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Lancées un peu partout dans le pays depuis une dizaine d'années, ces initiatives sont l'œuvre de communes rurales qui affirment vouloir lutter contre le dépeuplement.
En Sardaigne et en Sicile (Italie).
Lorsqu'il esquisse les contours de sa nouvelle vie en Sardaigne, Giorgio Orazi déborde d'enthousiasme. «Ici, on s'est fait beaucoup d'amis. Il y a des fêtes traditionnelles, le climat est bon et le village est tellement tranquille qu'on laisse la clé sur la porte. On est presque considéré comme des habitants de Nulvi désormais.»
À 500 kilomètres de là, depuis la ville sicilienne de Gangi, Lila Desjardins se montre tout aussi euphorique. «Ce que je dis toujours, c'est qu'ici, je n'ai pas simplement trouvé une maison pas chère. J'ai trouvé un village qui est magnifique, une communauté de gens hyper accueillants... En somme, une nouvelle famille.»
Giorgio Orazi et Lila Desjardins ont apparemment peu de choses en commun. Le premier est originaire de Pérouse, en Italie. La deuxième vient des Alpes-de-Haute-Provence, en France. Pourtant, tous deux se sont lancés dans une même aventure: ils ont acheté une maison à 1 euro.
«J'ai découvert cette initiative tout à fait par hasard en regardant une émission à la télévision où l'on parlait de Gangi», se souvient Lila. Nous sommes alors en 2018 et sitôt le reportage terminé, cette élue départementale décide d'embarquer dans un avion direction la Sicile. Quelques semaines plus tard, la voilà propriétaire d'une maison en pierre de 100 mètres carrés située dans le centre historique de Gangi. «Un bourg élu plus beau village d'Italie 2014», revendique fièrement Lila. Prix d'achat officiel: 1 euro tout rond. Comment un tel miracle a-t-il pu se produire ?
«Les propriétaires voulaient me tuer.»
Pour le comprendre, il faut demander des explications à celui qui se revendique comme l'inventeur du modèle «maisons à 1 euro»: Giuseppe Ferrarello. En 2007, l'homme commence à peine son premier mandat de maire à la tête de Gangi lorsqu'il a une idée pour redynamiser le centre-ville médiéval de sa commune. À l'époque, on y dénombre environ 580 maisons inhabitées ou totalement abandonnées.
«J'ai décidé d'envoyer une lettre à tous les propriétaires de ces habitations en leur disant: “Ta maison est abandonnée, il peut y avoir des problèmes d'effondrement, sanitaires, donne la possibilité à ta commune de l'offrir à quelqu'un d'autre.”» Concrètement, le maire demande aux propriétaires un mandat pour l'autoriser à céder à un tiers leur maison gratuitement (et non à 1 euro).
Après des débuts compliqués -«les propriétaires sollicités voulaient me tuer», raconte Giuseppe Ferrarello-, le projet prend forme. En 2011, une première maison est cédée gratuitement, puis une autre. S'ensuit un battage médiatique qui met Gangi sous le feu des projecteurs du monde entier. Résultat: dans les treize années ayant suivi, la commune parvient à «céder» 180 maisons. «Certaines à titre gratuit», comme le prévoyait le projet original, «et d'autres à un prix très bas», précise Ferrarello.
Logiquement, le succès de Gangi finit par inspirer d'autres communes. Progressivement, aux quatre coins de la péninsule, des programmes «maisons à 1 euro» commencent à pousser comme des champignons. Notamment en Sardaigne, l'autre grande île du pays où s'érige Nulvi, village niché sur un col à 400 mètres de hauteur.
Des ventes sous conditions.
Dans ce petit bourg de 2.700 habitants, «70% des maisons du centre-ville étaient abandonnées ou non habitées lorsque je suis devenu adjoint à l'urbanisme», retrace Luigi Cuccureddu, un autre apôtre des maisons à 1 euro. Nous sommes alors en 2015 et, comme l'avait fait Ferrarello avant lui, Cuccureddu commence à dénicher des habitations en très mauvais état dont les propriétaires acceptent de se débarrasser. Il se propose comme «intermédiaire» pour les céder gratuitement à des tiers. À des conditions précises, néanmoins.
