Alors que le marché international des sous-marins à propulsion conventionnelle est en pleine ébullition, l'industriel Naval Group espère pouvoir décrocher une bonne part du gâteau.
Naval Group est en compétition dans de nombreux pays pour décrocher de juteux contrats, alors que la demande de submersibles explose dans un contexte international tendu.
Les sous-marins, c'est tendance ! Dans un contexte international plus que tendu, tout le monde semble vouloir sa flotte de submersibles. De nombreuses nations ont, en effet, l'intention de se doter, à court et moyen terme, d'une puissance sous-marine, ticket gagnant pour entrer dans un cercle jusqu'ici plutôt restreint.
De nombreux appels d'offres sont donc en cours ou à venir, à travers le monde. Des marchés potentiels qui aiguisent les appétits des principaux chantiers navals dont Naval Group. Dans cette compétition mondialisée, l'industriel français, particulièrement offensif, ne manque pas d'arguments.
Bien que discret sur ses intentions, il avance ses pions avec, dans sa besace, deux modèles phares : le Scorpène Evolved et le Barracuda, version propulsion conventionnelle.
Caractéristiques
Si la technologie nucléaire est dédiée à la Marine française, Naval Group propose une offre à l'export basée sur deux modèles : le Scorpène et le Barracuda. Deux bateaux à propulsion conventionnelle dont les caractéristiques peuvent être adaptées selon les besoins et les demandes du client. À titre d'exemple, le Shortfin Barracuda prévu pour l'Australie mesurait 97 m, à comparer avec les 82 m du Blacksword Barracuda commandé par les Pays-Bas.
Barracuda (Pays-Bas)
Longueur : 82 m
Diamètre : 8,2 m
Équipage : 35
Déplacement (surface) : 3 000 tonnes
Propulsion : diesel-électrique (batteries lithium-ion)
Scorpène Evolved
Longueur : 72 m
Profondeur de plongée : > 300 m
Autonomie : > 78 jours
Équipage : 31
Déplacement (surface) : 2 000 tonnes
Propulsion : diesel-électrique (batteries lithium-ion)
1. C'est fait
Après l'échec cuisant du contrat australien en septembre 2021, Naval Group a eu du mal à relever la tête. La fin prématurée de ce juteux marché était évidemment un mauvais signal pour ses ambitions à l'export. Il a donc fallu redorer le blason de l'entreprise et envisager de nouveaux horizons.
Ce fut le cas avec l'Indonésie pour une négociation qui a abouti en avril 2024. Jakarta a ainsi commandé deux sous-marins Scorpène Evolved qui seront construits localement au sein du chantier naval PT PAL, grâce à un transfert de savoir-faire et de technologie.
C'est un nouveau succès à l'export pour ce modèle qui a déjà séduit quatre pays (Chili, Malaisie, Brésil et Inde), pour quatorze unités vendues au total. Et selon toute vraisemblance, ce ne devrait pas être le dernier.
2. C'est dans la poche
C'était le marché qu'il ne fallait pas rater en 2024. Les Pays-Bas renouvelaient, en effet, leur flotte vieillissante de classe Walrus avec la commande de quatre sous-marins expéditionnaires et ont finalement choisi le projet français. Naval Group va ainsi construire quatre submersibles de type Barracuda (à propulsion conventionnelle), en coopération avec l'industrie néerlandaise mais en grande partie sur son site de Cherbourg (Manche).
Cependant, tout n'a pas été simple pour décrocher ce contrat estimé à 2,5 milliards d'euros officiellement mais entre 4 et 6 milliards selon le journal De Telegraaf. Régulièrement critiqué par les concurrents de l'industriel français (NDLR : le tandem composé du suédois Saab et du néerlandais Damen ainsi que l'allemand Thyssenkrupp Marine Systems), celui-ci a dû passer par la case « Parlement » mais aussi « justice ». Avec deux issues positives.
La dernière en date, le 24 juillet (NDLR : le tribunal de La Haye a donné raison à l'État néerlandais face à TKMS), a ainsi ouvert en grand la voie à une signature qui doit intervenir « après l'été », selon le ministère de la Défense néerlandais. Inutile de dire que cette victoire dans cette âpre compétition est une aubaine pour l'industriel français.
