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Comment VLC peut-il avoir le droit de lire le Blu-ray sans enfreindre les mesures techniques de protection qui y sont implantées ? Comment contourner ses verrous sans être accusé de contrefaçon au regard de la loi DADVSI ? Comment distribuer VLC avec ces dispositifs sans poser de difficulté juridique aux utilisateurs ? L'association VideoLan a saisi voilà quelques semaines la Hadopi d'une demande d'avis crucial pour l'avenir de ce logiciel, mais également pour tout l'univers du libre.
DADVSI avait sacralisé le règne du DRM tout en confiant ces problématiques à l'ARMT, l'autorité de régulation des mesures techniques de protection. Hadopi a mis fin à l'ARMT, mais a récupéré l'intégralité de ses compétences. Comme l'a rapporté le Point, l'association VideoLAN s'est donc décidée à saisir la Hadopi pour avoir une explication de ce qu'elle a le droit de faire ou non. Un article du code de la propriété intellectuelle autorise un auteur en effet à saisir la Hadopi « pour avis (...) de toute question relative à l'interopérabilité des mesures techniques » (L331-36). L'article R331-74 précise que cet avis n'est pas secret et peut être rendu public par la Hadopi.
L'association VideoLAN, éditrice du logiciel libre VLC media player, a donc interrogé la Hadopi pour savoir comment marier un tel logiciel avec la lecture du Blu-Ray, alors que celui-ci est cadenassé par des mesures techniques de protection (MTP) ?
VLC media player, véritable couteau suisse libre de la lecture multimédia, peut en effet lire la plupart des formats audio et vidéo, quelle que soit la plateforme. Il intègre en son cœur une batterie de codecs qui permettent au logiciel de décoder ces formats à des fins d'interopérabilité. Des codecs glanés, étudiés et décompilés par les auteurs de VLC afin d'assurer donc la plus parfaite interopérabilité du logiciel quel que soit l'environnement ou les besoins de l'utilisateur. C'est d'ailleurs cette aptitude à tout lire partout qui a fait le succès de cette solution connue et reconnue mondialement chez les particuliers comme dans les plus grosses sociétés informatiques ou des loisirs.
L'étau des MTP.
Problème : les ayants droit ont saupoudré les supports de « MTP », les fameuses mesures techniques de protection. Il s'agit de cadenas technologiques qu'on retrouve combinés sur le Blu-ray notamment et qui permettent de contrôler l'usage de l'œuvre (lecture, enregistrement, diffusion).
Sur ce terrain, DADVSI souffle le chaud et le froid. La loi autorise d'une main l'interopérabilité, mais de l'autre punit le contournement des MTP. VideoLAN se retrouve donc dans un étau... mais un étau que desserre l'article L331-5 du CPI ! « Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en œuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur », dit le Code. Le Conseil d'État dans un arrêt April du 16 juillet 2008 a lui-même consacré la force de l'exception de décompilation aux fins d'interopérabilité. Si l'un des décrets DADVSI sanctionne en effet la simple détention de dispositifs « conçus ou spécialement adaptés » pour porter atteinte à une mesure technique de protection, le juge administratif a estimé que cette répression ne concernait pas l'exception de décompilation.
Les informations essentielles à l'interopérabilité.
VIdeoLAN compte bien ouvrir un peu plus cette brèche qui profitera également à tout l'univers du logiciel libre. En effet, le Code de la propriété intellectuelle (article L331-5 al.4 ) oblige « les fournisseurs de mesures techniques » à donner « l'accès aux informations essentielles à l'interopérabilité », en clair, la documentation technique et les interfaces de programmation. Il serait en effet trop facile d'autoriser l'interopérabilité sans contraindre le maitre du verrou à devoir rendre publics les petits secrets qu'il aurait préférés garder pour lui.
Mais un seau de grains de sable est jeté dans les pas de VideoLAN. Pour son Blu-ray, Sony a combiné plusieurs MTP et spécialement l'AACS ou Advanced Access Content System (AACS) et la machine virtuelle BD+.
Le Blu-ray et ses verrous logiciels.
Si les spécifications de l'AACS sont disponibles sur internet, VideoLAN ne dispose pas des « modalités de diffusion d'un logiciel libre implémentant AACS et les informations sur les clés de décryptage ». Quant à la machine virtuelle BD+, elle est bunkérisée. VideoLAN ne dispose pas non plus des informations essentielles à l'interopérabilité ni même des modalités de diffusion d'un logiciel libre implémentant BD+. Conclusion de VideoLAN : il y a un problème d'interopérabilité entre la MTP et VLC puisque l'association est privée des informations essentielles à l'interopérabilité, des modalités de diffusion et des infos sur les clés de décryptage.
L'association a donc confié le sujet dans les mains de la Hadopi, plus habituée à adresser des menaces pédagogiques qu'à développer son expertise juridique sur l'univers des MTP et ses angles morts.
De la diffusion du code source.
Le sujet est en effet bourré de trappes. Le Code de la propriété intellectuelle dit ainsi que le titulaire des droits sur la mesure technique peut interdire la publication du code source et de la documentation technique d'un logiciel indépendant et interopérant « s'il apporte la preuve que celle-ci aurait pour effet de porter gravement atteinte à la sécurité et à l'efficacité de ladite mesure » (art. 331-32 CPI). Les titulaires de la MTP sur le Blu-ray pourraient prétexter ces « atteintes graves » aux oreilles de Marie Françoise Marais pour demander l'interdiction de la diffusion du bout de code source au sein de VLC. Soit une hérésie pour les libristes !
Un stress test surprise pour l'Hadopi.
Cette saisie pour avis de la Hadopi va permettre à VideoLAN d'évaluer ses chances de succès pour une future procédure pleine et entière devant les titulaires des MTP. La procédure pour avis n'est en effet pas la seule à pouvoir être actionnée. C'est la voix douce. L'autre procédure, la « vraie », la dure, débute d'abord par une tentative de conciliation entre les parties puis, si elle échoue, par une vraie décision de la Hadopi qui doit motiver le rejet de la demande ou émettre « une injonction prescrivant, au besoin sous astreinte ». Même à l'encontre d'un géant comme Sony.
Jamais l'ARMT n'avait été saisie d'une telle procédure. Hadopi a promis de répondre à la fin du premier semestre. En attendant, elle peut considérer cette demande comme un véritable stress-test, une forte pression sur sa tempe alors que VLC est téléchargé chaque jour 950 000 fois.
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