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El Roslino
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La Joconde, de Léonard de Vinci est un tableau conservé au Louvre, peint sur panneau de bois de 77 centimètres de hauteur sur 53 centimètres de largeur, est le portrait de Mona ( = Madonna) Lisa, probablement femme de Francesco del Giocondo (1465-1528) citoyen de Florence.
Léonard de Vinci y travailla quatre années de suite, vers l'an 1500. François Ier l'acheta 12000 livres. Léonard de Vinci avait, dit Vasari, entouré son modèle de musiciens, de chanteurs et de bouffons, pour maintenir sur ses lèvres ce sourire qui a fait couler tant d'encre. Les études pour la Joconde ont dû être nombreuses.
Il n'en reste qu'un petit nombre, dont la principale est la sanguine de la bibliothèque de Windsor.
Quant au tableau, joyau inestimable du Louvre, il a moins souffert du temps que des restaurateurs. La couleur de son ciel a verdi; le visage, Jadis éblouissant de fraîcheur, a jauni sous le vernis, et certains détails, comme ceux des cils, ont disparu. Cette toile a inspiré des pages enthousiastes à Michelet, Théophile Gautier, Gustave Planche, à George Sand, etc. Les pages de Vasari sont peut-être aussi les plus simples et les plus éloquentes.
C'est sans doute vers la fin de l'année 1501 que la Napolitaine Monna (ou Mona) Lisa, fille d'Antonio di Noldo Gherardini, vint poser dans l'atelier du peintre.
Elle était, depuis 1591, mariée à un gentilhomme florentin, Francesco Zanobi del Giocondo, dont le nom, grâce à l'oeuvre de Léonard, allait devenir universellement célèbre. La Joconde ne devait pas encore avoir atteint la trentaine, quand les séances commencèrent; elles s'espacèrent pendant quatre ans.
Pour ne pas laisser gagner son modèle par l'ennui, on assure que Léonard, grand amateur de musique lui-même, lui faisait donner des concerts; en tout cas, il n'épargna rien pour parfaire la peinture
. Ainsi qu'il l'a noté dans ses manuscrits, il voulut lutter avec la vie et donner l'illusion d'une créature douée de tous les sens : non seulement capable de voir et de toucher, mais encore d'entendre.
Par là, d'ailleurs, se vérifie la subtilité d'esprit de léonard de Vinci, en même temps que le récit des intermèdes de musique de chambre prend aspect de vérité.
Tous les contemporains vinrent admirer la Joconde dans l'atelier de Florence, où Léonard était rentré depuis 1500. On y pouvait voir en même temps le carton définitif de la Sainte Anne, aujourd'hui disparu, et probablement même la peinture qui est maintenant au Louvre. Le portrait n'était pas achevé que le maître s'occupait déjà du carton de la Bataille d'Anghiari. Vasari s'est fait l'écho des contemporains :
« Qui veut savoir, dit-il, à quel point l'art peut imiter la nature, peut s'en rendre compte en examinant cette tête où Léonard a représenté les moindres détails avec une extrême finesse.
Les yeux ont ce brillant, cette humidité que l'on observe vendant la vie; ils sont cernés de teintes rougeâtres et plombées, d'une vérité parfaite; les cils qui les bordent sont exécutés avec une extrême délicatesse.
Les sourcils, ces passages si délicats par lesquels ils s'harmonisent avec la chair, leur épaisseur plus ou moins prononcée, leur courbure suivant les pores de la peau ne sauraient être rendus d'une manière plus naturelle.
La bouche, sa fente, ses extrémités, qui se lient par le vermillon des lèvres à l'incarnat du visage, ce n'est plus la couleur : c'est vraiment de la chair. »
L'admiration qu'avaient eue pour la Joconde les Florentins du cinquecinto est encore durable : les artistes sont frappés par la perfection technique du portrait; le public est touché par l'intensité de l'expression, et c'est la réunion de ces deux qualités qui fait de la Joconde un chef-d'oeuvre.
Mais elle est par surcroît le chef-d'oeuvre de Vinci. Avec la Sainte Anne, elle compte, du reste, parmi les très rares peintures exécutées entièrement par l'artiste.
Il ne faut pas oublier, en effet, que la collaboration des élèves était alors chose coutumière.
