu et associe sa rébellion à de la piraterie.
En résumé, une sombre histoire de Terriens à sauver, protéger ou combattre selon les moments ; un peu compliqué, mais rudement intriguant, tellement qu'on s'accrochait à chaque épisode.
Leiji Matsumoto, créateur de Harokku, dit Albator
La jeunesse de France, époque Giscard puis Mitterrand, connaît notre héros sous le nom d'Albator, mais son patronyme originel japonais est Harokku, Harlock en anglais. Leiji Matsumoto, son créateur, entend le mot Harokku pour la première fois dans un cinéma lorsqu'il est ado.
Il devient dessinateur à 16 ans, puis plus aguerrit, il le glisse dans ses histoires comme une sorte de second rôle, pas encore un héros, mais un personnage se cherchant qui passe dans les histoires. Matsumoto mûrissant, Harokku prend de l'étoffe, de l'épaisseur, devient sombre et plus adulte comme son créateur. Matsumoto a dessiné Sexaroide en 1968, un peu plus adulte donc.
Harokku sera héros de son propre manga en 77, dérivent ensuite une série télé en 1978 puis 1984, un film en 1982 puis un nouveau en 2013.
Ce dernier marque d'ailleurs le retour du héros à son identité des années 70s, un héros plus avec un côté sombre que protecteur de la veuve et de l'orphelin. Il y est question ici d'une Terre désertée car usée par l'Homme, puis de son retour après avoir usé les exoplanètes sen prenant soin de repousser ceux du fin fond de l'espace arrives trop tard. De nouveau, une seule personne prend conscience de ce qui se passe. Devinez qui ? Lui-même.
Albator et l'enjeu de la filiation
L'Albator de la série télé de 1980 est un héros défenseur des pauvres et de l'orphelin, courageux, sans un profil de gros musclé pour autant, une sorte d'homme de la pampa rude mais courtois, avec un côté sombre tout de même.
"Le pavillon noir est son drapeau" et son premier vaisseau s'appelait le Death Shadow. Il est évidemment tout cela, mais avec un truc en plus, il n'est ni Actarus, ni le capitaine Flam, bien que ce denier soit un peu sombre également, à réfléchir adossé à son vaisseau ; mais c'est une autre histoire, celle-ci "au fin fond de l'univers à des années et des années-lumière de la Terre" apprend dans la redoutable cavalcade disco annonçant le générique.
Albator est différent donc, il y a une histoire de filiation chez Albator, sa relation avec chacun des personnages est particulière, il prend d'ailleurs dès le premier épisode un ado sous son aile. On découvrira au fil des épisodes l'histoire de chacun et chacune, la présence de la féminité est très paradoxale ici, avec bien souvent l'absence, sinon la disparition de parents en fil rouge.
La transmission du père est importante pour lui. Fils de pilote d'avion, lui a transmis un regard très désabusé sur la guerre. Il est un soldat atypique qui pense que la guerre ne peut que vous transformer en monstre. Il partit à 40 ans passés au combat, après avoir fondé une famille. "Quand tu tires sur un ennemi, c'est une femme qui est endeuillée". Il reviendra un peu avec une honte d'être revenu lui vivant, mais pas ses frères d'armes.
Toutes ces notions et ces images sont dans Albator : l'aéronautique, la guerre, la filiation, le tribut à payer par les perdants.
On apprend aussi dans l'émission que Matsumoto n'était pas emballé sinon vexé par la bande-son de la version française.
Julien Pirou : journaliste, rôliste, concepteur de jeux de rôle et de jeux vidéo et auteur. Il a notamment écrit un livre, hommage à Leiji Matsumoto : "Par-delà la boucle du temps" aux éditions Ynnis.
Matthieu Pinon : rédacteur en chef d'Otaku-Manga.fr, un magazine sur la culture manga destiné aux ados. Il écrit également pour Coyote Mag ou AnimeLand... Il est co-auteur de "Histoire du manga moderne" avec Laurent Lefebvre, et de "Un siècle d'animation japonaise" avec Philippe Bunel, aux éditions Ynnis, et auteur de "Manga, que d'histoires..." aux éditions Larousse.
Jérôme Alquié : auteur, dessinateur et coloriste de la bande dessinée "Capitaine Albator", éditée aux éditions Kana, incollable sur l'univers créé par Matsumoto, travaille aussi sur les univers de "Saint Seiya (les chevaliers du zodiaque)" dont le tome 2 sort en septembre.
À l'abordage !