Les élections américaines en cinq films et cinq épisodes de série : la fiction dépasse-t-elle la réalité ?
La course à la Maison-Blanche est une source d'inspiration inépuisable pour la fiction. De Travolta, en politique éclaboussé par un scandale de mœurs, jusqu'à des affiches électorales “Trump/Poutine”, les frontières entre réel et imaginaire sont poreuses... La preuve par dix.
« Les Marches du pouvoir » (2011) de et avec George Clooney.
Qui de Donald Trump ou de Kamala Harris va emporter la présidence des Etats-Unis ? Les sondages sont tellement serrés qu'aucun commentateur sérieux ne se risque à un pronostic définitif. Cette élection captive au-delà de ses frontières, tant nous sommes conscients qu'avaler la pilule rouge ou la pilule bleue n'ouvre pas les mêmes perspectives d'avenir pour l'équilibre du monde. La tension dramatique de cette séquence politique, qui revient tous les quatre ans, infuse depuis longtemps les œuvres de fiction. À la veille d'une élection présidentielle américaine cruciale, incertaine et périlleuse comme jamais, pourquoi ne pas tromper l'anxieuse attente en (re) voyant quelques films et séries, dans les coulisses des campagnes politiques d'hier ? Sélection de dix « candidatures » pour mieux comprendre les enjeux d'aujourd'hui.
FILMS
« Primary Colors » (1998) de Mike Nichols avec John Travolta Universal Pictures
“Primary Colors”, de Mike Nichols (1998)
Une fiction ? À peine. Sorti en 1998, en pleine affaire Monica Lewinsky - du nom de la jeune femme qui eut une liaison avec le président Clinton -, ce film « à clé » grinçant suit un « double » de l'homme politique (John Travolta), empêtré dans un scandale similaire pendant les primaires du parti démocrate. Où l'on constate qu'en vingt-six ans les temps ont bien changé, et qu'il est désormais possible, pour l'ex-président-candidat d'aujourd'hui, de soudoyer une actrice porno, d'accumuler les outrances ou d'être condamné au pénal sans perdre ni morgue, ni sommeil, ni popularité. On n'arrête pas le progrès.
“Dead Zone”, de David Cronenberg (1983)
Lors de sa rencontre avec un futur candidat à la présidence des États-Unis, le héros de ce thriller fantastique captivant (Christopher Walken) a brusquement une vision de l'avenir : l'homme est un dangereux autocrate mégalomane, qui, une fois élu, va mener le pays - voire le monde entier - à la catastrophe. Une histoire de prémonition qui résonne étrangement aujourd'hui avec la figure populiste et les outrances de Donald Trump. Comme si, dans son roman écrit en 1979, dont ce film est l'adaptation, Stephen King, aussi « voyant » que son personnage, avait cauchemardé notre présent.
“The War Room”, de Chris Hegedus et Donn Alan Pennebaker (1993)
Des primaires démocrates à la longue nuit des élections, en passant par le traditionnel et sacro-saint débat entre candidats, ce palpitant documentaire nous plonge au cœur de la course de Bill Clinton vers la victoire contre George Bush (senior) et son premier mandat. Aux côtés des conseillers-stratèges du futur président, James Carville et George Stephanopoulos, ce film - à l'époque très novateur, autant dans sa forme que dans l'immersion totale qu'il propose - nous ouvre comme jamais les coulisses d'une grande aventure politique.
“L'Enjeu”, de Frank Capra (1948)
Le film date de la fin des années 1940, mais la question demeure : le président des États-Unis risque-t-il d'être l'homme de paille de puissants groupes d'influence ? Difficile de ne pas penser, devant l'un de ces contes politiques idéalistes dont Frank Capra avait le secret (voir et revoir Monsieur Smith au Sénat), aux « enjeux » d'aujourd'hui, du lobby des énergies fossiles à celui des armes, entre autres. Dans le film, le candidat républicain à la présidence (Spencer Tracy) finit par se libérer des « multinationales » qui cherchent à le manipuler, quitte à renoncer au pouvoir. Idéaliste, on vous dit.
“Les Marches du pouvoir”, de George Clooney (2011)
George Clooney - en gouverneur progressiste briguant la présidence - et Ryan Gosling, dans le rôle de son jeune conseiller intègre, font campagne ensemble pour remporter les primaires dans l'Ohio. Ils découvrent peu à peu qu'il est bien difficile de gagner sans se salir les mains. Un film qui n'épargne rien, ni personne : compromissions, mensonges, cynisme, manipulations machiavéliques et autres pièges crapoteux, dans une vision très pessimiste du jeu politique à l'américaine. À revoir, pour vérifier dans les prochains jours si la réalité dépasse la fiction.
