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El Roslino
Margaux Cassan et Charles Pépin.
Philosophe, spécialiste de Paul Ricoeur, Margaux Cassan nous invite à nous réconcilier avec nos corps, à travers un éloge du "Vivre nu", un essai paru en avril chez Grasset. Et si la nudité était une façon de désamorcer les rapports de domination, de genre et de classe ?
L'histoire de la nudité, par Charles Pépin.
L'histoire de la nudité est plutôt l'histoire d'une femme qui découvre son corps. Mais vous allez voir, ce n'est pas exactement ce que vous croyez. Longtemps, comme beaucoup d'entre nous reconnaissons-le, sa nudité fut associée à la sphère de l'intime, du chez soi, de sa salle de bain, de sa chambre à coucher, de son désir et du désir des autres. Vous connaissez cette photo de Simone de Beauvoir nue, sensuelle et forte, devant le miroir de sa salle de bain. Eh bien c'est ainsi qu'elle vivait sa nudité, entre auto-érotisme, sentiment de puissance et adresse plus ou moins directe au regard de l'autre. Mais c'était avant que le hasard d'une promenade ne la conduise sur une plage naturiste - naturiste, et pas nudiste.
Avant que ses clichés ne tombent en même temps que sa culotte. Avant qu'elle ne découvre la beauté d'une possibilité nouvelle : être nue au milieu de la nature et des éléments, au milieu des autres animaux humains enfin débarrassés de leur vêture sociale, et se voir, oui, se voir, mais en cessant de se mater. Avant qu'elle ne découvre que les vêtements font le jeu des rapports sociaux, des rapports de domination. L'homme qui veut dominer la femme veut la déshabiller. Mais si elle est déjà nue, il se retrouve désemparé. Et si lui-même est nu, avec son corps imparfait et toutes ses années de gainage qu'il n'a pas faites, alors il se retrouve vite un peu moins dominant. Qu'a-t-elle découvert, le jour où elle s'est retrouvée sans culotte, caressée par le vent, enfin rendue à la nature et libérée de son excès de cérébralité ? Que le naturisme n'est pas le nudisme.
Si le nudisme est souvent un exhibitionnisme, le naturisme est une philosophie de la vie, un projet de société écologique en même temps qu'un être au monde cosmique, pour ne pas dire métaphysique. Qu'a-t-elle découvert, le jour où elle s'est retrouvée sans culotte sur une plage naturiste ? Une possibilité inédite d'être au monde, la possibilité, enfin retrouvée, de se fondre dans le grand tout, dans l'amitié du soleil et du vent. Une autre forme de puissance. Ce qu'elle avait aimé en lisant Spinoza et Camus, il faudra qu'elle découvre le vivre nu pour l'éprouver enfin vraiment.
Pour parler de ce que c'est que vivre nu, se mettre à nu, se déshabiller, nous recevons une jeune philosophe, Margaux Cassan, dont le joli essai, personnel et érudit, Vivre Nu, est sorti en avril dernier aux éditions Grasset. Elle nous a rejoint ce matin dans la caverne de France Inter, sous le soleil de Platon, pour nous aider à réfléchir à cette belle question : faut-il vivre nu pour enfin vivre ensemble ?
Le naturisme, une philosophie.
Margaux Cassan a écrit Vivre nu, paru chez Grasset, sur le naturisme. C'est un livre de philosophie, très érudit, et c'est un livre d'histoire, une promenade dans l'histoire de notre nudité. Elle montre que le naturisme n'est pas ce que l'on croit. Elle déshabille les clichés et pose surtout d'abord la différence entre naturisme et nudisme. C'est aussi une histoire personnelle qu'elle raconte, car elle a été élevée dans ce monde-là, dans ce milieu-là, avec sa famille, son oncle, sa tante, ses grands-parents.
Il y a trois éléments qui sont non négociables dans le naturisme. Il y a vivre nu, première chose. Deuxième chose, dans un environnement naturel. Et troisième chose en communauté. Le naturisme peut être un projet de société écologique et véritablement subversif. C'est tout un mode de vie : "Derrière le naturisme, s'il devait y avoir un seul mot d'ordre, c'est la notion de sobriété. Donc sobriété déjà dans le vêtement.
Ce n'est pas seulement d'être nu, c'est aussi quand vous portez un vêtement de porter un vêtement sans froufrou, sans fioritures, sans marque de luxe. Et puis, un certain mode de consommation, ou plutôt de non-consommation de viande, de tabac, d'alcool."
Margaux Cassan a envie de déringardiser le naturisme, car c'est dommage de le réduire à son aspect confort et camping, comme elle l'explique : : « Le naturisme n'est pas un divertissement, c'est une contre-culture : dans l'histoire du naturiste, il y a les plus grands révolutionnaires, les premiers anarchistes, les premiers médecins alternatifs, les premiers végétariens, les premiers écolos, les premières féministes. Tout ça fonde l'histoire du naturisme."
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