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Une nouvelle fois la justice a jugé recevable une action intentée en France pour des faits de contrefaçons commis à l'étranger.
Dans cette affaire jugée le 16 décembre 2009 par la Cour d'Appel de paris, Rue du Commerce n'avait pas apprécié qu'en avril 2007, Carrefour Belgium utilise dans ses pubs en ligne une plaque de rue parisienne sur laquelle était inscrite « RueduCommerce ». Confusion dans l'esprit des consommateurs qui pouvaient croire en un partenariat, contrefaçon de la marque déposée par RDC un peu partout, dont en Belgique.
Une situation d'autant plus épineuse que des liens sur le site belge menaient vers la maison mère française.
L'exception d'incompétence
Faute de solution amiable, le litige prenait un tournant judiciaire. Carrefour souleva, avant tout l'exception d'incompétence des juridictions françaises. Selon l'enseigne, le procès ne pouvait pas être examiné par les tribunaux français. Le 16 mai 2008, le TGI de Paris rejette cette « exception d'incompétence » : les juridictions françaises sont bien compétentes.
L'appel, une procédure qui prend des mois...
L'hypermarché belge ne renonce pas et fait appel. Cette défense allait occuper la procédure pendant de longs mois. Pour Carrefour, le public français n'était pas visé dans les annonces publiées en ligne, puisque les produits présentés n'étaient ni disponibles ni offerts à la vente en France. Argument imparable ?
La solution européenne et de la Cour de cassation
Suivant les avocats de Rue du Commerce, la Cour d'Appel de Paris dans son arrêt du 16 décembre 2009 va prendre de la hauteur pour ensuite revenir au droit purement interne.
Selon un règlement européen de 2000, le demandeur domicilié en France peut en effet saisir :
* La juridiction du lieu où demeure le défendeur (ici la Belgique) pour obtenir réparation du préjudice global
* La juridiction du lieu où le demandeur réside (la France) pour obtenir réparation du seul préjudice subi dans ce pays.
Que va décider la Cour d'appel ? Avant tout elle précise que les critères qui permettent de déterminer la compétence du juge français « ne doivent pas, par une excessive complexité, interdire l'accès à un juge dans un délai raisonnable ». Les faits remontant à 2007, on devinait un début d'agacement.
Les juges vont alors mettre les points sur les i : le site est certes exploité en Belgique mais il « est accessible sur le territoire français ». Le préjudice allégué subi en France « n'est [donc] ni virtuel ni éventuel [et] peut donc être apprécié par le juge français, sans qu'il soit utile de rechercher s'il existe ou non un lien suffisant substantiel ou significatif entre les faits allégés et le territoire français ».
L'accessibilité, seul critère opérant
La Cour d'appel retient donc le critère de l'accessibilité, s'inspirant de la position de la cour de cassation.
Dans son rapport annuel d'activité (Rapport d'activité 2005, La documentation française, 2006) , la Cour suprême constatait déjà que « [cette] matière est le siège d'une évidente tension entre le principe de territorialité du droit de marque et le caractère transfrontalier de l'internet ». Une tension ainsi dénouée : dès l'instant où une reproduction est faite sur un « site ... accessible sur le territoire français » les juridictions françaises sont compétentes pour connaître d'une action en contrefaçon, car « le préjudice allégué du seul fait de cette diffusion n'était ni virtuel ni éventuel ». Le critère de l'accessibilité prenait forme.
Petite parenthèse : certaines juridictions du fond complètent ce critère de l'accessibilité en recherchant un lien « suffisant, substantiel ou significatif » entre la contrefaçon et sa réception par le public français. Mais ceci est employé surtout pour les sites rédigés en langue étrangère, pour compléter d'une certaine manière la recherche du critère d'accessibilité.
L'impact en France
Avec l'accessibilité, seule compte au final la mesure du risque d'impact sur le public français. La démarche peut être critiquée (mondialisation des conflits, réaction en chaîne) mais opter pour un autre critère aurait aussi permis à des sociétés étrangères de démultiplier les obstacles dilatoires aux actions tendant à la réparation de préjudice. De plus, ces actions ne préjugent en rien du sort de l'action en contrefaçon. Enfin, la réparation - si elle est décidée - sera limitée au seul préjudice subi en France, non au préjudice mondial.
« L'objet du débat de contrefaçon ne doit pas être le réseau, virtuel, mais la réalité que l'on y aperçoit par transparence » concluait joliment la Cour dans son rapport.
L'internet de non droit n'existe pas
On mesure ici combien « l'internet de non-droit » tel qu'aboyé ou grogné par des politiques en mal de régulation ou de médiatisation est tout simplement un mensonge. Par cohérence, si l'on tient véritablement à protéger le public français, militons plutôt pour ce texte de loi déposé par deux sénateurs et qui vise à étendre la loi Informatique et Libertés aux données françaises, manipulées par des entreprises américaines : « il est pour le moins curieux que, pour des atteintes commises en France, les sociétés américaines soient régies par le droit français dans le domaine de la contrefaçon et par le droit américain en matière de protection des données ».
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