Après les douze exemplaires promis à l'Australie, avant d'être annulés, c'est la première fois que Naval Group parvient à vendre son concept de sous-marin Barracuda. Une sacrée publicité en pleine « guerre » commerciale mondiale !
3. C'est en bonne voie
Avec les milliards en jeu et les intermédiaires qui gravitent autour, les contrats d'armement se font et se défont en un clin d'œil. Les promesses du jour ne sont pas les assurances du lendemain. C'est pourquoi, il faut toujours être prudent. N'empêche, certains signaux ne mentent pas. Naval Group serait ainsi sur le point de finaliser une vente de trois Scorpène en Inde.
Ce n'est pas vraiment une surprise puisque l'industriel français travaille main dans la main avec New Delhi depuis de nombreuses années. Le journal Economic Times évoque ainsi « des pourparlers très avancés et une possible prochaine signature » pour trois unités construites, en six ans, par les chantiers navals Mazagon Dock Shipbuilders Limited (MDL), « pour la somme de 3,9 milliards d'euros ».
Ces trois bâtiments intégreront la classe Kalvari mais seront plus grands et plus sophistiqués que les six navires de la même classe que l'Inde est en train d'acquérir depuis 2005, via un premier contrat avec son associé français. Ce dernier proposerait, en effet, d'équiper la Marine indienne de Scorpène Evolved.
4. C'est dans les tuyaux
Dans cette catégorie, ça va envoyer du lourd ! L'annonce officielle par le Canada, à la mi-juillet, de son intention d'acquérir douze sous-marins à propulsion conventionnelle, afin de remplacer ses quatre bâtiments vieillissants de classe Victoria, a donné le coup d'envoi d'une large et intense compétition internationale.
Plus grosse commande mondiale pour les prochaines années, ce marché, estimé entre 20 et 30 milliards de dollars pour la conception des submersibles, est devenu l'objectif de bon nombre de chantiers navals. Naval Group en sera évidemment. Et avec un statut de favori selon certains spécialistes.
Malgré sa discrétion, l'industriel français compte bien avancer ses pions afin de séduire Ottawa face à cinq autres candidats affichés : Saab Kockums (Suède), Navantia (Espagne), TKMS (Allemagne), Hanwha Ocean (Corée du Sud) et Kawasaki (Japon). Pour décrocher la timbale, les Frenchies peuvent s'appuyer sur deux modèles qui ont déjà fait leur preuve : le Scorpène et plus sûrement le Barracuda. Ainsi que sur des expériences de transfert de technologies réussies, comme en Inde et au Brésil.
Si le Canada est donc sa cible prioritaire lors des prochains mois, Naval Group ne manque cependant pas de fers au feu. Compte tenu des tractations secrètes, la liste est même non exhaustive. Pour les pistes les plus brûlantes, on peut évoquer les Philippines où l'industriel français a ouvert un bureau depuis fin 2020 et pourrait permettre à Manille de se doter de ses premiers sous-marins.
En Europe, les ambitions de la Roumanie, de la Pologne et de la Grèce pourraient également coïncider avec les offres de Naval Group. En Amérique du Sud, des nations comme le Chili, l'Argentine ou le Pérou auraient des prétentions sous-marines. Enfin, en Afrique, c'est en Égypte que les rumeurs sont les plus pressantes.
Quoi qu'il en soit, toutes ces spéculations sont conditionnées par le nerf de la guerre : les finances. Malgré leurs ambitions et leur volonté de compter sur l'échiquier sous-marin, tous ces pays sont contraints par leurs capacités budgétaires. Et à un tel niveau de coûts, celles-ci peuvent être parfois rédhibitoires.
Vous l'aurez compris, les opportunités ne manquent pas pour Naval Group aux quatre coins du globe. Mais, combien au final se concrétiseront ? De même, l'industriel parviendra-t-il à mener tous ces chantiers de front, notamment à Cherbourg où il faudra absorber un nouveau plan de charge et jongler avec un site de plus en plus exigu ? Réponses (peut-être) dans les prochains mois.