Léonard lui-même avait peint l'ange de gauche, dans le Baptême du Christ, de son maître Verrocchio; Ambrogio de Predis donna la réplique de la Vierge aux Rochers, qui est à la National Gallery de Londres, et peut-être travailla aux parties accessoires du tableau primitif; et à Florence, le Vinci avait avec lui deux « garçons», chargés de brosser des portraits auxquels il se contentait de mettre la main de temps à autre. L'inconnue cachée sous le nom de la Belle Ferronnière, où certains critiques croient reconnaître le faire de Boltraffio, est peut-être une de ces oeuvres d'atelier; on n'y sent guère, en tout cas, le fondu, le « sfumato » si cher au maître.
Sainte-Anne, par Léonard de Vinci.
Il est certain que Léonard, pour consacrer tant d'heures à Mona Lisa, dut être très fortement impressionné par son modèle.
Dessinateur merveilleux, il était moins attiré par la peinture. Souvent, il laissait ses oeuvres inachevées. Malgré l'émulation d'une lutte avec Michel-Ange, il s'en tient au carton de la Bataille d'Anghiari et se contente ensuite de peindre la partie centrale. La duchesse Isabelle d'Este, dont il à dessiné l'exquis profil qu'on admire au Louvre, a beau lui envoyer messages sur messages pour obtenir une peinture : l'artiste s'excuse toujours.
Robertet, le favori du roi de France, n'est pas plus heureux dans sa demande d'une Madone. Vinci est plongé dans les mathématiques, et, s'il fait le portrait de Ginevra Benci, c'est sans doute parce qu'elle est la soeur de son ami Giovanni di Amerigo Benci, comme lui occupé de sciences et de cosmographie. Ce n'est que pour la Sainte Anne et la Joconde que Léonard trouve le temps de prendre les pinceaux.
Là, il se donne tout entier. La Sainte Anne ne précéda le portrait que de peu. Les dessins préparatoires et le carton de Londres montrent les variations de la composition.
Mais, en 1501, l'arrangement définitif était trouvé, et le carmélite qui servait de correspondant à Isabelle d'Este put voir, dans l'atelier de Florence, esquisse sur carton. On vint bientôt en foule admirer le dessin terminé. La peinture dut être entreprise sans trop de retard, malgré l'habituelle lenteur de Léonard. Elle contient déjà tout ce qu'on trouvera dans la Joconde : le charme des figures et la poésie du paysage.
Cependant, si la Sainte Anne est d'une séduction incomparable, la présence de plusieurs personnages disperse fatalement l'intérêt.
Dans la Joconde, les qualités du Vinci sont plus ramassées, et le relief de la figure est plus puissant. L'artiste en poursuit le modelé avec une insistance sans pareille.
Et il arrive à s'emparer des formes avec une telle précision, que le visage devient aussi sculptural que le plus pur ivoire.
Car il ne s'agit pas simplement de cette apparence de fini si facile à obtenir par le travail des glacis, mais qui ne correspond, chez beaucoup de peintres italiens, à aucun plan précis; il s'agit d'une traduction serrée, où chaque nuance a sa signification exacte.
Pour le maître, du reste, le modelé constituait la partie la plus difficile du métier du peintre, et celui qui surpassait les autres en ce point méritait à son gré d'être tenu pour le plus habile. En ce sens, Léonard dépasse tous les peintres. Nul n'a déterminé si nettement la forme, et il semblerait que cette précision extrême doive enlever tout mystère à une oeuvre où rien ne reste plus à dire.
Et pourtant, il n'en est rien. Par l'expression déjà, le visage incite à la songerie. Ce sourire inquiétant, qui a troublé tant d'écrivains, n'est peut-être que le sourire presque inconscient d'une jeune femme écoutant les joueurs de viole ou de luth engagés par le peintre. Il suffit, en tout cas, à créer le mystère.
A vrai dire, ce singulier sourire n'est pas particulier à la Joconde. On le retrouve dans la plupart des visages du Vinci : de la Vierge aux Rochers à la Sainte Anne et au Jean-Baptiste.
Il appartient donc moins au modèle qu'au peintre. Il marque la manière de voir et de sentir de l'artiste; ce sourire est le sien. Car, en peignant les portraits des autres hommes, tout artiste peint son propre portrait. Aussi bien, était-ce là l'opinion du grand maître florentin :
« Dans les figures d'un peintre, écrit-il, on reconnaît les attitudes et les manières de l'auteur [...]. Et même celui qui aura les mains lourdes les fera ainsi dans ses oeuvres et reproduira le défaut de son corps, s'il ne s'en garde par une longue étude. »
Ce qu'il peint encore plus à sa ressemblance, c'est son esprit. Celui du Vinci, curieux de tout, raisonneur, bienveillant et subtil, transparaît dans les figures que sa main a brossées; le sourire de la Joconde, de la Sainte Anne ou du Baptiste, c'est le sourire de Léonard.
