Vous n'êtes pas identifié.
Pages: 1
Réponse : 0 / Vues : 3 582
El Roslino
Adolf Hitler, en avril 1932, peu avant son accession au pouvoir
« La meilleure preuve qu'ils sont authentiques » : quand Hitler adoubait les faux « Protocoles des sages de Sion »
« Il y a cent ans, l'échec d'un fact-check » (3/3). Du 16 au 18 août 1921, le « Times » publie une série prouvant l'inauthenticité d'un célèbre faux antisémite. L'extrême droite, le Parti national socialiste en tête, renverse l'argumentaire de manière fallacieuse.
Pour toute une partie de l'opinion publique, au sortir de l'été 1921, il est désormais acquis que Les Protocoles des sages de Sion, plagiat littéraire et célèbre faux antisémite, n'ont rien d'authentique. Mais pour une importante frange de la population européenne, ultranationaliste, conspirationniste et profondément antisémite, ces démonstrations ne suffisent pas.
Ainsi, le chroniqueur royaliste Roger Lambelin, contributeur au journal L'Action française et traducteur des Protocoles en 1921, évoque, dans la préface de sa réédition de 1925, un « comité de presse institué par les organisations juives de Londres », ironise sur la « mirifique découverte » du Times, et réduit ses conclusions à un travail d'« imagination ». Il fera partie de ceux qui garantiront à ce document une seconde vie, hermétique aux contradictions, et une circulation dans les milieux antisémites radicaux.
Lambelin rappelle qu'aucun témoignage n'atteste que la police tsariste est à l'origine de la falsification. Il n'a pas tout à fait tort : même si l'ouverture des archives russes à la chute de l'URSS ont permis d'espérer une confirmation définitive, la thèse de l'Okhrana demeure discutée aujourd'hui encore par les historiens, comme Michael Hagemeister. Le chroniqueur royaliste concède toutefois au Times que l'origine des prétendues minutes du complot judaïque est « mystérieuse ». Mais sans que cela en réduise la véracité, estime-t-il : dans ce document controversé, Lambelin voit des « inspirations juive et maçonnique ». Même faux, Les Protocoles seraient ainsi dans le vrai malgré eux − un raisonnement que reprennent dans les années 1920 les antisémites de toute l'Europe, et notamment d'Allemagne.
L'artifice rhétorique de la « presse juive »
Adolf Hitler déploie la même rhétorique de mauvaise foi, en estimant que l'article du Times et ses reprises par la presse allemande sont un aveu : « [Les Protocoles] sont censés se fonder sur une “falsification”, comme le gémit et le crie chaque semaine à la face du monde le Frankfurter Zeitung ; c'est bien la meilleure preuve qu'ils sont authentiques. » Un tour d'esprit typiquement antisémite, explique Florent Brayard, coéditeur de Historiciser le mal, réédition critique de Mein Kampf (Fayard, 2021) :
« Le raisonnement est le suivant : l'authenticité des documents est contestée par le “Frankfurter Zeitung”, un journal qui passait dans les milieux völkisch comme un exemple achevé de “presse juive”. Or, les juifs sont supposés mentir en permanence ; leur contestation est donc une preuve de l'authenticité des “Protocoles”. »
Réponse : 0 / Vues : 3 582
Pages: 1