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Permis de conduire : visite médicale obligatoire, test d'aptitude... entre vieillir ou conduire...


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Permis de conduire : visite médicale obligatoire, test d'aptitude... entre vieillir ou conduire, faudra-t-il bientôt choisir ?

L'objet de la proposition de loi sur le permis de conduire vise à renforcer la prévention des accidents de la route en instituant des visites médicales à intervalles réguliers, qui ne sont pas pour déplaire. Le projet est porté par l'athlète paralympique Pauline Deroulède mais des voix s'élèvent contre un texte jugé liberticide, face à un supposé péril jeune... ou vieux.

Remettre en cause le permis de conduire, sans que cela soit lié à une quelconque infraction. Voilà qui secoue la sphère des automobilistes, toujours plus nombreuse, mais aussi toujours plus âgée. C'est précisément ce que prévoit la proposition de loi déposée mardi dernier par Frédéric Valletoux, ancien ministre de la santé et par une centaine de députés, parmi lesquels François Hollande ou Eric Woerth.

Le texte propose d'imposer un examen médical obligatoire avant l'obtention du permis de conduire, puis tous les quinze ans et même tous les cinq ans à partir de 70 ans, pour conserver son droit à conduire. Les critères relatifs à la visite médicale seront vérifiés par un médecin généraliste ou un médecin agréé. Seul l'avis de ce dernier pourra entraîner la suspension par un représentant de l'État.

"Une double attaque au permis"

L'arrêté du 28 mars 2022, "insuffisamment connu par les médecins" fixe déjà la liste des pathologies nécessitant un contrôle médical, mais elle est jugée "insuffisante pour prévenir des risques plus larges". Certains en parlent comme d'une "double attaque au permis" car l'Union Européenne de son côté, est sur le point d'homogénéiser la réglementation relative au permis de conduire en introduisant des normes communes à tous les États membres, via un permis de conduire numérique. Les Etats ont 4 ans pour établir leur calendrier.

Chez 40 millions d'automobilistes, où l'on se mobilise à travers la pétition "touche pas à mon permis", on s'oppose fermement à la mesure. "Ce titre est bien plus qu'un document administratif : il est un outil indispensable pour se déplacer, aller travailler, voir sa famille, et tout simplement vivre librement". À ceux qui mélangent "permis" et "droit", il est rappelé que le droit de conduire est soumis à l'obligation d'en posséder pleinement les capacités. Initiée par Pauline Deroulède, triple championne de France de tennis fauteuil, cette loi, si elle était adoptée, signerait ainsi la fin du permis à vie.
60 % de la population se prononce "pour"

Plus de 14 pays européens disposent de dispositifs médicaux relatifs à la conduite, dont l'Espagne, le Portugal, les Pays‑Bas ou encore l'Italie. "La France est ainsi l'un des rares pays européens à ne pas exiger de contrôle médical périodique pour ses conducteurs alors que 60 % de la population soutiendrait cette mesure", assure Pauline Deroulède, qui en a dessiné les contours.

Une récente enquête Ipsos pour Vinci Autoroutes, menée auprès de 1000 personnes de plus de 65 ans, montre toutefois que "51 % d'entre eux ne sont pas favorables à l'éventualité d'un contrôle médical pouvant déboucher sur une interdiction de conduire, 33 % seraient d'accord pour en bénéficier et 16 % ne sont pas opposés à une telle mesure mais ne souhaitent pas qu'elle s'applique à eux". "Je n'oppose pas les jeunes aux seniors. J'en ai assez d'entendre cette critique, et c'est contre-productif, s'agace l'athlète. Quelqu'un qui conduit sous l'emprise de stupéfiants ou d'alcool est en infraction, quelqu'un n'a plus les capacités médicales est en inaptitude, et dans ce dernier cas, il y a un vide."
Le soutien de Teddy Riner ou d'Antoine Dupont

"Une proposition de loi pour rendre obligatoire une visite médicale, c'est encore une directive de l'UE, s'insurge un internaute. C'est interdire aux anciens de vivre dans les villages ! Ne tombons pas dans le panneau !"