Mais c'est encore par la technique et par la disposition du fond de paysage que l'artiste a renforcé l'impression de mystère qui se dégage de la Joconde.
Les dessinateurs florentins eurent pour les lignes une prédilection incontestée, mais les courbes du visage ne vont pas sans une certaine sécheresse. Leur art tient de celui de l'orfèvre.
Léonard trouve le moyen de fondre cette netteté du trait par l'emploi d'un procédé nouveau, celui du clair-obscur. Il dispose les lumières et les ombres avec une sûreté admirable; à plusieurs reprises, il remarque dans ses notes. L'imprécision de leur contour, et, par l'équilibre entre la beauté des lignes et la douceur des passages, la Joconde est encore une oeuvre unique.
Personne, auparavant, n'est arrivé à envelopper aussi harmonieusement les formes; et quand, un peu plus tard, Giorgione et les Vénitiens révolutionnent l'art de peindre, la pureté du trait est perdue. Avec le métier des anciens, avec ce métier patient des glacis qui permet, à l'aide des retouches successives, d'atteindre peu à peu au modelé le plus serré, Vinci fait pressentir l'art moderne.
Et si, là encore, il est plus dessinateur que peintre, on ne peut guère lui reprocher de n'avoir pas fait ce que nul, à Florence, ne pouvait avoir fait de son temps, ce qu'allaient seulement commencer à Venise Giorgione et Titien, Palma Vecchio et Lorenzo Lotto, c'est-à-dire peindre directement les choses avec leur couleur, au lieu de diviser le dessin et le coloris. N'est-ce pas déjà beaucoup pour Léonard d'avoir été leur précurseur dans l'emploi de ce moyen d'expression si riche, le clair-obscur?
Eléments du paysage derrière la Joconde.
Le paysage imaginaire de montagne et d'eau qui sert de fond à la Joconde en augmente encore le charme. Là, le maître florentin se révèle poète incomparable. Là, il quitte le réalisme obligatoire du portraitiste pour laisser toute liberté à son esprit.
Peu de peintres ont su créer un paysage aussi merveilleux. De tout temps, Léonard avait été impressionné par les cimes. Comme ingénieur de Ludovic Sforza, il dut fréquemment visiter la région novaraise où se trouvent les carrières de granit de Baveno et Montorfano et les carrières de marbre de Candoglia. Et, de la villa sforzesque, où il logeait souvent avec le More, il pouvait contempler la chaîne des Alpes et ce Mont-Rose dont il fit un jour l'ascension.
Il en parle dans son Traité de peinture, et il explique longuement les raisons qui font que les montagnes paraissent plus foncées au sommet qu'à la base. Déjà, dans la Vierge aux Rochers, la prédilection de Vinci apparaît; elle se marque bien plus fortement dans la Sainte Anne et la Joconde, où la disposition des cimes, leur silhouette légère, témoignent de la délicatesse d'oeil et d'esprit du peintre.
Car il n'était pas simplement capable de suivre la forme d'un visage avec une incomparable sûreté et d'en donner la traduction la plus lisible qui soit; son étude passionnée de la nature, sa connaissance profonde des êtres et des choses étaient pour lui un moyen de construire des formes nouvelles.
Il n'a pas été seulement un réaliste admirable, il a été un inventeur prodigieux de types et même d'êtres fantastiques.
Ce génie de créateur s'exerça plus librement encore dans le paysage, et celui de la Joconde n'a d'égal que le paysage de l'adorable Sainte Anne.
Les mains de la Joconde. A gauche, l'étude conservée à Windsor.
La Joconde ne nécessita sans doute pas autant d'études préparatoires qu'une composition comme la Sainte Anne.
Aussi n'en connaît-on qu'une étude de mains conservée à Windsor. Mais elle suscita de nombreuses imitations. Une jolie copie orne le musée de Quimper. Raphaël en fit un croquis qu'on peut voir au Louvre.
