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El Roslino
Qui n'a jamais entendu parler de Venise, cette ville mythique d'Italie connotée au romantisme dans l'imaginaire collectif ? Perchée sur sa lagune, sillonnée par les gondoles et battue par les flots, avec son célèbre carnaval et ses façades colorées, Venise en fait rêver plus d'un.
Aujourd'hui, cependant, celle que l'on surnomme la « Sérénissime » n'est plus si sereine. Venise est menacée par le réchauffement climatique et d'autres conséquences de l'activité humaine. Finira-t-elle engloutie, devenant ainsi une ville de légende accessible seulement aux archéologues maritimes et dont les vestiges seront exposés dans un musée ?
Venise, une construction précaire
Si Venise est menacée aujourd'hui par le réchauffement climatique, figurant parmi les premières victimes, c'est en partie en raison du site lagunaire sur lequel elle a été construite. En effet, la Reine de l'Adriatique flotte pratiquement sur l'eau. Retour quelques siècles en arrière...
Histoire de Venise
En l'an 1300 avant J.-C., le lieu qui allait devenir un jour la Cité des Doges est habité par de petites communautés du peuple vénète. Les Vénètes mènent une vie paisible sur ces petits îlots qui sont aux alentours de 140 ! Mais les sols marécageux semblent bien peu solides pour y ériger des habitations fiables.
Alors, bien que quelques maisons sur pilotis se dressent sur ces îlots, les pêcheurs et paludiers qui les habitent préfèrent finalement se réfugier sur la terre ferme. Ainsi, ils devraient s'assurer une meilleure pérennité pour leurs constructions.
Une ville portuaire se développe alors sur la côte. Cependant, au Ve siècle, l'Empire romain d'Occident commence à battre de l'aile à cause des attaques extérieures. En proie à diverses invasions barbares, le futur peuple de Venise se réfugie de nouveau sur la lagune, terrain dont les envahisseurs n'ont pas l'expérience.
Un bon choix stratégique pour résister aux divers assauts des Huns ou des Lombards. Lorsque ces derniers investissent une bonne partie de l'Italie, la lagune leur échappe grâce à ses remparts aquatiques naturels.
La construction de Venise : une architecture particulière
Si la lagune vénitienne était un refuge idéal pour assurer la sécurité du peuple face aux périls d'origine humaine, la mise sur pied d'une ville solide demanda beaucoup d'adaptation.
Tout d'abord, l'utilisation de troncs d'arbres comme base de soutien fut rapidement adoptée. Afin de limiter au maximum les mouvements des constructions reposant sur un sol instable, on enfonçait des tronc taillés en forme de pieux sous leurs fondations. En outre, on relia les îles par des ponts.
À partir du XIe siècle, on choisit les briques, plus légères que le bois, comme matériau de construction des habitations. Afin de limiter leur poids, elles ne devaient pas excéder 3 étages. On décida également de leur tailler de multiples fenêtre hautes afin de les alléger encore.
En somme, tout était étudié pour éviter que la ville ne s'enfonce dans ces sols aqueux. Par ailleurs, les architectes firent en sorte que les maisons s'adaptent aux mouvements, malgré tout inévitables, de cette terre lagunaire.
Les cloisons étaient rendues « élastiques » par un système qui les divisaient en plusieurs pans reliés par des planches cloutées pivotantes. Les bords des étages, quant à eux, étaient fixés aux murs par des tiges de métal, solides mais ployables.
Peu après l'érection de Venise, la ville se développa comme site commercial notoire. Bien que sous le joug de l'Empire byzantin, l'ancien Empire romain d'Orient, elle parvint à acquérir une certaine indépendance et une puissance considérable.
Le choix de vivre « les pieds dans l'eau » offrait aux Vénitiens une protection dont ils ne souhaitaient pour rien au monde se départir. De plus, leurs chantiers navals leur ouvrit d'immenses horizons auxquels jamais ils n'auraient renoncé. C'est ainsi qu'ils persistèrent à vivre en ces terres, quitte à s'adapter toujours plus, et que la ville devint ce qu'elle est aujourd'hui.
Venise : le règne avant la menace
La Ville des Amoureux connut une longue période de gloire, des siècles durant, avant de se retrouver en danger. Avec la construction de son célèbre chantier naval, Venise se lança dans le commerce international et disposait de navires de guerre puissants.
