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El Roslino
Les éditeurs de jeux vidéo se rêvent en nouveau Disney. Ubisoft, le numéro trois mondial, sort ce mercredi son premier long métrage sur grand écran. L'occasion d'ouvrir ses univers à de nouveaux publics. Mais attention au grand écart...
La sortie d'Assassin's Creed sur grand écran mercredi 21 décembre prouve une fois encore que l'adaptation d'un jeu vidéo sur grand écran relève d'une gageure (lire la critique sans concession de Laure Croiset). Les exemples de bides magistraux ne manquent pas dans l'histoire récente du cinéma. Et pourtant Ubisoft a réussi son pari en imposant ses héros. Voici comment l'éditeur de jeu vidéo est parvenu à ses fins.
Lorsqu'Ubisoft se lance dans l'aventure du cinéma, en créant Ubisoft Motion Pictures (UMP) en 2011, il n'a qu'une chose en tête: « valoriser les franchises maison dans le monde du cinéma et de la télévision », explique alors à Challenges Jean-Julien Baronnet, le patron de la nouvelle filiale tout droit sorti d'EuropaCorp qui est conscient de la force des nouvelles marques tout droit sorties de l'univers du jeu vidéo. Selon lui, elles sont aussi fortes que celles de Marvel. Pourquoi s'en priver! Yves Guillemot, le PDG et co-fondateur de l'éditeur français déclare alors à Challenges: « notre modèle, c'est Disney ». Pour autant, il a tout de suite fixé une ligne rouge à ne pas franchir en tirant les conséquences des échecs des précédentes adaptations au cinéma de jeux vidéo. Ubisoft Motion Pictures a alors pour cahier des charges de « garder le contrôle créatif pour respecter l'ADN des jeux » tout en limitant au maximum les risques financiers.
Une expansion de l'univers Assassin's Creed
Si Assassin's Creed le film doit coller à l'ADN du jeu, il ne doit pas pour autant être une simple adaptation. Jean de Rivières, un ancien de Disney qui a rejoint la dream team d'UMP à ses débuts, déclare dans l'ouvrage de Patrick Hellio, Ubisoft, 30 ans de création (édition Les Deux Royaumes) : « Sébastien Puel et Jean Guesdon, producteurs de la franchise, nous ont demandé de faire le même effort qu'eux pour les jeux en créant une nouvelle histoire et en explorant une histoire inédite ».
Il n'est donc pas question de Desmond Miles et de son ancêtre Altaïr ibn La'had, un assassin du XIIe siècle qui évolue entre Damas, Jérusalem et Saint-Jean-d'Acre, ni d'Ezio Auditore da Firenze, le jeune noble florentin, encore moins d'Edward Kenway, ou d'Arno Victor Dorian, les héros des jeux. Le film est conçu comme une expansion de l'univers Assassin's Creed. Mais là encore, il faut pour autant plonger les spectateurs dans un univers trouble, une époque charnière qui annonce une rupture. L'équipe opte pour l'Inquisition dans l'Espagne du XVe siècle, entre Séville et Grenade, un théâtre de jeu idéal pour le nouvel héros Aguilar. Alors que les jeux se sont imposés grâce à leur incroyable environnement historique, la partie contemporaine prend le dessus dans le film, avec le héros Callum Lynch qui, via l'animus qui permet de relier les deux mondes, se projette en 1492. On retrouve également la querelle entre Templiers et Assassins sur fond de quête pour trouver et protéger l'artefact, la pomme d'Eden. En cela, le film colle plus que jamais à l'ADN du jeu. Michael Fassbender se glisse adroitement dans la peau de ces deux personnages passé et présent. S'ajoutent au casting très hollywoodien Marion Cotillard, pas très convaincante et Jeremy Irons, plutôt discret.
« Nous sommes prêts »
Lorsque Gérard Guillemot, le successeur de Jean-Julien Baronnet à la tête d'UMP, s'est présenté devant la presse lors d'une projection jeudi dernier, il a déclaré : « nous sommes prêts ». L'air de dire qu'après cinq années de dur labeur, l'éditeur était parvenu à ses fins avec les géants de Hollywood New Regency (Fight Club, The Revenant, 12 Years a Slave) et 20th Century Fox. « Pendant cinq ans, nous avons rencontré de nombreux acteurs et réalisateurs, mais ce n'est qu'avec Michael Fassbender, notre vedette et producteur, puis le réalisateur Justin Kurzel, que nous avons eu la certitude de pouvoir créer quelque chose d'unique », déclare-t-il dans la préface du livre de Ian Nathan Assassin's Creed, au cœur de l'animus (édition Milady).
Les fans de la franchise ne seront en rien perdus dans le film. Ils y retrouveront tout un tas de clins d'œil et de références à l'univers vidéoludique. Les aptitudes acrobatiques de l'assassin sont bien présentes, avec le risque de flirter parfois avec les Yamakasis, L'Abstergo aussi, cette multinationale qui sert de couverture pour les Templiers. « Nous avons traité les fans comme des héros », explique jean de Rivières dans le livre de Ian Nathan. Quitte peut-être à trop les chouchouter au détriment des néophytes qui vont découvrir la complexité de l'univers du jeu à travers le film. Mais on sent bien ici l'exigence de coller au plus près du jeu.
Un mouvement de fond
Ubisoft n'en est qu'à ses débuts au cinéma. Si les Lapins Crétins remplissent leur mission sur petit écran, il manque encore à Ubisoft de prouver qu'il a sa place pour devenir un nouveau Disney. Plusieurs projets sont en chantier: Splinter Cell avec New Regency, Ghost Recon avec Warner, Watch Dogs avec Sony Pictures. Un film tiré de The Division a également été annoncé. Et ce n'est pas tout. Assassin's Creed devrait se décliner en une trilogie, un peu comme les Star Wars, puisque Michael Fassbender et Justin Kurzel ont visiblement décidé de rempiler. La fin du premier opus annonce d'ailleurs la suite...
Ubisoft reconnaît que ce premier film est la première pierre d'un édifice beaucoup plus ambitieux. Ouvrir ses licences à un monde qui va au-delà de celui des gamers. Un joli coup marketing à 150 millions de dollars selon Alain Corre, le patron Europe cité par MCV, pour une licence qui a dépassé les 100 millions de jeux vendus à travers le monde.
Et c'est un mouvement de fond auquel participent l'ensemble des acteurs de cette industrie. A l'image d'Activision, le numéro un mondial, qui a lancé fin 2015 son propre studio pour adapter ses jeux au cinéma et à la télévision. Et pour cela, comme par hasard, l'éditeur américain est allé chercher un ancien de Disney, Nick Van Dyk. Une série Skylanders est ainsi lancée sur Netflix. Et l'adaptation de Call of Duty est également dans les starting block. Activision Blizzard espère bien récidiver le succès de Warcraft qui, s'il n'a pas convaincu les critiques (lire la critique d'Adrien Schwyter), a fait sauter la caisse grâce à la Chine (plus de 400 millions de dollars de recettes). Cette adaptation prouve « qu'il y a un appétit qui va au-delà du monde des joueurs », a déclaré à Challenges Michael Sportouch, VP France. Repousser les frontières du jeu vidéo, voilà le nouveau Graal d'une industrie qui se sent pousser des ailes.
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