Andrea Solario, Giovanni Boltafilo, Luini, Ambrogio de Predis, Bernardino de Conti, Marco d'Oggiono, Cesare da Sesto subirent l'influence léonardesque. L'étonnant dessin de la Joconde nue et à mi-corps, qui est à Chantilly soulève l'un des problèmes les plus curieux de cette époque de l'histoire de l'art.
Est-il d'un des élèves du Vinci?
Celui-ci, surtout, était bien jeune lorsque Mona Lisa vint poser. En tout cas, il semble bien que ce dessin servit de type pour le Bacchus, dont la peinture doit être enlevée au maître pour être reportée à l'un des disciples.
Trois versions de la Joconde nue. A gauche, au musée de Condé à Chantilly;
les deux autres au Louvre.
Cependant, l'influence de Léonard ne pouvait être que locale et brève. Si l'artiste avait créé l'école du clair-obscur, il s'en était, par tempérament de dessinateur, tenu, dans l'exécution, aux moyens anciens.
La Joconde marque l'aboutissement de l'art florentin; elle en est le chef-d'oeuvre et la suprême manifestation. Même pour un génie égal à Vinci, il eût été difficile, avec le métier florentin, d'aller plus loin dans la traduction des volumes et dans le fondu du clair-obscur.
A cette vision nouvelle des formes pressentie par Léonard il fallait un métier nouveau; il appartenait aux Vénitiens de le découvrir et d'inaugurer l'ère de la peinture moderne.
C'est par le détail poursuivi d'aussi près que possible, bien que toujours subordonné aux directions générales des plans, que Vinci veut s'approcher de la réalité; c'est par la vue d'ensemble, par le sens du caractère, par l'insistance sur certains accents et le sacrifice des détails secondaires, qu'un Giorgione, qu'un Titien, qu'un Tintoret essayent de donner l'impression de la vie. Cette conception de la peinture s'est perpétuée.
Aussi, ce n'est guère que comme paysagiste que Léonard eut un écho tardif : le plus sensible et le plus subtil des peintres français, Watteau, vint sans doute rêver devant les oeuvres du plus subtil des Italiens; et il y a dans le décor de l'Embarquement pour Cythère un souvenir évident du décor de la Sainte Anne et de la Joconde.
Cette dernière fut achetée pour 4000 écus d'or par François Ier, qui avait, en 1516, fait venir Léonard en France.
Dans un manuscrit italien de la bibliothèque de Naples, Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal d'Aragon, décrit la visite qu'ils firent à l'artiste au château de Cloux, près d'Amboise.
Le 10 octobre 1516, ils allèrent voir messer Léonard, qui leur montra trois tableaux. L'un était un portrait de dame florentine, commandé par Julien de Médicis; l'autre un Saint Jean-Baptiste, et le troisième la Sainte Anne. Antonio de Beatis note que Léonard était alors paralysé de la main droite et qu'il avait avec lui un apprenti milanais, qui travaillait fort bien. Il s'agit évidemment de Francesco Melzi, l'élève favori et le légataire de Léonard de Vinci.
Celui-ci parut fort âgé aux visiteurs, qui lui donnent soixante-dix ans. Il n'en avait en réalité que soixante-quatre, mais il avait si ardemment vécu, qu'une année de lui aurait valu de nombreuses années pour un homme moins extraordinaire.
Déjà il avait atteint la cinquantaine lorsqu'il peignit Mona Lisa, et son penchant pour elle fut tout intellectuel. Un splendide portrait de l'artiste, dessiné par lui-même, nous a conservé ses traits.
Il se trouve à la Bibliothèque de Turin et nous montre le front haut de Léonard, les longs cheveux et la barbe grise encadrant le visage magnifique et ferme, les beaux yeux observateurs, fortement enfoncés sous d'épais sourcils. C'est ainsi que le vieillard apparut au cardinal d'Aragon.
Copie de la Joconde, par un élève de Vinci,
au musée du Prado, à Madrid.
Le portrait de femme dont parle le voyageur était-il celui de la Joconde?
Plusieurs critiques ont cru qu'il s'agissait plutôt de la Belle Ferronnière. Mais, aujourd'hui que ce tableau ne peut être considéré que comme une oeuvre d'atelier exécutée vers 1495, il est difficile de supposer que Léonard l'ait gardé pendant de longues années.