Une sélection de Cécile Mury
ÉPISODES DE SÉRIES
Homer Simpson dans l'isoloir en 2020 (saison 32, épisode 4) Fox
“Les Simpson” - “Horror Show XXXI” (saison 32, épisode 4)
Chaque saison, Matt Groening et ses équipes imaginent un épisode spécial pour Halloween. Diffusé le 1ᵉʳ novembre 2020, seulement deux jours avant l'élection présidentielle, ce « horror show » s'ouvre sur un plan des rues de Springfield où s'affichent des pancartes « Trump / Poutine », comme si le président russe était le futur vice-président du candidat républicain. « La démocratie prend fin dans huit heures », annonce un compte à rebours à l'entrée du bureau de vote où se rend Homer. Quand il entre dans l'isoloir, une liste interminable des méfaits de Trump défile à l'écran. La conclusion de cette introduction est explicite : Homer, réfugié sur le toit de sa maison, armé jusqu'aux dents, en pleine guerre civile dans un décor apocalyptique. Une vision que certains redoutent de voir se concrétiser au lendemain du 5 novembre...
“À la Maison-Blanche” - “Election Night” (saison 4, épisode 7)
Jed Bartlet, président le plus célèbre de l'histoire des séries américaines (Martin Sheen), a été au pouvoir pendant deux mandats. La réélection de ce démocrate se déroule au mitan de la quatrième saison de la série d'Aaron Sorkin. L'épisode multiplie les allers-retours entre les bureaux de vote et la Maison-Blanche. Il critique ouvertement l'opacité des bulletins de vote de l'époque, où il fallait poinçonner une liste de noms et de partis. Intimiste, avare en écrans de télévision - les résultats arrivent par téléphone -, il ne devient plus solennel que lors du discours final de Bartlet, accompagné par la chute des fameux ballons bleus, blancs, rouges.
Disponible en DVD uniquement
“Veep” - “Election Night” (saison 4, épisode 10)
Le titre est le même que celui de l'épisode d'À la Maison-Blanche, mais la tonalité de la satire d'Armando Iannucci est nettement plus ironique. Selina Meyer, ex-vice-présidente (« veep »), tente de se faire élire dans « l'élection présidentielle la plus serrée de l'histoire ». Les « too close to call » (« le résultat est trop serré pour déclarer un vainqueur ») s'enchaînent, il y a des soucis dans le Wisconsin, « swing state » majeur, on passe du plateau de CNN à la suite d'hôtel où Selina ronge ses ongles et lâche : « Si je perds, je perds en gagnante » - une réplique qu'elle aurait pu emprunter à Donald Trump. Les « ballons de la victoire », cette fois-ci, resteront au placard.
Disponible sur Max
“Succession” - “L'Amérique décide” (saison 4, épisode 8)
Le Wisconsin est à nouveau au cœur d'une nuit agitée. On ne quitte pas les locaux d'ATN, la chaîne d'info en continu de la famille Roy, magnats des médias aux ego malades. La fratrie se déchire pour savoir quel candidat servira au mieux leurs intérêts. Les citoyens ? Il n'en est jamais question. Tout n'est que cynisme, calculs et tentatives de manipulation de l'information plus ou moins éhontés. L'épisode est là aussi hanté par le spectre de Trump. « Si je perds, je veux que ça sonne comme une grande victoire », ordonne Jeryd Mencken (Justin Kirk), candidat républicain réactionnaire...
Disponible sur Max
“Treme” - “Yes We Can” (saison 4, épisode 1)
En s'appuyant sur de nombreuses images d'archives, David Simon (The Wire) reconstitue la journée de l'élection de Barack Obama, le 4 novembre 2008, dans une Nouvelle-Orléans encore meurtrie par l'ouragan Katrina. La séquence, accompagnée par le standard de Sam Cooke A Change Is Gonna Come (« Un changement arrive »), capte l'empressement des citoyens à aller voter, les longues files d'attente, mais souligne aussi le peu d'impact de la Louisiane sur le résultat national. Elle se referme sur le discours d'Obama à la télévision, et cette réplique d'un des personnages principaux de la série, Noir, à sa jeune fille : « C'est lui le président, mon bébé, et il te ressemble. »
Disponible sur Max
Une sélection de Pierre Langlais