À 27 ans, en 2018, Pauline Deroulède, qui n'est pas encore joueuse professionnelle, est victime d'un accident. Sa jambe gauche est arrachée dans le choc. L'enquête suggère un malaise ou une confusion de pédales de la part du conducteur nonagénaire, qui décédera trois ans après. Le procès n'aura jamais lieu. "Après dix mois d'hospitalisation, des dizaines d'interventions", elle milite pour un projet de loi qui consisterait à passer des contrôles d'aptitude à la conduite, "dès les premières leçons de conduite avec un contrôle accru après 70 ans".

Celui-ci doit encore être débattu dans l'hémicycle début juin avec peut-être le soutien de personnalités comme Teddy Riner, Antoine Dupont ou Laurent Delahousse, "mais d'ici là, on continue le lobbying à l'assemblée, tout en travaillant à une plateforme qui recenserait des solutions mobilités pour les plus isolés, car le territoire doit se réinventer pour les personnes qui ne pourraient plus conduire".

"Pas de suraccendatilité chez les plus de 70 ans"

Nicolas Gou, président de la ligue contre la violence routière dans l'Hérault, estime que "l'évaluation médicale est pertinente surtout pour les jeunes conducteurs qui peuvent avoir un comportement accidentogène." Les conducteurs de plus de 70 ans n'ont pas une suraccidentalité notable, "car ils adaptent leur conduite à leurs capacités, moins de conduite de nuit en cas de myopie, trajets plus courts, vitesse réduite, etc.". Leur prudence leur permet ainsi d'atteindre un risque d'accident comparable à la moyenne générale. "De plus, pour beaucoup, notamment en milieu rural, la voiture reste essentielle pour éviter l'isolement".

Pour les seniors concernés, il ne faudrait pas confondre vieillissement et pathologie : "Je trouve ça normal, à partir d'un certain âge on peut avoir des problèmes d'étourdissements, de baisse de vigilance", admet cette conductrice à la retraite. "Peut-être à 80 ans, mais à 70 ans non ! On est encore en forme", indique une septuagénaire, qui a délégué son pouvoir de conductrice, à son compagnon "depuis des années !" Avec l'âge, certaines facultés se dégradent. À partir de 70 ans, tester la vue, l'audition, les réflexes, mais au-delà de ça, l'équilibre, la force motrice sont nécessaires, sachant que certains médicaments peuvent aussi interférer avec la conduite.
"L'âgisme est une discrimination forte", selon le gériatre Bruno Oquendo

Que pensez-vous du projet de loi ?

C'est une loi intéressante. Le test dit "de l'horloge" (TDH) ou le Codex sont très intéressants car ils permettent d'évaluer en moins de trois minutes les fonctions cognitives des sujets âgés et de dépister certains troubles. Et cela permet d'enclencher d'autres tests, d'aller plus loin, le cas échéant. Il semble que des tests psychotechniques soient envisagés. Il faut aussi s'occuper des troubles sensoriels. Trop de personnes qui en souffrent ne sont pas traitées.

L'inaptitude pour certains actes de la vie quotidienne des plus âgées est-elle ignorée ?

L'inaptitude est banalisée. Des symptômes, des pathologies apparaissent, comme la dépression, un état général qui se dégrade, on dit que c'est "normal" alors qu'il existe des prises en charge. C'est un peu triste, car ce sont des personnes qui ont eu une vie pleine et que l'on dévalorise en prenant de l'âge. L'âgisme est une discrimination très forte et elle mérite que l'on s'y arrête, dans le volet santé notamment. Il ne s'agit pas de stigmatiser, attention.

Le retrait du permis, n'est-ce pas une décision difficile pour un médecin ?

En effet, c'est un pouvoir qui peut être lourd à porter. Avoir son permis quand on est jeune, c'est une autonomie qui commence et d'autant plus quand on est âgé et que l'on vit à la campagne. Il faut donc améliorer les mobilités. Retirer le permis, c'est retirer une autonomie. En tant que proche ou médecin, ce n'est pas la bonne approche pour en parler. Il faut y venir par les pathologies, dans une conversation, expliquer que l'état peut être dangereux. En parler d'abord pour le bien du patient, comme une aide, comme une continuité, une logique. Aujourd'hui, par exemple, celui qui boit, ne conduit pas. Une presbytie, une perte d'audition se corrigent. Ce n'est pas toujours un couperet.

"Mes parents vieillissent" (éditions Vuibert) par le Docteur Bruno Oquendo, gériatre à l'unité de gériatrie aiguë à orientation neuropsychologique du CHU de la Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix, à Paris.