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Le C219 chinois est il une copie de l'Airbus A380 ?


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28 Décembre 2018. Sur le tarmac de l'aéroport de Shanghai Pudong, He Dongfeng retient son souffle. Le patron de COMAC attend que son nouveau modèle, le C219, se pose sur la piste.

Soudain, l'avion apparaît à l'horizon. Le train d'atterrissage sort, la trajectoire s'abaisse et l'aéronef se pose en douceur. La tension redescend au milieu d'une foule d'ingénieurs enthousiasmés. He le sait : la marche est encore longue mais le message est fort. Derrière son succès personnel, c'est une ambition nationale qui est en passe de se réaliser : celle de développer une filière d'aviation civile chinoise autonome. Une filière surtout capable de détrôner le duopole Airbus-Boeing qui règne en maître sur ce marché depuis des décennies.

Pourtant, de nombreuses voix occidentales s'interrogent sur les similitudes troublantes de l'appareil avec celui de ses rivaux européens et américains. Le C219, un avion « Made in the West » ?

L'avionneur COMAC naît en 2008 à Shanghai. Détenu par l'état Chinois, le groupe est dirigé depuis 2017 par He Dongfeng, un ingénieur aéronautique secrétaire du PCC. Dès sa prise de fonction, il déclare : « Nous avons toujours (...) mis en œuvre de manière approfondie l'esprit des principales instructions et orientations du secrétaire général Xi Jinping sur la carrière des avions de ligne, (...) nous avons entamé un nouveau voyage pour l'industrie chinoise des avions de ligne, qui doit passer de la faiblesse à la force »1. L'intention est claire.

Commercial mais politique avant tout, le projet de l'avionneur s'inscrit dans une ambition nationale plus large, celle de faire de la Chine une super puissance technologique mondiale. Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation de la Recherche Stratégique, résume : « En 2019, dans le dernier Livre blanc sur la Défense, il est explicitement écrit que la Chine fait face à un risque de retard technologique, ce qui lui pose un véritable problème ». Dans ce rattrapage technologique amorcé, tous les moyens deviennent alors bons pour permettre à l'aviation civile chinoise de prendre son envol.

Un effort coordonné prend place entre l'entreprise et l'état. Un corps uni au bras droit commercial et au bras gauche armé. La marche vers le développement technologique se déroulera autour du triptyque « développer-copier-voler ». Développer ses propres technologies au moyen d'investissements massifs dans la recherche et développement, reproduire les méthodes de production implantées dans les centres de production des avionneurs occidentaux en Chine continentale et enfin ramener, derrière la muraille, les technologies les plus avancées des centres de développement européens et américains. La stratégie à l'encontre des concurrents étrangers est donc à double face.

Une première approche licite et traditionnelle s'appuie sur la compréhension, l'adaptation et l'amélioration des processus industriels. L'accès au marché chinois représente un enjeu stratégique pour les avionneurs occidentaux avec des commandes estimées pour les prochaines années à 8400 appareils neufs, soit 20% de la demande prévisionnelle mondiale à horizon 2030. Afin de s'attribuer des parts de marché, Airbus et Boeing augmentent leurs capacités de production en Chine continentale.

L'avantage commercial est certain, les risques de transferts de compétence et de technologie tout autant. Si le débat entre négligence ou choix stratégique pesé demeure, une seconde démarche illicite se révèle. Cette dernière s'enracine dans l'adoption de moyens polymorphes coordonnés pour capter des technologies de manière illégale. Ces techniques ne sont pas nouvelles.

Au début des années 2000, un Airbus A320 vendu à la Chine disparaît des radars. L'ancien directeur du renseignement de la DGSE Alain Juillet commente : « L'avion disparu a été démonté dans un hangar près de Pékin. Cela a permis à la Chine de savoir comment Airbus avait construit son avion». Dans les années d'études du C219, la concordance des temps est troublante. En aviation comme en physique, rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

Les méthodes d'espionnage, elles aussi, changent de forme mais pas d'intensité. En prenant l'exemple des moteurs Leap-X du C219, l'entreprise américaine de cybersécurité Crowdstrike a pu révéler, dans un rapport de 2019, l'ampleur de ces phénomènes. En 2009, COMAC signe un accord pour la motorisation du C219 avec CFM, une joint-venture entre l'Américain General Electric et le Français Safran.

Or depuis 2010, ces groupes et leurs fournisseurs deviennent régulièrement la cible de cyberattaques sophistiquées. Les enquêteurs de Crowdstrike pointent du doigt le groupe de pirates Turbine Panda, étroitement lié au ministère de la Sécurité d'État. Les hackers chinois auraient utilisé des logiciels malveillants tels que Sakula pour accéder aux serveurs privés des entreprises. Au renseignement technique novateur s'adjoignent des techniques de renseignement humain plus classiques (recrutement d'informateurs, agents infiltrés, etc.).

En 2013, l'agent chinois Tian Xi infiltré dans les bureaux de Safran à Nankin introduit un malware au moyen d'une clé USB. Lorsqu'il est détecté quelques mois plus tard, le responsable des infrastructures et de la sécurité Gu Gen se retrouve chargé de l'enquête. Retournement, ce dernier, qui travaille aussi pour les SR chinois, a tôt fait d'avertir les pirates qui aussitôt effacent leurs traces. Une pièce de plus dans un dossier où COMAC appuyé par les SR chinois a su « mettre en place un système reposant sur des transferts de technologie forcés, des joint-ventures, des vols physiques de propriété intellectuelle et des cyber-attaques d'envergure ».

Peu étonnant donc de constater des similitudes frappantes entre le Leap-X et le moteur CJ-1000AX en cours de développement. Une mission en voie de réussite qui « aura dans tous les cas permis, selon CrowdStrike, d'éviter des années et potentiellement des milliards de dollar de R&D ».

Du côté occidental, les avis se veulent pourtant rassurants. Une fermeture du marché chinois aux occidentaux entraînerait des mesures de rétorsion immédiates. Des barrières liées aux mesures de régulation et de sécurité demeurent. Au mieux, COMAC n'est qu'une menace de long terme. Les difficultés techniques et les coûts importants rendent une commercialisation globale et compétitive encore assez improbable.

De plus, le C219 est toujours loin de l'indépendance par rapport aux technologies occidentales qui le composent toujours à près de 40%. Dans un climat d'intensification des tensions géopolitiques, ces dernières deviennent de plus en plus difficiles à obtenir. Une raison de plus pour pousser la filière publique-privée chinoise à des intrusions illicites et pour affirmer que la guerre des airs passe encore souvent sous les radars.