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El Roslino
Beaucoup croient que James Bond est une franchise qui ne sort jamais de ses Aston Martin et ses Vodka Martini. Pourtant, des spin-offs et évolutions ont failli voir le jour.
À l'heure de Mourir peut attendre, il paraît encore impensable pour la grande majorité des gens que la franchise 007 soit portée par un autre profil que celui de James Bond, ce bel et classieux agent britannique au service de Sa Majesté. Même si le personnage de Ian Fleming a été abordé sous divers angles, de l'humour pince-sans-rire de Sean Connery à l'air faussement taciturne de Daniel Craig, la saga n'a jamais dévié de son personnage principal.
Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé. Comme la franchise a semé derrière moult petites perles, certaines idées, certains personnages et certaines transformations radicales pour James Bond ont longuement été envisagés comme des solutions par le duo de producteurs détenteurs de 007. Parmi ces expérimentations mort-nées, on compte des tentatives de spin-offs. Explications.
GOLDENEYE
Bien avant la rumeur révoltante pour certains d'Idris Elba en 007, l'idée de réécrire le personnage de James Bond était là. Dans les années 1990, la saga était bloquée dans les limbes, à cause de problèmes de pur business entre le distributeur MGM/United Artists, et Danjaq, la société des Broccoli, la dynastie de producteurs de la série. Une bataille judiciaire autour de sombres histoires de droits, qui a repoussé pendant plusieurs années un nouveau film.
Prévu dans la foulée de Permis de tuer, censé être tourné dès 1990 et toujours avec Timothy Dalton, le 17e épisode de James Bond a ainsi été victime des histoires de gros sous. Libéré de son contrat de trois films après autant d'années (mais seulement deux films), l'acteur en a profité pour s'en aller. Il en reparlait avec Entertainment Weekly en 2020 :
"Le temps que ce procès, qui avait stoppé le dernier Bond que je devais faire, soit réglé, cinq années étaient passées. Je pense que j'avais commencé à travailler sur ce qui aurait été mon troisième James Bond en 1989 ou 1990. Le film avait été écrit, on rencontrait des réalisateurs, puis le procès est arrivé. Il a duré cinq ans, et après ça, je n'avais certainement pas envie de continuer, après avoir été associé à Bond pendant quasiment 10 ans."
Entre l'annonce d'un 17e film remis sur les rails en 1993, les producteurs n'ont ainsi eu d'autre choix que de redémarrer la saga, d'une manière ou d'une autre. L'ère Dalton n'avait pas eu de conclusion digne de ce nom, mais le retour de 007 devait être explosif. Surtout après une pause si longue pour la franchise, qui avait déballé 16 films en 27 ans. Les producteurs de la famille Broccoli avaient plusieurs idées pour relancer la saga. En novembre 1995, un mois avant la sortie de GoldenEye, Entertainment Weekly les relaye :
"Les producteurs ont cherché un nouveau Bond, un nouveau concept. Ils ont songé à faire de 007 une femme. Ou un homme noir. Ou le faire revenir dans les années 1960. Ils ont même envisagé une ancienne idée de l'acteur Sean Connery d'aller chercher Quentin Tarantino pour réaliser un film. Finalement, ils en sont restés à l'idée classique : les Aston Martin, les Vodka Martini et les belles femmes pour accompagner Bond."
Une conclusion qui prend son sens avec l'annonce de Pierce Brosnan comme nouveau James Bond un an plus tôt, en 1994. Mais pour ne pas perdre la face et affirmer que le traditionalisme était la meilleure voie à emprunter pour la saga, le co-producteur Michael G. Wilson s'est fendu de ce petit commentaire : "Bond n'est pas politiquement correct. Si vous vous attendez à ce qu'il sache changer des couches, vous allez être sacrément déçus".
Autrement dit, le nouvel acteur était bon pour honorer les vieux gimmicks dorénavant intemporels de la saga, et tant pis pour les innovations majeures. Du moins, c'est ce que les producteurs ont cru le temps d'un film, car dès le deuxième de l'ère Brosnan, la question allait revenir sur le tapis, quoiqu'un peu différemment de ce qui était prévu.
DEMAIN NE MEURT JAMAIS
Si James Bond est resté sur le trône de la saga par le biais de Pierce Brosnan, son univers a servi à dénicher la piste de ce renouvellement tant désiré. La révélation ? Michelle Yeoh, qui a campé le rôle de Wai Lin, un agent secret du gouvernement chinois s'alliant à James Bond dans Demain ne meurt jamais (1997), afin d'empêcher qu'un magnat de la "fake news" n'engendre une guerre entre le Royaume-Uni et la Chine.
