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Caroline
"Les jeunes du quartier me demandent des préservatifs, tout le temps". Binaté, gérant d'un salon de coiffure afro à Saint-Denis, s'est investi depuis deux ans avec l'association Aides pour faire progresser la prévention du VIH-sida dans sa communauté.
Né à Abidjan, grandi à Saint-Denis et habitant maintenant Aubervilliers, Binaté, 31 ans, n'a pas quitté son quartier, près de la basilique. Après y avoir été salarié pendant dix ans dans différents salons, le jeune homme y a ouvert son propre commerce fin 2008, le "Beau Gocité".
Contacté par l'association de lutte contre le sida, Aides, il a tout de suite accepté de mettre à disposition de ses clients des préservatifs "masculins et féminins", du lubrifiant, ainsi que de la documentation, "compte tenu de la situation: dans le milieu afro, il y a beaucoup de contaminations mais parler de la maladie reste tabou".
Bien en évidence sur le comptoir et non loin de la caisse, un grand bocal et une coupelle contiennent des préservatifs et mélangent prospectus d'organisateurs de soirée et des mémos sur "les bases pour comprendre le VIH-sida".
"Si c'est le week-end, en l'espace d'une heure, c'est vide!", rigole Binaté, selon qui "les jeunes du quartier passent parfois juste pour prendre des préservatifs" fournis par Aides. "C'est bien, parce qu'au moment de passer à l'acte, on n'a pas forcément un ou deux euros pour aller s'en acheter à la pharmacie".
Binaté n'aborde "pas systématiquement" le sujet avec ses clients, sauf avec ceux qu'il connaît bien. "Et puis on pourrait heurter quelqu'un qui serait atteint", ajoute-t-il, reconnaissant que lui-même, "marié, près de trois enfants et fidèle", n'avait jamais fait la démarche de se faire dépister - "par peur du résultat" - avant qu'à l'occasion d'une opération cela lui soit proposé.
C'est une salariée de Aides, Jeanne-Marie Munyemana, qui, tous les 15 jours, vient "s'asseoir et discuter" avec les clients, "un peu comme une causerie populaire" africaine.
"Beaucoup me disent qu'ils savent tout, pour couper court. Mais finalement, avec des quizz, on discute et les gens découvrent que des traitements d'urgence existent, que les modes de contamination ne sont pas que sexuels", raconte cette Rwandaise, bien consciente des freins au dépistage.
"On me dit +Je suis fidèle+, +Je suis pratiquant+, les préservatifs +incitent à la débauche+. Je réponds: les incidents de la vie ça peut arriver", poursuit-elle.
Pour cette militante, "parler de la discrimination des personnes séropositives permet de parler de dépistage et si cela ne parle pas tout de suite aux gens, ils y repenseront peut-être un jour".
Dans l'idéal, il faudrait former les quatre salariés du salon "Beau Gocité" "mais tout le monde manque de temps", relève Jeanne-Marie.
Pour autant, le rôle de "relais" fonctionne: outre le matériel distribué, Binaté a parlé de cette initiative - non contraignante - à un de ses amis, également propriétaire d'un salon, mais lui, du côté de la gare.
Ce travail de maillage communautaire entrepris par Aides porte ses fruits: en deux ans, une dizaines de salons de coiffure, deux magasins de musique antillaise, deux restaurants africains et un foyer de travailleurs se sont portés volontaires.
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