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El Roslino
"L'odieux" et la "Terrible" ont été exécutés sur un trottoir le 25 décembre 1989, après un procès expéditif. Vingt après, leur disparition continue de nourrir les fantasmes.
A son arrivée au pouvoir en 1965, la presse l'encense. Nicolae Ceausescu apparaît comme une sorte de Charles de Gaulle du camp soviétique. Nationaliste et indépendant, il tient tête à Moscou et l'Occident lui fait les yeux doux.
En Roumanie aussi, on l'adule. Son nom ne se prononce pas sans une flopée de superlatifs: "le fils le plus aimé du peuple, le génie des Carpates, le Danube de la pensée, le firmament de l'humanité, le grand architecte, l'Homme magnifique"... "Ceausescu, c'est le peuple", crie-t-on sur son passage. "Si Nicolae Ceausescu avait disparu à la fin des années 60, son propre peuple et l'opinion publique occidentale l'auraient pleuré", note Yves Cuau en décembre 1989.
Le plus autoritaire des dictateurs.
Mais très vite, il sombre dans le pouvoir absolu et personnel après un voyage en Corée du Nord en 1971. Le "conducator" emprunte à Mao Zedong son concept de l'homme nouveau: il veut faire de la Roumanie un modèle marxiste-léniniste. Dans la presse, le "génie des Carpates" devient le "Dracula des Carpates". Le jour où le régime s'écroule, Jean Lesieur constate dans L'Express: "Il s'agit moins de sortir du communisme que d'échapper à la mégalomanie d'un despote de 71 ans pour qui le glas, tout de même, a peut-être commencé de sonner."
D'autres adjectifs accompagnent désormais le nom de Ceausescu: "le tyran roumain", "le despote", "le Savonarole nazi". Simple paysan du Danube devenu cordonnier, puis dictateur, Ceausescu est le dirigeant le plus autoritaire des satellites de Moscou. Le 4 décembre, lorsque Gorbatchev lui demande de céder le pouvoir, il refuse et renforce encore le régime.
Sa femme Elena passe pour une scientifique émérite, couverte de doctorats et de distinctions décernées par des institutions occidentales, dont un département de l'université de Nice qui n'existe pas. La numéro deux du parti est à l'origine du décret qui supprime la contraception.
Un film tronqué et des fantasmes.
Après un procès de 55 minutes devant un tribunal auto-proclamé, Nicolae et Elena sont déclarés coupables de génocide et aussitôt fusillés. Le film de leur exécution tourne en boucle le soir-même sur les télévisions roumaines.
Mais la vidéo est tronquée: après le jugement dans une caserne de Targoviste, à 50 kilomètres de Bucarest, apparaissent à l'image les cadavres gisant sur un trottoir. Qui compose le peloton d'exécution? Mystère. Selon la version officielle, le câble du cameraman, trop court, se serait débranché, juste à ce moment là...
https://www.youtube.com/watch?v=Ar8eizw6TUw
L'exécution à la hâte du couple a laissé à une grande partie de la population un sentiment de châtiment volé, comme si on avait voulu effacer au plus vite toute trace du "génie des Carpates". Quelques fidèles, nostalgiques, continuent de fleurir sa tombe et se réunissent chaque 26 janvier, anniversaire de sa naissance.
Vingt ans après, le dictateur continue de hanter les Roumains. Certains doutent de sa présence au cimetière de Ghencea, où il a été enterré dans la nuit du 25 décembre. La justice refuse cependant l'exhumation du corps. Pour la chanteuse roumaine Ada Milea, "Ceausescu n'est pas mort, l'histoire nous a dupés".
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