Le côté obscur des aurores polaires.
Une manifestation expliquée par la science il y a quelques années, mais qui n'a pas encore livré tous ses secrets.
Alors que certaines ont été observées en France au printemps, vous êtes certainement familiers du concept des aurores polaires (appelées «boréales» dans l'hémisphère nord). Mais connaissez-vous leur antithèse, les aurores noires? Ces taches sombres peuvent traverser les aurores classiques et les balafrer de grandes vagues sombres. Il s'agit en fait d'une absence totale d'activité aurorale, une «anti-aurore» en plein milieu des voiles lumineux colorées des aurores boréales ou australes. Le média en ligne britannique IFLScience revient sur ce phénomène mystérieux, généré par la rencontre de puissantes forces cosmiques et terrestres.
Les anneaux sombres et les taches noires des aurores noires naissent en fait dans des conditions totalement opposées à celles des aurores polaires classiques. Ces dernières apparaissent dans le ciel nocturne lorsque le Soleil éjecte des particules chargées qui viennent percuter le champ magnétique de la Terre. En interagissant avec les gaz présents dans l'ionosphère (la couche supérieure de l'atmosphère terrestre), elles émettent de la lumière, livrant ainsi un spectacle multicolore chatoyant.
Généralement, les aurores boréales ou australes ne sont observables que près des pôles, même si une activité solaire intense, comme ce fut le cas ces derniers mois, nous a permis d'en être témoins à d'autres latitudes, plus fréquemment autour des équinoxes de mars et de septembre.
Des poupées russes aurorales.
En décembre 2001, la revue scientifique Nature publiait une étude basée sur les données relevées par un satellite de la mission Cluster, lancée l'année précédente par l'Agence spatiale européenne et chargée d'étudier la magnétosphère terrestre et les interactions avec les vents solaires. Les recherches ont conclu que si les aurores polaires classiques se produisaient dans des parties de l'ionosphère au potentiel électrique négatif, attirant les électrons, les aurores noires se formaient, elles, dans des zones avec relativement peu de particules chargées négativement.
«Dans ces “trous”, il existe des structures de potentiel électrique chargées positivement, qui repoussent les électrons de l'ionosphère vers l'espace, au lieu d'attirer les électrons entrants. Ainsi, au lieu de lumières colorées, nous voyons simplement d'étranges taches obscures», expose ainsi IFLScience. Göran Marklund, coauteur de l'étude de 2001 et chercheur au laboratoire Alfvén de l'Institut royal de technologie de Suède, résumait ainsi le phénomène à l'époque: «En réalité, l'aurore noire n'est pas une aurore du tout. C'est une absence d'activité aurorale dans une région où les électrons sont “aspirés” de l'ionosphère.»
Deux décennies plus tard, en janvier 2021, une autre étude parue dans le revue Scientific Reports est venue creuser un peu le phénomène. Figurez-vous qu'au sein des aurores polaires classiques se cachent donc des «anti-aurores», mais qu'au sein de ces dernières se cachent... des «aurores antinoires». Ça commence à devenir vraiment intéressant. Il s'agit en fait de minuscules fragments de lumière, très voyants, que l'on retrouve dans 10% des aurores noires environ.
«Une tache ou un segment d'arc d'une luminosité accrue, nettement plus brillante que l'arrière-plan diffus, que nous appelons “l'aurore antinoire”, peut apparaître à côté de l'aurore noire, écrivent des astrophysiciens basés en Afrique du Sud, au Royaume-Uni et en Norvège. “L'aurore antinoire” a une forme et une taille similaires et se déplace toujours parallèlement à l'aurore noire à la dérive, bien qu'elle puisse soudainement changer de côté sans raison apparente.» Un phénomène nouveau qui demandera, lui aussi, de plus amples recherches.