Elle devint ainsi le premier empire colonial du Moyen-Âge, et finit même par exercer un contrôle sur tout le bassin méditerranéen, jusqu'à l'île de Chypre. Au vu de cette grandeur, l'Empire byzantin offrit même le privilège aux Vénitiens de s'affranchir des taxes sur certains sites du pourtour de la Méditerranée.
Venise connut son apogée au XVe siècle, au cours duquel elle devint l'une des villes les plus riches du monde. Elle représentait le plus grand port international du globe. Quelques 400 palais et 100 églises furent construits, 170 000 habitants la peuplaient, et l'art s'y développa.
De nombreux peintres talentueux de la Renaissance y virent le jour, de nombreux opéras furent construits et moult représentations jouées. La première banque mondiale avait déjà vu le jour à Venise au début du deuxième millénaire. Au cours du XVe siècle, la ville était devenue la première banque mondiale.
La cité lagunaire connut finalement son déclin après la découverte de la route des Indes par Vasco de Gama et de celle des Épices par Marco Polo, qui empruntait les terres. Les Vénitiens perdirent ainsi leur monopole commercial.
L'Empire ottoman représentait par ailleurs une menace constante qui ébranla la Sérénissime sur toute une période allant du XVe au XVIIIe siècle. Cependant, d'alors à aujourd'hui, Venise ne cessa jamais de briller de mille feux à travers le monde de par son architecture, son art et ses traditions remarquables.
Venise menacée par le changement climatique
Si Venise est aujourd'hui menacée d'engloutissement, c'est à cause de sa géographie physique, mais aussi à cause du changement climatique. En dépit des nombreuses dispositions prises actuellement par les pouvoirs publics, rien ne garantit que la ville puisse survivre aux dérives de l'activité humaine.
Les eaux montent... tandis que la ville s'enfonce
Les Vénitiens vivent depuis toujours avec ce qu'ils appellent l'acqua alta, qui signifie littéralement « l'eau haute ». Il y a un siècle, les habitants de la ville se retrouvaient déjà les pieds dans l'eau environ une fois par an. Les causes de ces inondations étaient alors uniquement naturelles.
Et pour cause, les conditions géo-météorologiques des lieux n'aident pas... D'abord, le Sirocco qui souffle depuis le sud pousse les eaux de la mer Adriatique vers le nord, pouvant provoquer des montées des eaux d'1 mètre... À cela, viennent s'ajouter les marées qui grimpent deux fois par jour, pouvant ainsi élever les eaux de Venise de 50 centimètres.
Pour finir, les variations de la pression atmosphérique peuvent encore faire monter le niveau de 30 centimètre. En définitive, si l'on additionne l'ensemble, Venise peut connaître jusqu'à 1,80 m de montée des eaux au cours d'une inondation !
Les Vénitiens s'adaptent à ces phénomènes récurrents. Des postes d'observation peuvent prédire une inondation deux jours à l'avance. Une sirène retentit afin de donner l'alerte lorsque l'une d'elles survient. Deux heures à l'avance, des passerelles sont installées sur 6 km au sein de la ville afin de permettre aux habitants, bottes aux pieds, de continuer à se déplacer. Toutefois, si les eaux montent un peu trop haut, alors les passerelles se mettent à flotter...
Si le peuple de Venise a longtemps su s'adapter à l'acqua alta, ce phénomène s'aggrave de plus en plus, et ces mesures pourraient bien ne plus suffire. Aujourd'hui, c'est jusqu'à 20 fois par an que Venise se retrouve inondée, avec un niveau de plus en plus haut. En plus des inondations régulières, Venise connaît par ailleurs un enfoncement progressif sous propre poids en son sol si meuble... Ainsi, elle sombre de 4 cm par siècle.
Des phénomènes naturels aggravés par l'activité humaine
Mais aux alentours de l'an 2000, la cité lagunaire avait perdu non pas 4 mais 23 cm de hauteur depuis l'an 1897. En effet, en 1930, fut construit le fameux port de Marghera au bord de Venise, important site industriel et commercial. Les usines construite autour de ce port avaient besoin d'eau douce pour assurer leur fonctionnement.
On mit alors en place des pompes pour puiser l'eau des nappes phréatiques situées sous la ville... et la pompage laissa place à des vides qui firent dégringoler Venise de 9 cm ! De plus, le réchauffement climatique a causé au cours du dernier siècle une montée du niveau de la mer de 10 cm. En additionnant à cela les 4 cm d'enfoncement séculaires, alors on obtient les 23 centimètres.