Un rôle qui a permis de voir une "Bond Girl" égaler le niveau d'expertise de James Bond (notamment dans une course-poursuite où les deux doivent se démener sur une moto, liés aux poignets par des menottes), le faisant même tourner en bourrique à une ou deux occasions (le coup des menottes sous la douche). En conséquence, la critique a salué la performance de Yeoh, capable de tenir tête à la figure bondienne. Le personnage avait donc tout pour porter à lui seul un film.
Selon un rapport de Variety, le duo de producteur Barbara Broccoli/Michael G. Wilson a longuement envisagé, à la suite de ce succès, de donner à Wai Lin un spin-off où elle y vivrait ses propres aventures d'agent secret chinois. Après tout, l'actrice voyait sa popularité internationale grimper à toute vitesse avec des films comme Police Story 3 : Supercop. Un alignement des étoiles qui avait tout l'air d'être un feu vert pour le projet.
Néanmoins, pour "problème d'emploi du temps", Michelle Yeoh ne rempilera pas, que ce soit pour cette idée de spin-off ou même pour le film 007 suivant, où il était prévu de la faire apparaître le temps d'un caméo (sans doute pour ancrer l'image de Wai Lin dans l'esprit du spectateur, afin de le préparer au spin-off). Première occasion manquée, mais l'aventure suivante de James Bond va immédiatement dévoiler une nouvelle prétendante.
MEURS UN AUTRE JOUR
Dans Meurs un autre jour (2002), c'est une autre alliée de James Bond qui s'illustre. L'agent britannique devant arrêter un terroriste nord-coréen voulant oblitérer une partie de la Corée avec la puissance de son satellite qui fait des kaméha solaires, il a cette fois besoin de l'aide de Glacinta "Jinx" Johnson, un agent de la NSA campé par Halle Berry. Le film, malgré sa critique incendiaire, explose le box-office bondien et brosnanien (431 millions de dollars récoltés à l'échelle mondiale).
Avec de tels records, et parce que la performance de Berry en agent secret est elle aussi saluée (malgré une sexualisation bien plus explicite que celle du personnage de Yeoh), le duo de producteurs relance MGM sur l'idée d'un spin-off féminin, mais cette fois-ci avec le personnage de Jinx. L'idée allait même encore plus loin, puisqu'une saga à part entière était considérée pour l'agent féminin. Autant dire que l'ivresse Lara Croft : Tomb Raider et Kill Bill : Volume 1 était passée par là.
Problème étant que le budget alloué n'arrivait pas aux espérances du binôme de producteurs, soit 80 millions de dollars, même si cette somme était nettement supérieure à Tomb Raider et Kill Bill, qui n'avaient bénéficié que d'une trentaine de millions de dollars. N'arrivant pas à débloquer plus de fonds pour concrétiser un film d'ambition, qui permettrait à Jinx d'avoir un film aussi spectaculaire que celui de son collègue masculin, le projet a tout bonnement été abattu par MGM en octobre 2003.
Même si rien ne peut absolument l'affirmer, on a supposé que la débâcle venait du profil de l'actrice qui, en tant qu'Afro-Américaine, a fait craindre aux investisseurs un manque d'intérêt de la part du public (n'est pas Will Smith ou Wesley Snipes qui veut). En tout cas, Halle Berry a elle-même cru en cette hypothèse, d'après ses confessions à IndieWire en septembre 2020 :
"C'était très décevant. C'était en avance sur son temps. Personne n'était prêt à investir autant d'argent pour une héroïne d'action noire. Ils n'étaient tout simplement pas sûrs de sa valeur. C'est là que nous en étions, alors."
MOURIR PEUT ATTENDRE
Une quinzaine d'années plus tard, pas de spin-off féminin à l'horizon. Entretemps, Daniel Craig a repris le flambeau et fait quatre films avec le matricule de 007. Son chant du cygne ? Le cinquième, Mourir peut attendre (2021). Le film se prenant en pleine poire la pandémie de Covid-19, il a été plusieurs fois repoussé afin de s'assurer une fenêtre d'exploitation correcte.
