Le Québec est un grand utilisateur de Starlink, le service d'Internet satellitaire d'Elon Musk. Mais l'arrivée de nouveaux réseaux de satellites canadiens pourrait mettre fin à cette dépendance.

Doug Ford, le premier ministre de l'Ontario, a vite répliqué quand les États-Unis ont évoqué la mise en place de tarifs douaniers cet hiver. Il a décidé de déchirer une entente de 100 millions de dollars avec le fournisseur d'accès Internet américain Starlink, une filiale de l'entreprise SpaceX d'Elon Musk, proche collaborateur du président Donald Trump.

Au Québec, le premier ministre François Legault n'a pas voulu en faire autant jusqu'à présent. Les satellites de deux entreprises canadiennes - une à Ottawa, l'autre à Montréal - pourraient cependant permettre à la province de ne plus dépendre des Américains dès 2030.

Si le gouvernement québécois a réagi avec mesure, c'est qu'il a beaucoup à perdre : il a déjà contribué financièrement au déploiement de Starlink et distribué quelque 9 200 antennes domestiques (d'une valeur de 749 dollars chacune) à des foyers qui n'avaient pas accès à Internet haute vitesse et pour lesquels une connexion par fibre optique aurait coûté trop cher. Leurs mensualités sont aussi en partie subventionnées. À ce jour, plus de 103 millions de dollars ont été remis à la filiale canadienne de SpaceX dans le cadre de cette entente, qui prend fin en juin.

Starlink - une constellation de satellites en orbite basse, beaucoup plus près de la Terre (environ 550 km) que l'orbite géostationnaire (35 786 km) des premiers satellites Internet - offre un service d'une bien meilleure qualité qu'auparavant pour tous les usages modernes, des jeux vidéos aux visioconférences, même au plus profond de la forêt québécoise.

Renier Starlink signifierait non seulement la perte de millions de dollars, mais aussi celle de l'accès à Internet haute vitesse pour des milliers de Québécois ne pouvant compter sur aucun autre service équivalent.

Tout cela pourrait changer avec l'arrivée de Lightspeed, un réseau de satellites à orbite basse créé par l'entreprise d'Ottawa Télésat, dont les appareils sont assemblés au Québec. Les 298 satellites de Lightspeed devraient permettre d'offrir Internet haute vitesse partout au Canada d'ici 2030.

« Lightspeed devrait aussi assurer une meilleure couverture que Starlink dans l'Arctique, puisque le réseau a été en partie conçu pour ça », souligne Gunes Karabulut Kurt, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les nouvelles frontières des communications spatiales et professeure à Polytechnique Montréal.

Starlink n'a toutefois pas que des ambitions pour le réseau Internet résidentiel : ses satellites peuvent également être utilisés pour des communications directes avec les téléphones intelligents. Ainsi, grâce à l'entreprise, les abonnés du fournisseur téléphonique T-Mobile, aux États-Unis, sont depuis peu en mesure d'envoyer des messages textes quand aucun réseau cellulaire n'est accessible.

Pour ça aussi, le Québec pourra bientôt compter sur une solution locale équivalente. L'entreprise montréalaise Terrestar Solutions a en effet l'intention de participer à un réseau mondial de satellites à orbite basse qui seront optimisés pour les communications de téléphones à satellites.

« Les satellites offriront un complément aux réseaux cellulaires, pour que les gens puissent être connectés partout où ils sont, avec leur téléphone habituel », dit le président de l'entreprise, Jacques Leduc. Le service pourrait aussi être utile pour les objets connectés et pour l'armée, notamment.

Terrestar espère lancer deux premiers satellites en 2026, ce qui permettrait aux fabricants de puces et de téléphones ainsi qu'aux fournisseurs de réseaux cellulaires de faire les essais nécessaires. Deux cents autres viendraient ensuite, afin de proposer un service vers 2028.

« Avec ces deux projets, le Canada devrait être bien couvert, et pourra se passer de Starlink », estime Gunes Karabulut Kurt.