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El Roslino
Gustave Eiffel
1889. La France, en pleine Révolution industrielle, se couvre de voies ferrées, de ponts et de charpentes en acier. Une tour de fer puddlé de 324 mètres de haut, à l'esthétique novatrice, s'apprête à faire entrer son concepteur dans la légende.
L'homme aux ponts
Gustave Bonickhausen dit Eiffel naît en 1832 à Dijon, en Bourgogne. Il fait ses premiers pas dans la chimie à l'École centrale des arts et manufactures de Paris, mais choisit finalement, une fois diplômé, de s'orienter vers la métallurgie. Le jeune ingénieur se fait embaucher en 1858 pour construire un pont ferroviaire sur la Garonne. Collaborant avec Paul Régnauld, ingénieur en chef de la Compagnie des Chemins de fer du Midi, il assume à 26 ans la direction du chantier. Ce premier succès précoce crée sa réputation.
Il invente alors les ponts portatifs, livrés en kit partout dans le monde. En France, ses ouvrages traversent la Dordogne à Cubzac, le Thouet à Thouars... L'un de ses chefs-d'œuvre est le pont Maria Pia sur le Douro, au Portugal, achevé en 1877. Quelques années plus tard, l'ingénieur des ponts et chaussées Léon Boyer confie la réalisation du viaduc de Garabit à Gustave Eiffel. Un arc énorme, doté d'une portée de 165 mètres, soutient le tablier du pont : il s'agit d'un record du monde.
Les constructions Eiffel fleurissent au Vietnam, au Portugal, en Hongrie et jusqu'à New York, puisque c'est le centralien qui conçoit la structure de la Statue de la Liberté, montée à Levallois-Perret en 1883. Sa tête couronnée avait été présentée à l'Exposition universelle de 1878, dans le Champs de Mars.
La tour Eiffel
Mais c'est une autre exposition Universelle, celle de 1889, qui apporte à Gustave Eiffel la notoriété. Dès 1880, il avait été décidé qu'on présenterait à cette occasion une tour métallique de 1 000 pieds, soit 300 mètres. Le projet de Gustave Eiffel et de deux ingénieurs de son équipe, Maurice Koechlin et Émile Nouguier, remporte le concours : la construction de la tour Eiffel est lancée en 1887. En deux ans et deux mois, l'édifice est terminé.
Pourtant, l'entreprise ne fait pas l'unanimité. Des articles pamphlétaires lui sont consacrés dès 1886 et en 1887, le journal Le Temps publie une lettre ouverte, la "Protestation des artistes contre la tour de M. Eiffel". Une cinquantaine d'hommes d'arts et de lettres, parmi lesquels Alexandre Dumas fils, Guy de Maupassant et Émile Zola, dénoncent "une tour vertigineusement ridicule, dominant Paris". "Pendant vingt ans, écrivent-ils, nous verrons s'allonger sur la ville entière, frémissante encore du génie de tant de siècles, comme une tache d'encre, l'ombre odieuse de l'odieuse colonne de tôle boulonnée."
Malgré leurs protestations indignées, la tour Eiffel est inaugurée pour l'Exposition universelle, qui célèbre aussi le centenaire de la Révolution française. Aussitôt, la gigantesque tour en fer remporte un immense succès populaire. Durant la seule Exposition universelle, deux millions de curieux iront contempler les Champs de Mars au sommet de l'édifice.
Le scandale de Panama
Fort de cet immense succès, Gustave Eiffel entreprend la construction des écluses du canal de Panama. Bien mal lui prend : en 1893 éclate un énorme scandale financier qui ébranle la Compagnie universelle du canal interocéanique de Panama, créée par Ferdinand de Lesseps. Des parlementaires corrompus sont accusés d'avoir tenté de dissimuler le mauvais état des finances de la société. Le nom d'Eiffel est cité, et l'ingénieur est condamné en première instance à deux ans de prison et à 20 000 francs d'amende. Le jugement est finalement cassé et Gustave Eiffel blanchi, mais le mal est fait.
Profondément affecté par ce scandale, l'ingénieur se retire des établissements Eiffel en 1893 et se tourne vers la science "pure" : la météorologie et l'aérodynamisme. Il meurt octogénaire le 27 décembre 1923, à Paris. Il se sera employé dans les dernières années de sa vie à démontrer le potentiel de la tour Eiffel en matière de télégraphie sans fil. Avec succès, puisque son émetteur de TSF joue un rôle décisif durant la Première Guerre mondiale - permettant notamment de déjouer l'attaque allemande sur la Marne et d'identifier l'espionne allemande Mata Hari.
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