Le changement climatique provoque notamment la fonte des glaciers, qui ne cesse de faire monter le niveau des mers et océans. Cette élévation devrait atteindre 1 m environ d'ici l'an 2100, menaçant en première ligne les villes côtières...
Les inondations de plus en plus fréquentes et de plus en plus sérieuses mettent en péril l'intégrité des bâtiments qui composent la ville. Les façades se voient rongées par l'humidité, les œuvres d'art et fresques sont également attaquées par cette dernière.
Peut-on espérer sauver Venise ?
Pour tenter de sauver la prestigieuse Cité des Masques, les architectes et les autorités tentent de mettre des solutions en place... tant bien que mal.
Des précautions devenues insuffisantes
Les architectes avaient prévu, en plus de toutes les dispositions prises pour limiter les mouvements des maisons et immeubles, de protéger ceux-ci d'éventuelles montées des eaux. Pour ce faire, ils ont construit leur base en pierre d'Istrie, matériau plus étanche que les briques. Pour autant, avec la gravité actuelle des inondations, l'eau atteint aujourd'hui les briques qui constituent les habitations. Poreuses, ces dernières font même remonter les eaux au sein des murs à cause d'un phénomène du aux lois de la physique.
Après chaque acqua alta, l'eau s'évapore mais le sel reste dans les briques, s'y cristallise, s'y accumule... jusqu'à entraîner un éclatement de ces dernières ! Pour pallier le problème, les constructeurs insèrent des feuilles de plomb dans la structure des murs afin de protéger les briques... mais cela s'avère insuffisant. En fin de compte, tous les ingénieux dispositifs mis en place par les architectes à travers les âges dans le but de préserver les habitations vénitiennes ne remplissent pas ou plus vraiment leur rôle.
Venise est classée au patrimoine de l'UNESCO depuis 1987. Afin de tenter de sauvegarder son patrimoine artistique et architectural, la fondation finance un plan pour le protéger et restaurer les œuvres qui ornent les bâtiments. En juillet 2021, la ville a échappé de justesse a une inscription sur la liste du Patrimoine mondial en péril : l'UNESCO a demandé une interdiction de l'accès des grands navires de croisière à l'intérieur de la lagune. Des mesures qui permettent de contenir les problèmes de montée de eaux et de pollution que connaît la cité lagunaire... mais qui ne sauraient suffire à les éradiquer.
Le projet Mose pourra-t-il sauver Venise
Il y a environ 40 ans, est né le projet Mose, qui signifie « Moïse ». Ce projet a été finalement mis en place en octobre 2020. Actuellement en phase de test, il a consisté à installer 78 digues mobiles aux portes de la mer Adriatique. En effet, Venise est bordée par un cordon de dunes qui la protège (un tant soit peu) des marées. Les digues ont été placées entre les ouvertures de ces dunes afin de prévenir les inondations.
Ce nouveau dispositif pourrait effectivement empêcher la survenue de plusieurs inondations une fois qu'il sera pleinement achevé. Toutefois, l'installation fut longue, et le budget, initialement estimé à 2,5 milliards d'euros, a finalement atteint les 5,5 milliards. L'entretien régulier devrait également représenter des dépenses colossales.
De plus, l'augmentation de la fréquence et de la hauteur des acque alte devrait obliger les Vénitiens à laisser les barrières fermées de plus en plus souvent. Ceci causerait un problème d'ordre écologique non négligeable. La circulation de l'eau de mer permet d'effectuer un nettoyage régulier et bien nécessaire des canaux.
En effet, la cité ne disposant pas de système d'égouts, toutes les eaux usées sont évacuées dans ces derniers... De plus, l'eau de mer apporte de l'oxygène essentielle à la faune et à la flore locale subaquatique, qui en serait alors privées. Une nouvelle perturbation écosystémique serait alors engendrée. Les problèmes de pollution déjà importants, liés au tourisme de masse et à l'industrie navale principalement, se retrouveraient encore exacerbés.
La menace qui pèse sur Venise est prise au sérieux par tous, étant donné que, contrairement à d'autres conséquences du réchauffement climatique, celle-ci est particulièrement palpable. Néanmoins, le seul moyen de sauver la Reine de l'Adriatique et de préserver tous les trésors historiques qu'elle abrite serait de traiter le problème à sa source... Combien de fois faudra-t-il répéter que des mesures sérieuses doivent être prises à l'échelle mondiale pour lutter contre le changement climatique ?
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