Des « textiles » chez les « culs nus » ? Un nombre croissant de centres naturistes tolèrent les vacanciers habillés. Entre pudibonderie galopante et appétits immobiliers, certains puristes craignent la disparition de leur petit paradis. Comme au centre Euronat, dans le Médoc.
En cette fin de mois d'août, alors que la France suffoque pour cause de canicule, une brise légère rafraîchit les corps nus étendus sur la plage de Montalivet (« Monta », pour les intimes). Nous sommes en Gironde, au cœur du Médoc, une région connue pour son vignoble, ses pins maritimes... et ses centres naturistes.
Ici, se balader dans le plus simple appareil fait partie de la culture locale : c'est à Montalivet que naît, dans les années 1950, le tout premier centre naturiste de France, le Centre héliomarin de Montalivet, ou CHM. « Body positivisme » (ce mouvement social qui prône l'acceptation de tous les corps), frugalité, reconnexion à l'environnement : la pratique est aujourd'hui parfaitement alignée avec les obsessions de l'époque. « Le regard a évolué grâce, notamment, à des campagnes de communication et à des initiatives originales, comme les visites nu de musées dans les grandes villes », explique Viviane Tiar, présidente de la Fédération française de naturisme (FFN).
Avec ses quelque 150 centres et campings naturistes et ses 2,5 millions de pratiquants, la France reste la destination numéro un du genre, attirant, chaque année, Allemands, Néerlandais et Britanniques. Après des années de ringardise, le naturisme, qui avait connu son âge d'or dans les années 1960, séduit désormais les jeunes générations. Selon la FFN, l'âge moyen du pratiquant serait d'environ 40 ans, quand il y a dix ans il était encore supérieur à 50 ans.
Longtemps dévoyée façon « les nuits chaudes du Cap d'Agde », la « philosophie » naturiste se fraie un chemin dans les pages lifestyle des magazines féminins et en librairie, à équidistance du bien-être et du développement personnel (voir le récent livre de Margaux Cassan Vivre nu, Grasset, 216 pages, 19 euros). Alors, malgré toutes ces bonnes nouvelles, pourquoi y a-t-il comme une bise d'inquiétude qui souffle ce jour-là sur la plage de « Monta », angoisse perceptible lorsqu'on discute avec les pratiquants qui évoquent tous l'« affaire » ?
A Euronat, à 6 kilomètres à peine de là, les esprits s'échauffent depuis quelques mois. Avec son domaine forestier de 335 hectares, son camping quatre étoiles et ses bungalows en bois, ce centre ouvert en 1975 est le plus grand d'Europe. Ici plus qu'ailleurs, l'utopie naturiste semble battre son plein. Pas un smartphone à l'horizon, nous sommes en zone blanche et les photos sont interdites.
Des petites routes qui slaloment entre les pins et les arbousiers, desservant des quartiers qui répondent aux doux noms de « Village Asie » ou « Village Océanie ». Mais derrière l'apparente quiétude des lieux, les vacanciers (en Crocs ou en Birkenstock, c'est selon) se demandent si ce petit paradis ne serait pas en sursis : et si c'était le dernier été des « culs nus » à Euronat ? Aude, 75 ans, professeure à la retraite, ne décolère pas : « La maire de la commune veut faire fermer le centre parce qu'elle ne supporte pas les naturistes ! »