En juin 2020, en pleine attente du film, des rumeurs de Daily Mirror affirment que la scénariste Phoebe Waller-Bridge, chargée de réécrire quelques séquences afin d'y ajouter un brin d'humour et d'équilibre dans les dialogues, pourrait travailler sur un spin-off concernant le personnage de Mathilde (dont on ne peut rien dire de plus, sous peine de spoiler Mourir peut attendre). Depuis, aucune nouvelle n'a circulé sur le projet, laissant à penser qu'il n'était que préliminaire et expérimental, tout au plus.
Néanmoins, si les productions de 007 ne sont jamais parvenues à concrétiser un projet du genre, le public a commencé à considérer de lui-même la question. La promotion de Mourir peut attendre a fortement été marquée par la question de la succession du Bond-Craig. Dans ces débats, qui ont suscité diverses réactions de la part du casting du film, la question de faire de James Bond un homme d'une autre ethnie ou que le matricule 007 soit donné à une femme (voire à une femme de couleur) a été soulevée à plusieurs reprises.
Un questionnement qui s'est fait d'autant plus intense que des rumeurs infondées couraient, affirmant qu'Idris Elba était considéré pour devenir James Bond, ou encore que la présence de Nomi, le personnage de Lashana Lynch dans Mourir peut attendre, pourrait annoncer un remplacement imminent de 007 (elle porte temporairement le matricule durant la retraite d'entre-deux films de James Bond).
Des rumeurs alimentées par l'intention explicite de Broccoli et Wilson de renouveler la franchise (qui n'était donc pas nouvelle, mais on ne communiquait pas une information aussi largement il y a quinze ans). Néanmoins, les deux producteurs ont tenu à faire savoir que cette révolution n'irait pas dans le sens du spin-off ou du changement d'ethnie pour Bond.
Si l'idée de changer radicalement le profil de Bond ou de céder son matricule à une dame peut être considérée comme casse-gueule, on peut légitimement se demander en quoi des spin-offs sur des personnages tiers ont à ce point galéré à voir le jour. À l'époque de l'univers cinématographique Marvel, il semble illogique qu'un projet du genre n'ait pas trouvé sa place sur le petit ou grand écran.
Un constat qui paraît encore plus saugrenu quand on constate la pléthore de personnages féminins récurrents et/ou marquants de l'ère Craig. Pour une liste non exhaustive, on a Eve Moneypenny (Naomie Harris), Nomi (Lashana Lynch), Madeleine Swann (Léa Seydoux) ou Paloma (Ana de Armas, qui devrait d'ailleurs filer du côté de John Wick pour un spin-off féminin).
Plus que des mauvais concours de circonstances, peut-être que l'affaire des spin-offs morts-nés de 007 pourrait témoigner d'une circonspection d'Hollywood à l'égard des films d'action portés par des vedettes féminines. Si le doute est permis, il faut bien admettre que les Ripley ne se sont pas tellement multipliées, avec le temps (il aura fallu attendre Wonder Woman pour normaliser cette image à grande échelle).
En dehors des 007, on peut prendre pour exemple le film d'action féminin Atomic Blonde (2017), qui a rapporté 95 millions de dollars au box-office mondial pour un budget de 30 millions. De pas grand-chose, le film talonne son cousin masculin John Wick (2014), qui a rapporté 88 millions pour un budget de 20 millions. Avec des chiffres pourtant très similaires, John Wick a eu deux suites dans la foulée (et en aura encore, en plus de spin-offs), tandis qu'Atomic Blonde patine pour donner des nouvelles d'une éventuelle suite.
En conclusion, on notera l'ironie avec laquelle les esprits se sont beaucoup échauffés autour de Mourir peut attendre concernant le remplacement féminin de Bond, alors qu'on a frôlé plus d'une fois cette éventualité, avant même que ça ne soit une préoccupation pour quiconque. Et encore. Si des spin-offs devaient voir le jour dans un avenir proche, il y a fort à parier qu'ils ne seraient que des opus satellites à la saga de James Bond.
Pas sûr que les "spin-offs" de l'époque, avec Berry et Yeoh, auraient eu cette courtoisie. À une époque où le concept de "spin-off" était encore vague et où tenir le tronc d'une saga est déjà une grosse affaire, il y a fort à parier que de tels films auraient supplanté (pendant un moment, du moins) le ponceur de vodka martini. On peut donc le dire : la panique au sujet de "Jane Bond" a plus de vingt ans de retard.
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