Il ne dut faire transporter à l'étranger que des oeuvres de choix comme la Sainte Anne, ou des oeuvres toutes récentes comme le Saint Jean. Bien que celui-ci n'ait pas le fini de la Joconde, il reste admirable de venue et d'expression.
Faut-il attribuer sa moins grande perfection technique à une collaboration de Melzi?
on la croirait plus volontiers due à ce que Léonard, atteint par la paralysie, dut l'exécuter de la main gauche. Ainsi, le Jean-Baptiste se trouve par la facture assez voisin d'une oeuvre antérieure comme la Vierge aux Rochers.
Quant à la Belle Ferronnière, rien ne nous garantit qu'elle ait été acquise par le roi de France, François Ier.
La première mention qu'on en fasse date de 1642.
Mais nous sommes assurés que la Joconde et le Baptiste avaient été achetés par lui. Il n'y a guère plus de doute au sujet de la Sainte Anne, puisque Paul Sove, dans sa Vie de Léonard, signale déjà une Sainte Anne dans les collections royales.
Comment en sortit-elle pour être retrouvée en Italie par Richelieu, c'est ce qu'on ignore; mais il ne faut pas oublier que pareille aventure advint au Saint Jean-Baptiste. Cédé par Louis XIII à Charles Ier d'Angleterre, il fut racheté par Jabach, qui le vendit à son tour à Mazarin.
Si l'on remarque que l'avènement de François Ier ne remonte qu'à 1515, on ne peut plus admettre que le tableau ait été acheté avant l'arrivée imminente de Léonard.
On sait, de plus, que celui-ci n'estimait pas avoir complètement terminé sa peinture : il est donc difficile de croire qu'il s'en soit séparé. On inclinerait ainsi à penser que le portrait admiré par le cardinal d'Aragon n'était autre que la Joconde.
Elle fut placée à Fontainebleau. Dès 1625, le commandeur del Pozzo signale les ravages du vernis sur le vêtement; déjà, les sourcils étaient effacés.
Ils existaient cependant, à en croire Vasari. Mais la robe verte à manches jaunes avait perdu de son éclat et le paysage bleuté un peu de sa finesse. Louis XIV fit mettre le tableau à Versailles; ce n'est qu'après la Révolution qu'il fut transporté au Louvre, d'où il disparut en 1911. Il réapparut en Italie fin 1913, et restitué à la France quelques mois plus tard.
Le vol de la Joconde
C'est le lundi 21 août 1911 que la Joconde disparut du Salon Carré, au Louvre.
Ce jour-là, vers sept heures du matin, deux ouvriers, qui l'avaient vue à sa place en se rendant à leur travail, s'aperçurent, une heure après, que le tableau avait été décroché.
L'alarme jetée, on retrouva la glace du panneau et son cadre en bois dans un petit escalier intérieur qui donne sur la galerie des Sept Mètres et conduit à la Cour Visconti
. Le voleur avait désencadré la peinture pour l'emporter plus commodément.
L'enquête ne donna aucun résultat précis, malgré les importantes primes offertes à qui rapporterait le tableau, ou mettrait seulement la justice sur la bonne voie.
Pendant plusieurs mois, l'emplacement réservé à la Joconde resta vide. Enfin, quand on perdit tout espoir de la retrouver, on la remplaça par le beau portrait de Balthazar Castiglione, de Raphaël.
Plus de deux années avaient passé, et l'on oubliait un peu la Joconde, lorsqu'au début de décembre 1913, un antiquaire italien, Alfred Geri, recevait de Paris une lettre datée du 29 novembre et signée « Léonard ». Cette lettre, écrite en italien, disait :
« Le chef-d'oeuvre est en ma possession; le restituer à la terre d'où il est venu, voilà mon rêve. »
Quoique persuadé qu'il s'agissait d'un mystificateur ou d'un fou, l'antiquaire communiqua la lettre au docteur Poggi, directeur des musées de Florence. Pour attirer le voleur, on lui répondit qu'on était tout à fait disposé à acquérir le tableau, mais qu'on désirait d'abord le voir, et que c'était à son possesseur à venir en Italie, à Florence ou dans quelque autre ville; Milan, par exemple, où l'on pourrait se rencontrer
. Un rendez-vous était proposé pour le 20 décembre, à Milan, quand le prétendu Léonard arriva brusquement à Florence, probablement pour conclure rapidement l'affaire. Il parut d'abord obéir à un sentiment de patriotisme; n'entendant pas que le tableau retournât au Louvre, mais au contraire qu'il figurât à la Galerie des Offices.
