
Alors qu'une pétition demandant l'interdiction de l'aspartame en Europe vient d'être lancée par trois associations, dont la Ligue contre le cancer, on fait le point sur les édulcorants, les différents substituts du sucre.
Dans les chewing-gums, sodas, yaourts ou sous forme de « sucrettes » pour mettre dans le café, depuis plus de trente ans, les édulcorants promettent de satisfaire notre appétence pour le sucre, sans que l'on ait à se soucier des calories ! Parmi eux, des composants divers et variés, à commencer par la famille des édulcorants de charge (pouvoir sucrant proche de celui du sucre) : le sorbitol (repérable sous la mention E420), le mannitol (E421), l'isomalt (E953) ou le xylitol (E967). Citons bien sûr l'aspartame (E951), le sucralose (E955), la saccharine (E954) et l'acésulfame de potassium (E950), qui, eux, sont des édulcorants intenses de synthèse au pouvoir sucrant très élevé (il en faut très peu). La stévia est quant à elle un édulcorant dit naturel, extrait d'une plante d'Amérique du Sud.
Ils entretiennent notre appétence au sucre.
Tous ces substituts au sucre sont plébiscités pour leur apport énergétique limité (en moyenne 2 kcal/100 g contre 400 kcal pour le sucre de table), voire quasi nul pour les édulcorants intenses. Ces derniers ont aussi un pouvoir sucrant important : deux cents fois celui du sucre de table en ce qui concerne l'aspartame ! « Une dose infime suffit à apporter une saveur prononcée. Pour cette raison, les édulcorants intenses sont très utilisés dans les produits light ou allégés », explique le Dr Pierre Nys, endocrinologue et nutritionniste.
Revers de la médaille : « Ils entretiennent inlassablement notre addiction au sucre et peuvent inciter à en consommer davantage », note Aline Mougenot, diététicienne-nutritionniste. Or, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas dépasser 25 g de sucre ajouté par jour (en dehors des fruits), soit l'équivalent de cinq morceaux de sucre, pour rester en bonne santé. « Aujourd'hui, l'objectif est clairement de réduire progressivement notre appétence pour le goût sucré. Pour cela il faut “rééduquer” nos papilles, ce que ne permettent pas les édulcorants, quels qu'ils soient », souligne Aline Mougenot. Et le Dr Nys d'abonder : « Même pour les personnes diabétiques, la consommation d'édulcorants n'est plus forcément vue comme une bonne alternative au sucre raffiné. »
Ils ne font pas perdre de poids.
Ces sucrants sans calorie ne concourent, à long terme, ni à la réduction de la graisse corporelle ni au contrôle du poids. Telle est la conclusion d'un rapport rendu l'an dernier par l'OMS. Dès 2017, une méta-analyse canadienne menée sur 400 000 personnes montrait que la consommation de stévia, d'aspartame ou de sucralose augmentait le risque de surpoids et d'obésité. En effet, les édulcorants inciteraient à manger plus. « Ils trompent le cerveau, qui perçoit le goût sucré mais cherche les calories manquantes, ce qui aboutit à une augmentation de la prise alimentaire », explique le Dr Nys.
De plus, même à faible dose, la prise d'édulcorants intenses entraînerait une moindre production des hormones digestives GLP-1 (glucagon-like peptide-1), à l'effet coupe-faim. Et, contrairement à la consommation de saccharose (sucre de table), elle ne réduirait pas la production de ghréline par l'estomac, l'hormone qui stimule l'appétit. « La prise d'édulcorants n'active pas non plus la sécrétion du peptide YY au niveau du cerveau, qui contribue à la satiété », ajoute l'endocrinologue. Et pourrait ainsi favoriser une prise de poids... Autre inconvénient sur le plan digestif : « Les polyols peuvent provoquer gaz, ballonnements et diarrhées pour les intestins les plus fragiles », ajoute Aline Mougenot.
La stévia trompe son monde.
Cet ingrédient, classé parmi les édulcorants naturels, est pourtant bien plus industriel qu'on ne l'imagine. « La stévia est considérée comme un produit ultra-transformé. En effet, les glycosides de stéviol, les molécules sucrantes extraites de la plante, ne représentent, selon les marques, qu'une infime partie du produit et peuvent être associées à d'autres édulcorants de synthèse, voire du sucre pour masquer son goût de réglisse qui ne fait pas forcément l'unanimité », met en garde Aline Mougenot. Vous recherchez une stévia vraiment naturelle ? Regardez bien la composition : le produit (en poudre) doit être de couleur verte et 100 % pur. La diététicienne conseille plutôt de se tourner vers une consommation raisonnée de miel ou de sirop d'érable, dont les index glycémiques restent modérés (autour de 55 contre 68 pour le sucre blanc).
Ils provoqueraient des problèmes de santé.
Le rapport de l'OMS pointe un risque accru de diabète de type 2, de maladies cardiovasculaires et de mortalité chez les adultes. En 2016, des chercheurs suédois avaient démontré que boire deux canettes de boissons sucrées light par jour multiplie par 2,4 le risque de diabète de type 2. Publiés en 2022, les résultats portant sur plus de 100 000 internautes volontaires issus de la cohorte épidémiologique NutriNet-Santé ne sont pas plus rassurants.
« La consommation d'aspartame est associée à une augmentation du risque d'accidents vasculaires cérébraux et d'accidents ischémiques transitoires, tandis que celle d'acésulfame de potassium et de sucralose est corrélée à un risque de maladie coronarienne telle que l'infarctus du myocarde ou l'angine de poitrine », détaille Mélanie Deschasaux-Tanguy, chercheuse en épidémiologie nutritionnelle. Mais les mécanismes d'action expliquant ces effets délétères ne sont pas connus. Dernièrement, c'était au tour du xylitol d'être désigné, dans une étude américaine, comme facteur favorisant la formation de caillots sanguins.
D'autres travaux au sein de la cohorte NutriNet-Santé révèlent un lien entre consommation d'édulcorants courants (aspartame et acésulfame-K) et risque accru de cancer. En 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a même classé l'aspartame comme cancérigène possible pour l'homme. Et, bien que ces méfaits aient été observés à une quantité inférieure à celle recommandée, qui est de 40 mg/kg de poids corporel par jour, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) ne prévoit pas de revoir à la baisse cette dose quotidienne admissible.
Et bientôt...
Le « fruit de moine » (monk fruit en anglais) pourrait concurrencer la stévia. Ce petit fruit originaire d'Asie intéresse les industriels pour son pouvoir sucrant, trois cents fois supérieur à celui du sucre, et son faible index glycémique. Il n'est pour l'instant commercialisé qu'aux Etats-Unis dans des boissons, jus de fruits et glaces « zéro calorie ». Autre édulcorant naturel, l'allulose, présent dans la figue, le raisin ou le kiwi, qui n'apporte que 0,4 kcal pour 1 g et n'a pas d'impact sur la glycémie. Gros avantage : son goût très proche de celui du sucre blanc. Autorisé aux Etats-Unis, au Japon ou en Corée du Sud, cet additif alimentaire est interdit en Europe, faute de recul suffisant.