La Cour d'appel de Paris a ordonné le blocage de quatre sites pornographiques accusés de rien mettre en oeuvre pour protéger l'accès à leurs contenus aux mineurs. Une première victoire pour les associations de protection de l'enfance et qui pourrait s'étendre aux leaders du secteur.
C'est une grande victoire pour « La voix de l'enfant » et « E-enfance », deux associations qui mènent depuis de nombreuses années ce combat contre l'absence de contrôle des éditeurs porno qui ne font rien pour limiter l'accès des mineurs à leurs contenus, vous le savez un simple clic déclaratif suffit. Quatre sites basés à l'extérieur de l'Union européenne, Tukif, Mrsexe, Iciporno et Xhamster (4e site du genre le plus consulté en France) ne pourront plus être accessibles sous une dizaine de jours et ils reviendront dans le cyber espace quand ils auront mis en place un système fiable de vérification d'âge. Cette décision historique a été prononcée par la Cour d'appel de Paris qui a défendu l'intérêt supérieur de l'enfant.
Pour vous donner une petite idée de l'exposition des jeunes au porno en France, 2,3 millions de mineurs visitent chaque mois des sites, et 62% des jeunes ont vu leur première image pornographique avant 15 ans. Ces contenus peuvent être particulièrement traumatisants et altèrent les représentations du corps et de la sexualité. Surtout quand le porno est la première rencontre des mineurs avec la sexualité, nous savons que ce sujet, par nature tabou, est trop souvent absent des discussions familiales et l'éducation sexuelle est loin d'être systématique.
L'enjeu est fort, et normalement une loi est déjà en place, celle sur les violences conjugales entrée en vigueur en 2020 mais les éditeurs ont toujours réussi à gagner du temps et à jouer sur les flous persistants. Jusqu'ici ils s'abritaient derrière une problématique technique, aucune solution de vérification d'âge ne semblaient satisfaisantes.
Mais il y a quelques jours, l'Arcom, l'autorité de régulation a publié un protocole qui fait foi. Les éditeurs doivent répondre a quelques obligations, les outils de vérification doivent êtres gérés par un prestataire indépendant et non les sites eux mêmes, ils doivent veiller à ce que les documents remis ne soient pas truqués ou falsifiés, ce qui peut être un jeu d'enfant pour les mineurs connectés et enfin la solution doit être en double anonymat, cela veut dire que l'intermédiaire sollicité ( opérateur téléphonique, banque, etc) ne doit pas savoir que son client consulte un site pornographique et le site porno ne doit pas pouvoir connaître l'identité de son visiteur.
Pourquoi Youporn ou Pornhub ne sont pas concernés par l'interdiction ?
Alors qu'ils sont 'également poursuivis par les mêmes associations, les leaders du secteur comme Youporn ou Pornhub se réfugient derrière l'Europe, les quatre sites que je vous ai cité en introduction sont tous basés en dehors de l'union mais les autres sont installés à Chypre et en République Tchèque, ils avancent qu'une telle décision entraverait le principe de libre circulation des services de l'information qui prévaut dans l'UE. Ils tentent également de jouer une autre carte en affirmant que le droit national des pays hébergeurs doit supplanter la loi française.
La décision est maintenant entre les mains de la Cour de justice de l'union européenne, la décision française pourrait l'encourager à suivre le même chemin et selon les experts juridiques, la demande de blocage à de bonnes chances d'aboutir, ce qui serait un changement déterminant de l'accès et des usages de la pornographie en ligne.