Vous n'êtes pas identifié.
El Roslino
Ernesto Guevara a été tué en Bolivie il y a 50 ans, le 9 octobre 1967. Un demi-siècle plus tard, son image, encensée par le régime cubain, s'efface dans la jeunesse de La Havane.
De notre envoyé spécial. Le grand théâtre Alicia Alonso de La Havane vibre cet automne au rythme du « Che ». Pour les 50 ans de l'exécution de ce dernier en Bolivie, le maestro italien Berardo Mariani a donné un opéra sobrement nommé « Che ». Des artistes ont lu des textes d'Ernesto Guevara et la soprano Milagro, de Los Angeles, les a magnifiés. Il faut dire que l'État multiplie les hommages au guérillero au béret étoilé, ces derniers mois : spectacles, concours photographiques ...
Voilà pour les figures imposées. Mais que reste-t-il du « Che » à Cuba ? Si tous les jeunes Cubains évoquent positivement et assez mécaniquement le souvenir d'un guérillero qui a mené la Révolution avec un idéal sans failles, ils sont bien incapables de développer sur le personnage. Le « Che » ne les fait plus vibrer. Sur la Rampa, l'un des grands boulevards de la capitale, les ados sont ailleurs, loin des slogans guévaristes, les yeux vissés sur leurs tablettes. Ils rient aux éclats, visionnant les groupes latinos sur YouTube, pendant que leurs parents parlent avec leurs cousins de Miami via IMO, l'application vidéo phare à Cuba.
Un business touristique.
À Santa Clara, où les restes du « Che » ont été transférés dans un mausolée en 1997, le souvenir de l'Argentin est plus présent. C'est là que le commandant Guevara a mené la dernière grande bataille victorieuse des Barbudos, à Noël 1958. Avec une poignée d'hommes, il s'est emparé d'un train blindé de soldats du dictateur Batista. Le gouvernement a, en hommage, construit un musée avec des objets ayant appartenu au « Che », puis érigé une immense statue de ce dernier. Plus de 4,5 millions de visiteurs ont visité le lieu depuis son ouverture.
Au-delà des milliers de fresques, de slogans et d'écoles portant le nom du « Che », le souvenir du guérillero est devenu un commerce, qui se décline en petits tableaux, casquettes et t-shirts. Même le fils du « Che », Ernesto Guevara March, sait jouer de l'image de son père. Pour 5.800 dollars (4.450 euros), cet ex-avocat organise des tours de l'île de neuf jours en Harley Davidson, via son entreprise, la Poderosa Tours.
Nous avions rencontré, en 2007 à Santa Clara, quelques rares compagnons du « Che », alors encore vivants. Tous respectaient son honnêteté, son engagement, mais la plupart regrettaient son côté peu communicatif avec ses hommes.
Deux visages.
Dans les classes cubaines plus aisées, qui ont pu voyager à l'étranger et lire une autre histoire sur le « Che » que celle enseignée à Cuba, l'image est toute autre. « C'est lors d'un voyage en France que j'ai découvert un autre homme que celui qu'on nous avait enseigné. On racontait dans des livres que l'on ne trouve pas à Cuba des horreurs sur lui », conte une Havanaise, Yoleimy (*), qui se garde bien de donner son opinion sur le guérillero. Comme si le fantôme du « Che » veillait.