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Dans leur rapport final, les 184 citoyens interpellent d'une seule voix le gouvernement sur une "inégalité d'accès" aux soins palliatifs en France. Ils se prononcent plus prudemment en faveur d'une aide active à mourir, sous conditions.
Ils sont venus à bout de "leur" marathon de Paris. Au terme de 27 journées de réunions et de quatre mois de réflexion, 184 citoyens tirés au sort et venus de tous horizons ont achevé, dimanche 2 avril, dans la capitale, les travaux de la convention citoyenne sur la fin de vie. Dans un rapport aussi riche que nuancé, adopté à la quasi-unanimité (92% pour, 3% contre et 5% abstention), ces "conventionnels" appellent le gouvernement à "des changements profonds" pour permettre un meilleur accompagnement des patients en fin de vie. Ils ouvrent aussi la porte à une forme d'aide active à mourir (AAM) en France, sans masquer leurs divisions sur ce sujet sensible.
Cette convention citoyenne a, depuis décembre, planché sur une seule question, adressée par Elisabeth Borne : "Le cadre d'accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d'éventuels changements devraient-ils être introduits ?". En chœur, les participants répondent à la Première ministre que ce cadre actuel "n'est pas adapté", du fait d'une "inégalité d'accès" aux soins sur le territoire et, dans certains cas, d'une "absence de réponses satisfaisantes" autorisées par la loi actuelle. De ce constat, les citoyens tirent une liste de 146 propositions.
Un consensus en faveur des soins palliatifs.
Les membres de la convention citoyenne insistent d'abord sur les points qui ont suscité une quasi-unanimité au sein de leur assemblée. Ils expriment une "conviction commune" qu'il faut "renforcer et améliorer" l'offre de soins proposés à la population, y compris à domicile et en Ehpad. Ils réclament "une garantie d'accès aux soins palliatifs", destinés à prévenir et apaiser les souffrances physiques et psychiques, en application de la loi Claeys-Leonetti de 2016. Celle-ci suffirait à atteindre une égalité "partout et pour tous", soulignent-ils, à condition de "renforcer de manière significative le budget dédié" aux soins palliatifs et à la fin de vie. Or, ce tournant législatif n'a jamais été suivi de l'investissement nécessaire.
Notre système de santé se trouve dans une situation alarmante, faute de moyens humains et financiers.
Plus globalement, les citoyens appellent à remettre l'humain et l'"échange" au centre de la relation médecin-patient, avec l'idée de "valoriser le temps" consacré à la discussion et de mieux "respecter le choix et la volonté du patient". Une telle évolution passerait notamment par un changement culturel chez les soignants, d'où l'invitation à "renforcer la formation des professionnels de santé". Dès leurs études, ceux-ci suivraient un "tronc commun universitaire" consacré à la prise en charge de la fin de vie et effectueraient "un stage en soins palliatifs".
Ces prises de positions "fortes" font partie d'un "socle" de 65 propositions qui ont fait consensus au sein de la convention citoyenne. Elles sonnent comme un appel à l'action, adressé aux pouvoirs publics, d'autant qu'elles s'inscrivent dans la lignée des recommandations déjà formulées par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), en septembre, et par la mission d'évaluation parlementaire de la loi Claeys-Leonetti, mercredi 29 mars.
Une position majoritaire en faveur de l'aide active à mourir.
Vient alors la délicate question de l'AAM. Sans chercher à parler d'une même voix, les Français tirés au sort revendiquent leurs consensus et dissensus pour permettre au public de "cerner toute la complexité" du débat sur le suicide assisté et l'euthanasie, qui ne tient pas seulement à un affrontement entre "pro" et "anti".
A l'heure des votes, trois "conventionnels" sur quatre (76%) se sont prononcés en faveur de l'ouverture de l'AAM. Ils jugent cette mesure "nécessaire" pour "mieux répondre" à certaines situations de fin de vie et pour "respecter la liberté de choix de chacun". A l'inverse, un quart d'entre eux (23%) estiment que "la pleine application du cadre juridique actuel serait suffisante". Pour eux, un feu vert à l'aide active à mourir risquerait de donner lieu à des "dérives" sociétales, dont les personnes vulnérables, dépendantes ou présentant une altération du discernement pourraient être les premières victimes.
Plutôt euthanasie ou suicide assisté ? Les citoyens penchent "plutôt en faveur" d'un libre choix entre la première option, qui consiste en l'administration médicalisée d'un produit létal, et la seconde, qui implique que le patient réalise lui-même le geste final (40%). Une partie du groupe (28%) préfèrerait que le suicide assisté soit l'option principale et que l'euthanasie demeure une "exception", par exemple lorsque le demandeur ne serait pas en mesure de se donner la mort. Cette alternative permettrait "d'éviter une implication trop grande des soignants", expliquent les citoyens, rejoignant là une préoccupation formulée par ceux d'entre eux opposés à l'AAM. Ces derniers s'inquiètent en effet de "risques de déstabilisation du système de santé" en cas de légalisation, "au regard des réticences fortes d'une partie des professionnels de santé".
"Nourrir le débat public plutôt que le clore."
Prête à un top départ à l'AAM, la convention citoyenne imagine toutefois un parcours digne d'une course de haies plutôt qu'un sprint sans obstacles. L'ouverture doit être soumise à des "conditions d'accès", des "garde-fous" et des "mécanismes de contrôle", selon l'avis de la majorité des conventionnels. Des votes relativement consensuels ont permis d'aboutir à un modèle-type de parcours d'accès, dans lequel le patient devrait répéter régulièrement sa demande, se soumettre à une évaluation de son discernement et se plier à la décision d'une "procédure collégiale et pluridisciplinaire". Le personnel soignant, lui, pourrait faire valoir une clause de conscience pour refuser de participer au processus.
Visualisation simplifiée du parcours d'aide active à mourir proposé par les membres de la convention citoyenne sur la fin de vie.
Finalement, le principal point de dissensus porte sur les critères qui permettraient d'avoir accès au suicide assisté et à l'euthanasie. Les membres de la convention citoyenne mettent prudemment en avant le besoin de justifier d'une situation incurable, d'une souffrance qui résiste à tout traitement et, plus particulièrement, d'une souffrance physique. De façon "moins affirmée", ils suggèrent également de conditionner l'accès à l'AAM à l'existence d'un pronostic vital engagé, sans trancher la question du court, moyen ou long terme.
Les conventionnels reconnaissent rester "partagés" sur de nombreux points, dont les questions d'un possible accès ouvert aux mineurs et aux personnes atteintes de souffrances psychiques, "voire existentielles". Soucieux de "nourrir le débat public plutôt que de le clore", les citoyens exposent longuement dans le rapport le "nuancier" de leurs opinions, articulé autour de 19 familles de points de vue. S'en dégage un "champs des possibles de ce que pourrait être le modèle français de l'aide active à mourir", permettant à chaque citoyen et décideur de se positionner de manière éclairée.
La convention citoyenne présentera ses travaux à Emmanuel Macron, lundi matin, à l'Elysée. Conscients qu'ils n'avaient pas pour mission de rédiger une future loi, ses membres disent modestement vouloir "alimenter la réflexion des pouvoirs publics". Ce qui ne les empêche pas de lancer une mise en garde au gouvernement, qui s'est engagé à "les informer des suites données à leurs travaux" : "Il est temps que la parole citoyenne soit pleinement entendue et prise en compte."
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