Feignant d'entrer dans toutes les intentions de son interlocuteur, l'antiquaire se rendit le lendemain, en compagnie du docteur Poggi, à l'hôtel de Tripolitaine, où était descendu le voleur. Là, persuadé que le gouvernement avait donné à ces deux hommes pleins pouvoirs pour traiter avec lui du prix, le pseudo-Léonard leur montra un coffret en bois blanc, à double fond, dans lequel se trouvaient des vêlements usagés et de vieilles chaussures.
C'est dans ce coffret que la Joconde avait passé la frontière, placée de façon qu'elle ne pût subir aucune détérioration au cours du voyage.
Le fond ayant été soulevé, le docteur Poggi fut tout de suite convaincu qu'il se trouvait réellement en présence du chef-d'œuvre de Vinci. Corrado Ricci, directeur des Beaux-Arts en Italie, prévenu par téléphone, vint immédiatement, et n'eut aucune difficulté à affirmer à son tour l'authenticité; il téléphona même au ministre Credaro qu'il répondait de l'oeuvre sur sa tête, et qu'il assumait la plus complète responsabilité.
Devant cette affirmation, le doute n'était plus possible.
Credaro télégraphia, à Paris, au ministre de l'instruction publique, le prévenant que la Joconde serait rendue à la France, et qu'on la remettrait entre les mains de l'ambassadeur de France, Examiné avec soin, le tableau fut trouvé en parfait état; à peine une légère écorchure sur la joue gauche, et une petite égratignure sur l'épaule gauche l'avaient-elles effleuré.
Un procès-verbal identifia certaines particularités qui sont autant de preuves d'authenticité; d'abord deux fentes, l'une au-dessus de la tête, très évidente, même sur la surface externe du panneau, et réparée au moyen d'une bande de toile et de deux agrafes; l'autre apparente sur toute la longueur.
Ensuite, au dos du panneau et à la partie supérieure, deux étiquettes collées; l'une portant l'inscription imprimée : « Du Rameau, garde-tableaux à Versailles », l'autre l'inscription manuscrite : « Premier du directeur. » Enfin, toujours au dos, mais plus bas et à droite, une rangée de timbres de musées royaux, avec couronnes, sceaux, initiales M. R. et le n° 816.
Quant au soi-disant Léonard, qui fut immédiatement mis en état d'arrestation, c'était en réalité un sujet italien, âgé de vingt-deux ans, et se nommant Vincenzo Peruggia. Loin de paraître comprendre son délit, il se posait au contraire en héros, et il apparut d'abord comme un mégalomane naïf. Il était en effet bien naïf de vouloir venger l'Italie des prétendus rapts de Bonaparte en dérobant au Louvre un tableau acheté par François ler dès le début de son règne, et payé 4000 écus d'or au peintre lui-même.
Peruggia, qui se prétendait artiste, était tout simplement un ouvrier miroitier, d'ailleurs repris de justice, qui, travaillant quelque temps à des réparations au Louvre, avait même aidé à mettre sous verre la Joconde.
Il habitait, avec plusieurs de ses compatriotes, un peu ses complices, 5, rue de l'Hôpital-Saint-Louis, et c'est là d'abord, puis ensuite 5, rue Bichat, que le tableau resta soigneusement caché pendant plus de deux ans.
On retrouva dans le carnet du voleur les adresses de trois milliardaires américains, grands collectionneurs : Pierpont Morgan, Rockefeller et Carnegie, ainsi que les adresses de sociétés artistiques le Berlin et de Hambourg.
Le patriotisme de Peruggia était prêt, on le voit, à d'importantes concessions, et il n'était qu'un moyen de prévenir l'opinion en sa faveur.
Exposé d'abord à la Galerie des Offices de Florence, le portrait de Mona Lisa fut transporté le 21 décembre à Rome et remis officiellement entre les mains de lambassadeur de France.
Exposé ensuite à Milan, il arriva le 31 décembre à Paris, et resta exposé à l'Ecole des beaux-arts jusqu'au 4 janvier 1914, date à laquelle il reprit au Salon Carré sa place antérieure. (André Florelles).
Après avoir été mis à l'abri à Bordeaux pendant la Grande Guerre puis caché en divers endroits pendant la seconde Guerre mondiale, il a retrouvé sa place au Louvre depuis 1945