«Le critère était qu'un an au maximum après l'acquisition de la maison, il fallait lancer le projet de rénovation, et au bout de trois ans, il fallait avoir complété les travaux. En employant une main-d'œuvre locale de préférence», précise l'ancien adjoint. Bientôt, attiré par la position stratégique de Nulvi, située à une quinzaine de kilomètres seulement des côtes turquoises du nord de la Sardaigne, des acquéreurs venus des quatre coins de la planète toquent à la porte de la commune et se portent candidats à l'acquisition gratuite d'une maison. Presque dix ans plus tard, Luigi Cuccureddu savoure, satisfait, les résultats de cet afflux de néo-Nulviens.
«Ils ont requalifié des immeubles, les ont rendus plus sûrs, plus beaux esthétiquement... C'était l'objectif: ne plus voir un centre-ville en ruine. Même s'il reste beaucoup de travail à faire et si tous n'habitent pas le village toute l'année, nous avons obtenu tout ça à coût zéro pour la commune», jubile l'ancien élu. Pourtant, si la ville n'a effectivement pas déboursé un seul centime, tel n'est pas le cas des acquéreurs. Pour remettre à neuf sa maison de 80 mètres carrés, qui n'était qu'une ruine, Giorgio Orazi a par exemple dépensé 60.000 euros. Quant à Lila Desjardins, elle a engagé quelque 45.000 euros pour rebâtir son habitation de Gangi.
Pas vraiment gratuit.
Si l'on considère les travaux à faire, les maisons à 1 euro ne sont donc gratuites que sur le papier. Si Giorgio et Lila s'estiment satisfaits de leur affaire, d'autres acquéreurs potentiels se laissent parfois décourager lorsqu'une fois sur place, ils constatent l'ampleur de l'investissement requis.
Ainsi, il arrive souvent que des clients potentiels qui visitent un «village à 1 euro» finissent par jeter leur dévolu sur une maison plus chère, mais plus simple dans cette même commune. Une dynamique bien connue des maires transalpins, qui savent parfois l'exploiter à leur avantage.
«C'est une opération de marketing et de microéconomie dont l'objectif était de stimuler la demande.»
À Montieri, par exemple, petit village de la Toscane profonde, à grand renfort de titres de journaux, le maire Nicola Verruzzi a lancé à son tour un programme «maisons à 1 euro» en 2014. Avec néanmoins une petite différence par rapport aux exemples de Gangi et Nulvi: il n'y a jamais eu de maisons «gratuites» disponibles dans la ville de Montieri, seulement des habitations vendues à des prix réduits par des privés.
«Nous avons fait des accords de collaboration avec des agences immobilières et on a mis à disposition des fonds de la commune pour restructurer les habitations», se défend Nicola Verruzzi, qui évoque «une opération de marketing et de microéconomie dont l'objectif était de stimuler la demande».
Publicité mensongère ou lutte contre le délabrement ?
D'aucuns parleraient de publicité mensongère, mais le succès apparent de cette opération, qui a porté à la vente (et donc à la remise en état) de dizaines de maisons draine forcément son lot de questions. Faut-il vraiment s'indigner d'une opération de communication comme celle menée à Montieri? Au fond, «pour les communes, il n'y a pas beaucoup d'instruments pour lutter contre l'inertie des propriétaires face au délabrement de leur habitation», pointe avec justesse le maire Verruzzi.
Peu importe les moyens employés donc, seuls les résultats comptent, semble aussi suggérer Maurizio Berti, créateur du site casea1euro.it. Depuis 2014, celui-ci rassemble toutes les initiatives qui se réclament de ce «slogan» aux quatre coins de la Botte.
«C'est sûr qu'il s'agit d'un titre très accrocheur, mais je pense qu'il faut un peu sortir de cette logique des maisons à 1 euro, estime désormais l'homme. Il y a des maisons qui ont été cédées à ce prix symbolique, d'autres non, mais ce qui compte c'est le repeuplement de tous ces bourgs. Certains propriétaires viendront habiter un mois, d'autres tout l'été, certains se réinstalleront définitivement.»
Tous ces cas contribuent à une dynamique, veut croire Maurizio Berti qui, en guise de conclusion, tient à partager un chiffre très parlant, conséquence des vagues d'immigration qui ont successivement frappé l'Italie. «Le dernier recensement de 2011 estimait à un peu moins d'1 million les maisons abandonnées dans le pays», s'alarme-t-il. C'est dire s'il reste de la place pour des projets de ce type. Qu'ils soient à 1 euro ou un peu plus.
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