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Tetris : l'histoire d'un jeu vidéo digne d'un roman d'espionnage


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Si depuis son lancement, Tetris s'est écoulé à 560 millions d'exemplaires, son histoire est inversement complexe à sa simplicité d'utilisation. Sur fond de guerre froide mêlant KGB, investisseurs douteux et éditeurs occidentaux, Tetris a une vie rocambolesque.


En 1984, Alexeï Pajitnov est ingénieur à l'académie des sciences de Moscou. Spécialiste du langage, il développe, sur de vieux ordinateurs, des outils d'enregistrement et de traduction, utilisés par le KGB. Sur son temps libre, il s'amuse au bureau à créer des choses sur ses archaïques machines. Avec deux collègues, Alexeï étudie le code informatique d'un des seuls jeux vidéo à avoir passé le rideau de fer : Pacman. Ensemble, les trois compères rêvent de fabriquer des jeux vendus dans le monde entier. Un soir, Pajitnov repense à un son jeu d'enfance préféré, le pentomino : des blocs de 5 cubes aux formes différentes qu'il faut emboîter pour former un rectangle.

L'ingénieur décide de le simplifier en utilisant des tétrominos, code le tout, et lui donne pour nom Tetris, en lien avec son sport préféré le tennis. Alexeï présente sa création à ses collègues qui deviennent très rapidement accrocs. Monter une entreprise individuelle étant interdit en Russie, l'académie des sciences le commercialise au nom de l'État Russe. Le jeu est déployé en Pologne et en Hongrie. Grâce à cela, un businessman anglais, Robert Stein tombe dessus et rêve d'acquérir les droits. Ce dernier contacte donc Alexeï Pajitno mais celui-ci ne peut rien décider seul, Tetris appartenant au Kremlin. Après plusieurs semaines de tractations, l'entrepreneur reçoit un fax pour le moins vague, indiquant qu'un accord est possible.
Le fax de la discorde

Robert Stein ne perd pas de temps et vend Tétris à l'éditeur Mirrorsoft et à son partenaire américain HoloByte. Aux États-Unis, le marketing du jeu est axé sur la Russie. Sur la boîte, le nom est écrit en Russe, avec pour slogan “le Challenge soviétique”. Tetris, commercialisé sur les ordinateurs IBM, est un succès immédiat avec 100 000 ventes en quelques mois aux États-Unis. Le jeu est tellement addictif que les journalistes se demandent si ce n'est pas une tactique des Russes pour réduire la productivité des Américains.

Face au triomphe du jeu, les éditeurs veulent l'adapter sur consoles mais c'est là que l'histoire se corse. Les Russes accusent Robert Stein d'avoir vendu illégalement les droits du jeu, sans contrat, en se basant uniquement sur un fax. Après plusieurs mois de discussions, un accord est signé avec les autorités russes et les droits de Tetris sont cédés pour les ordinateurs.

La bataille pourrait s'arrêter là, elle ne fait pourtant que commencer. Lorsque Henk Rogers, développeur de jeux vidéo, découvre Tetris, il souhaite absolument récupérer les droits pour la Game Boy, que Nintendo s'apprête à dévoiler. Pourtant, lorsqu'il souhaite les acheter, il découvre que les droits n'appartiennent toujours à personne.

Le récit se poursuit à Moscou, sous la surveillance de plusieurs gouvernements et du KGB

Si Nintendo a gagné beaucoup d'argent avec Tetris c'est grâce à Henk Rodgers, l'homme qui s'est battu pour en récupérer les droits auprès des russes au temps de la guerre froide.

En 1988 au CES de Las Vegas, Henk Rodgers, un développeur de jeu vidéo qui travaille pour Nintendo, découvre Tetris. Pour lui, il n'y a pas de doute, ce jeu doit servir à la firme japonaise. Il se rapproche donc d'HoloByte, l'éditeur américain, qui le renvoie vers Mirrorsoft, l'éditeur anglais, qui est à l'origine des accords passés avec l'Etat russe, détenteur du jeu. C'est là, que l'histoire dérape. Les anglais, sans en avoir parlé, ont déjà cédé la licence Tetris pour les consoles à Atari.

Henk Rodgers se rapproche donc de l'entreprise et parvient à récupérer les droits pour Nintendo contre 300 000 dollars. C'est un véritable succès au Japon où le jeu bat des records de vente. Face à ce succès, Henk est missionné pour récupérer les droits d'édition de Tetris pour les consoles portables. Dans un premier temps, il prend contact avec Robert Stein, l'homme qui a négocié avec les officiels russes, mais face à ses réponses évasives, il décide de négocier directement avec les Russes.
Un contrat douteux

Dans un premier temps, les pourparlers ne se passent pas bien, les Russes l'accusant de vendre illégalement les droits du jeu, ne respectant ainsi pas l'accord signé avec Robert Stein. Cependant, le développeur demande à voir ce contrat et, scandalisé, explique aux Russes qu'ils se sont fait avoir. L'accord n'est pas équitable et l'État russe ne touche que 0,1% des ventes. Il explique donc aux Soviétiques le principe de la vente des droits et leur propose un deal avec Nintendo bien plus lucratif, qui est accepté.

Si Nintendo a gagné, tous les éditeurs ont, un jour ou l'autre, aussi encaissé de l'argent. Le seul pour qui cela a mis du temps, c'est Alexeï Pajitnov, l'ingénieur russe inventeur du jeu. Interdit de monter une entreprise sous la domination soviétique, son destin a changé à la chute de l'URSS. En 1991, Henk Rogers l'a aidé à s'installer aux États-Unis et, ensemble, ils ont monté une société pour gérer les droits de Tetris.