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Depuis 1998, la Nike Air Max Plus, premier modèle de la série Tn, a vécu de nombreuses vies. La basket préférée des quartiers est devenue une icône de la mode.
C'est une trajectoire fascinante, celle d'une paire de baskets taillée pour les ados, dont l'allure iconique va l'emmener dans les quartiers, sur les parquets de NBA, au pied du meilleur joueur de foot de sa génération, à ceux des mannequins les plus cools de la décennie 2020, et même générer un fétichisme dans une sous-culture gay. Et qui s'écoulera à près d'1,5 million de paires en une seule année, celle de son lancement.
1998. La Nike Air Max Plus débarque dans les boutiques Foot Locker. Cette paire aurait pu être une énième mouture de la série Air Max, mais de sa silhouette particulière, une empeigne bleu azur striée de vaguelettes en plastique noir et barrée d'un petit swoosh jaune, va découler une histoire différente. Elle est posée sur une semelle noire gonflée de plusieurs bulles d'air colorées, réhaussée d'un nuage blanc et bleu au niveau du milieu de la semelle.
Un succès immédiat.
Sur son talon, un « Tn » pour « Tuned Air », un nouveau système d'amorti. Le design est tranché, agressif, et ne ressemble à rien de ce qui existe à l'époque sur le marché. Pourtant, le styliste à l'origine de ce dessin, Sean McDowell, un nouveau venu chez Nike à l'époque, s'est inspiré des paysages de Floride, des ciels pour les dégradés des coloris originaux, d'une queue de baleine pour la plaque intermédiaire, ou encore des palmiers battus par le vent pour les striures.
La légende raconte que pour tester le potentiel de la paire auprès du public jeune visé par Foot Locker, avec qui elle a été développée et chez qui elle allait être distribuée en exclusivité, elle a été placée en vitrine à l'heure des sorties de classes. Succès immédiat.
Quelques mois plus tard, la paire était donc en boutique et se vendait comme des petits pains, malgré un prix élevé. « 800 francs, la plus chère du magasin », remet Clems, spécialiste de sneakers et chroniqueur du podcast Elle est bonne sa paire, qui se souvient du choc esthétique ressenti la première fois qu'il l'a croisée dans le RER, au pied d'un vingtenaire en costume.
La porter devient un signe ostentatoire de réussite.
Rapidement, le modèle pensé comme une chaussure de running s'émancipe de la route tracée par la marque et le revendeur, notamment en France, où elle devient la paire préférée des banlieusards et des rappeurs. Jamel Debbouze l'arbore avec ses ensembles Levi's. Dans la rue, en raison de son prix, la porter devient un signe ostentatoire de réussite.
Presque tout de suite, les Air Max Plus gagnent un surnom qui ne les quittera plus : les Requins, en référence à son design unique, au coloris bleu océan et aux striures-branchies. « Leur diffusion est un modèle d'influence avant même l'apparition des réseaux sociaux, autour des clips de raps et des gens qui comptent dans les quartiers », souligne la spécialiste des tendances Alexandra Jubé. La Requin est partout au début des années 2000.
« De par son design marqué, l'adopter portait une symbolique de rébellion », analyse Jubé. Elle permettait d'être vu. « Comme Stone Island pour les hooligans britanniques, elle devient un emblème mais aussi un stigmate de la banlieue et fait peur à certains », ajoute Clems. La Requin forme avec le survêtement Lacoste un autre attribut des banlieues avec qui elle est souvent associée, un tandem de choc désigné sous le vocable « Lacoste-Tn ».
L'histoire de cette basket est ponctuée de sursauts et de réappropriation. En 2003, par exemple, le meneur des Washington Wizards en NBA, Gilbert Arenas, joue deux matches de présaison avec la Air Max Plus Hyper Blue assortie à la tenue de son équipe. Qu'importe si le fantasque artilleur jouera plus tard en sneakers Dolce&Gabbana, la Requin ajoute une ligne à son CV.
La Requin est reconnaissable entre mille, mais elle est aussi un terrain de jeu pour la marque et Foot Locker, qui explorent le nuancier et multiplient les déclinaisons, en cuir ou monochromes. Autour des années 2010, le public de la Requin commence à s'élargir.
« La Requin n'était plus seulement la chaussure de la banlieue mais un élément de culture. »
« Une clientèle plus bourgeoise s'y intéresse », précise Clems. « Elle n'était plus seulement la chaussure de la banlieue mais un élément de culture », décrypte Alexandra Jubé. Le modèle devient même un véritable objet de culte pour une sous-culture gay fascinée par les gars de banlieue et leur style, qu'elle adopte à la ville et met en scène sur des blogs spécialisés.
En 2018, pour les vingt ans de la paire, elle connaît un énième regain de popularité. De nombreux rappeurs la citent dans leurs morceaux, de Rim'K à Ninho en passant par Koba LaD. Le rap et le hip-hop sont entretemps devenus le courant musical dominant et l'aspect anticonformiste de la Requin s'est adouci.
Nike célèbre l'anniversaire à coups de collaborations avec des designers émergents, comme Marine Serre, et de modèles monochromes au potentiel mode évident, comme celui imaginé avec Supreme en 2020.
« Une authenticité puissante. »
La Requin se retrouve aux pieds de Kylie Jenner mais aussi chez les styles les plus mode, loin des banlieues françaises où elle a gagné son surnom. Alexandra Jubé y voit également « une proximité esthétique avec les codes de l'outdoor » qui ont le vent en poupe dans la mode.
En 2024, l'univers de la Requin est repris par la marque à la virgule sur des crampons Mercurial portés par Kylian Mbappé et Vinicius Jr et inspire le design de la Kevin Durant 17.
« Aujourd'hui, les codes de la Requin sont plus actuels, plus acceptés, donc Nike s'en est servi pour relancer la gamme KD qui était dans le creux esthétiquement », juge Clems, qui ajoute : « Pendant ce temps-là, elle n'est jamais sortie du catalogue Foot Locker. »
Une longévité inédite sur trois décennies. « D'habitude, les marques organisent des cycles, et rendent les paires moins disponibles pour un temps », poursuit-il.
Malgré ses autres vies plus mode, et ces incartades dans d'autres sports, la Requin n'a jamais quitté le quartier. Alexandra Jubé raconte : « Aujourd'hui, si tu dis Lacoste-Tn à des jeunes de 16 ans, ils voient très bien de quoi on parle, le modèle est resté associé à un style, à une authenticité puissante. »
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